Homélie du 08 décembre 2013

Prédicateur : Abbé Marc Donzé
Date : 08 décembre 2013
Lieu : Basilique Notre-Dame, Lausanne
Type : radio

Il y avait un homme au nom étrange. Il s’appelait Joachim et c’était un juste. Il respectait Dieu et la création. Il gardait ses moutons sur les montagnes de Galilée. Et le soir, près de sa cabane, il pleurait. Il pleurait, parce qu’il n’avait pas d’enfant. Sa femme, qui s’appelait Anne, pleurait aussi, car elle se sentait stérile. Et elle était déjà âgée. Elle aussi était juste, elle aussi était douloureuse.

Un beau jour, Joachim reçut une visite dans son cœur. Était-ce un rêve, un songe ? Était-ce un ange ? Je ne sais, Dieu le sait et peu importe. Cela avait l’air d’un grand coup de vent, un de ces vents chauds qui caressent et emportent ; un de ces vents qui transforment les idées et changent le cœur. Il comprit alors que sa femme allait avoir un enfant, malgré tout, au-delà de tout.

Alors, Joachim descendit de la montagne. Il alla trouver sa femme. Ils se connurent, comme dit la Bible. Ils conçurent un enfant, avec tout leur corps, tout leur cœur et toute leur foi. Et leur enfant reçut le nom de Marie, avec joie, avec une infinie reconnaissance.

Qu’est-ce que la conception d’un être humain ? Elle obéit aux lois de la nature, que nous connaissons tous. Anne et Joachim conçurent leur enfant selon les lois de la nature. Mais pas seulement. Leur histoire montre que Dieu y a mis du sien, pour que la femme et l’homme qui se croyaient stériles enfantent tout de même.

N’y a-t-il pas là une belle question pour nous tous ? Nous avons appris à connaître les lois de la nature ; et c’est tant mieux. Mais, souvent, nous avons perdu la trace du mystère. Car la vie demeure un mystère : aucun laboratoire d’ailleurs ne peut produire de la vie à partir d’éléments inanimés. La vie est une merveille, elle est d’une complexité et d’une subtilité affolantes. Elle est bien la résultante de lois de la nature, mais elle est aussi un don de Dieu. La rencontre anonyme des cellules et le don de l’Amour. On va me dire : votre affirmation n’est pas scientifique. En effet, elle ne l’est pas au niveau des sciences biologiques. Mais n’y a-t-il que la science et la matière ? N’y a-t-il pas des réalités que les microscopes ne peuvent pas saisir ? Le mystère de l’Amour qui est communiqué à un être, à une personne ? Je le crois, et cette foi, je la sais au profond du ventre de la personne humaine que je suis. Ne sentez-vous pas aussi la vibration de cette onde de l’amour, qui donne couleur à notre biologie ?

Donc, Dieu y met du sien, pour la venue de chaque personne humaine. Ne dit-il pas, dans le livre d’Isaïe : « Je t’ai appelé par ton nom, tu as du prix à mes yeux, tu es précieux pour moi, car je t’aime » ? Anne et Joachim l’ont bien compris, qui ne cessèrent de s’émerveiller de la naissance de Marie, leur fille.

En fait, pour la venue de Marie, Dieu y a mis du sien encore plus que d’habitude, si j’ose m’exprimer ainsi. Pourquoi ? Comme mère de Jésus, elle inaugurait un monde nouveau.

Nous tous les hommes et les femmes, nous venons au monde un peu tordus. Aimés par Dieu, oui, mais un peu tordus. Tordus, parce que nous sommes traversés par toutes les contorsions qu’a inventées l’humanité à travers les âges : accaparements, guerres, jalousies, excès de pouvoir. Nous ne sommes pas par voie de naissance dans la pleine harmonie de Dieu. C’est ainsi et il suffit d’un regard réaliste sur l’humanité pour le constater. C’est ainsi, nous sommes un peu tordus, mais ce n’est pas le dernier mot, car Dieu veut nous rendre droits, lumineux et heureux, à petits pas ou à grands pas selon la manière dont nous pouvons consentir à sa Présence. Car Dieu veut faire un monde nouveau, mais avec notre collaboration ; un monde tout nouveau, où il n’y aura que l’amour. Et l’amour est la réalité la plus passionnante du monde.

Dieu a déjà donné à voir ce qu’est un homme tout pur, tout aimant, tout donné, tout pétri de lumière et de réconciliation, traversant les tragédies de ce monde jusque dans la Résurrection. Jésus-Christ est l’homme tout en droiture d’amour. (Entre parenthèses, qu’est-ce que c’est beau un homme qui devient un être de réconciliation, comme Nelson Mandela !).

Et Marie, sa mère, – c’est si important une mère – est venue en ce monde toute droite. Car le monde nouveau qui s’inaugure en Jésus-Christ et déjà en sa mère doit commencer tout droit et non plus tordu. C’est pourquoi Dieu le Père y a mis du sien dans la conception de Marie, beaucoup du sien pour que Marie, mère de Jésus, soit le germe tout pur d’un monde renouvelé. C’est pourquoi, le mystère de Marie, c’est l’annonce de notre avenir, qui progresse à pas de silence et d’amour.

Il faut ajouter que Marie, née toute droite, n’en devient pas pour autant une petite femme préservée ou, comme disent certains esprits qui se croient forts, une « oie blanche ». Toute droite, elle traverse cependant un monde tordu. Aucun combat ne lui sera épargné. Et chaque fois, elle devra choisir de se tenir debout. Et elle se tiendra debout même au pire moment. Debout, douloureuse au pied de la Croix.

En cette fête de l’Immaculée Conception de Marie, et dans la préparation de la Nativité de Jésus, nous pouvons nous réjouir. Car en regardant Marie, née toute pure et toute droite, nous regardons notre avenir. Nous le regardons au-delà au-dedans de toutes les épreuves qu’elle a dû traverser et que nous avons à traverser nous aussi, chacun à notre manière. Car, comme dit saint Paul, « Dieu nous a choisis avant la création du monde, pour que nous soyons, dans l’amour, saints et irréprochables sous son regard. Il nous a d’avance destiné à devenir pour lui des fils et des filles par Jésus-Christ. » Cette réalité est déjà commencée ; ce monde n’est plus seulement un monde tordu. C’est déjà commencé pour nous. Et c’est déjà pleinement accompli en Marie. Et c’est pourquoi c’est si plein d’espérance, de paix et d’énergie nouvelle quand on la regarde. Amen.»

2e dimanche de l’Avent – Fête de l’Immaculée Conception de Marie

Lectures bibliques : Isaïe 11, 1-10; Psaume 71; Romains 15, 4-9; Matthieu 3, 1-12 (2e Avent) Ephésiens 3-12; Luc 1, 26-38 (Fête de l’Immaculée conception de Marie)

8 décembre 2013 | 09:50
par Barbara Fleischmann
Temps de lecture : env. 4  min.
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