Homélie du 07 juin 2015

Prédicateur : Basilios Georges CASMOUSSA, Auxiliaire Patriarcal, Archevêque émérite de Mossoul, Irak
Date : 07 juin 2015
Lieu : Basilique Notre-Dame, Lausanne
Type : radio

Jean 6, 26-34 :

Jésus leur répondit:
«En vérité, en vérité, je vous le dis:
Vous me cherchez, non parce que vous avez vu des signes,
Mais parce que vous avez mange du pain à votre satiété.
Travaillez, non pour la nourriture périssable,
Mais pour la nourriture qui demeure en vie éternelle,
Celle que vous donne le Fils de l’Homme,
Car c’est lui que le Père Dieu a marquée de son sceau».
Ils lui dirent alors:
«Quel signe vas-tu nous faire voir pour que nous te croyons?»
Nos pères ont mangé la manne au désert, selon le mot de l’Ecriture: Il leur a donné à manger du pain venu du ciel».
Jésus leur répondit :
«En vérité, en vérité, je vous le dis:
Ce n’est pas Moïse qui vous a donné le pain du ciel,
C’est mon Père qui vous le donne, le pain du ciel, le vrai,
Car le pain de Dieu, c’est celui qui descend du ciel et qui donne la vie au monde»
Ils lui dirent alors:
«Seigneur, donne-nous toujours de ce pain-la».
Jésus leur répondit:
«Je suis le pain de vie.
Qui vient à moi n’aura jamais faim.
Qui croit en moi n’aura jamais soif»

En lisant ce dialogue entre Jésus et les Juifs, en cette solennité de la Fête-Dieu, et dans la perspective du thème du Colloque du Centenaire du Génocide de 1915 «Quel vivre ensemble aujourd’hui», nous ne pouvons que faire le parallélisme avec un autre dialogue chez Jean, entre Jésus et la Samaritaine (4:7-30). Celle-ci aussi, voyant Jésus lui proposer une eau pouvant étancher sa soif une fois pour toutes, lui demande de cette eau, pour qu’elle n’ait plus à revenir au puits. Mais Jésus lui répond sur un autre registre: «L’eau que je donne, devient pour celui qui la reçoit source d’eau jaillissante en vie éternelle». Les Juifs eux aussi, voyant Jésus leur proposer un pain durablement nourrissant, pour la vie du monde, lui demandent:»donne-nous, donc, toujours de ce pain-la».

En employant la même expression «vie éternelle», Jésus invite les Juifs et la Samaritaine… et nous-mêmes aujourd’hui à:

  1. Dépasser la nourriture matérielle a la nourriture de l’Esprit, les besoins immédiats au nécessaire impérissable et «éternel». Dieu seul est éternel, et c’est à cela que l’homme est appelé: à la vie de Dieu, à vivre de Dieu. La parole de Dieu devient nourriture, donc: vie, énergie vivifiante, libératrice, source d’inspiration, de renouveau, de créativité, de rencontre, d’Espérance qui illumine nos actions et nos engagements.
  2. Si les Juifs et la Samaritaine détournent la conversation, comme pour se dérober de la logique de Jésus, en faisant appel à leur propre histoire «ancestrale», «ethnique» dirions-nous aujourd’hui, «egocentrique» en quelque sorte: «Nos pères ont mangé la manne au désert, selon le mot de l’Ecriture»; «Nos pères ont adoré sur cette montagne, et vous dites que c’est à Jérusalem…». Jésus ramène la conversation au point central:

* «L’homme ne vit pas que du pain, mais de toute parole sortant de la bouche de Dieu». Et il ne sort de la bouche de Dieu que vérité, consolation, miséricorde, respect de l’autre, ouverture, solidarité. Sous aucun prétexte, le nom du Dieu Saint ne saurait être invoqué pour légitimer la destruction de l’homme, la spoliation de la vie et des biens d’autrui, l’éradication d’un peuple, ou d’imposer telle loi, même religieuse, par la violence et la terreur, a ceux mêmes qui ne partagent pas «ma religion»…Soyons logiques si c’est du même Dieu que nous parlons.

* Dieu est Esprit, et ceux qui l’adorent, c’est en esprit et vérité qu’ils doivent l’adorer. Ce n’est donc ni sur cette montagne, ni à Jérusalem..». Les gestes d’adoration ne sont qu’expression et gesticulations vides de sens, si elles ne montent pas du cœur. Dieu n’est la ›propriété’ de personne, ni d’un clan, ni d’un lieu. Il n’y a plus de ville sainte, de peuple de Dieu, de meilleure nation dans le sens exclusif. L’Evangile de Jésus-Christ s’adresse a toutes les nations comme bonne nouvelle, comme voie de salut, comme libération, et non pas comme un recrutement d’adeptes de je ne sais quelle société secrète ou club.

  1. Si Dieu est Dieu, il est par définition père, et ceux qui s’en réclament comme leur Dieu, doivent traiter les autres hommes comme leurs frères. Avec ce que cela exige d’égards mutuels. Le vrai vivre-ensemble ne peut se faire dans la violence, l’injustice, la discrimination, le musèlement de la minorité par la majorité, encore moins si cela est fait au nom d’une religion. N’est-ce pas notre conjoncture au Moyen-Orient! Ce n’est pas nous, chrétiens du Moyen-Orient, ici présents six siècles avant l’Hégire, avec notre histoire, notre terre, nos églises et monastères, notre patrimoine, notre langue qui est celle du Christ lui-même, qui refusons le vivre-ensemble. Ce sont certains autres qui nous font violence depuis, surtout plus d’un siècle, pour nous démunir de notre droit de citoyenneté, de notre mémoire et nous expatrier, comme refugiés, étrangers, vagabonds sur les trottoirs du monde.

Blessés dans notre honneur aussi bien que dans notre chair, nous attendons le bon samaritain, nous attendons que le Seigneur se réveille à notre cri: «Mais Seigneur, nous périssons». Et dans notre angoisse, nous continuons de tendre   notre main à nos compatriotes en geste de paix. Ce sera le sens de l’échange de la paix a l’Eucharistie d’aujourd’hui. »

10e dimanche du temps ordinaire

Fête du Saint-Sacrement

Lectures bibliques : Exode 24, 3-38; Psaume 115; Hébreux 9, 11-15

7 juin 2015 | 14:58
par Barbara Fleischmann
Temps de lecture : env. 4  min.
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