Homélie du 09 septembre 2012
Prédicateur : Abbé Marc Donzé
Date : 09 septembre 2012
Lieu : Basilique Notre-Dame, Lausanne
Type : radio
Chers frères et sœurs, chers amis,
Je ne sais pas si vous avez remarqué : le sourd muet, guéri par Jésus, « parlait aussitôt correctement ». Cela veut dire qu’il savait parler et qu’il avait déjà entendu le langage des hommes.
Il n’était donc pas sourd et muet de naissance. Il est devenu sourd et muet.
Je me suis dès lors demandé comment on devient sourd et muet.
À force de recevoir des coups, des railleries, des mépris, à force de subir des incompréhensions, des frustrations, une personne peut se fermer complètement, et ne plus dire un mot, et ne plus entendre. Sourde et muette… et c’est aussi violent qu’un handicap qui aurait des origines purement physiques.
Et nous voilà tous plus ou moins concernés, de plus ou moins forte manière. Il y a des moments dans la vie, où nous vivons des agressions si fortes que nous n’avons plus de mots pour répondre… et nous voilà muets pour un moment plus ou moins long.
Il y a des moments dans la vie, où nous avons entendu tant de choses blessantes que nos oreilles se ferment d’elles-mêmes et que nous ne pouvons plus rien entendre… et nous voilà sourds pour un temps plus ou moins long.
Comme dit la sagesse populaire, la grande douleur est muette… et, peut-on ajouter, souvent elle rend sourd.
Puis, je me suis demandé : comment guérit-on, quand on est devenu sourd et muet, parce qu’une grande douleur nous a fermés ?
Et j’ai repensé à un témoignage que j’avais lu il y a quelque temps. Il s’agit d’un homme, un prêtre. Il a passé un long temps dans les camps de concentration pendant la guerre. De retour à Paris, il est complètement désemparé. « Je me sentais comme un lame d’épée sans fourreau, dure, nue et froide ; j’avais soif d’humanité.» Il rencontre alors une femme, qu’il connaissait. « Nous nous sommes pris dans les bras, longtemps, et j’ai senti la vie qui remontait en moi. » Evidemment, ils n’ont pas pensé à la bagatelle ; ils avaient bien autre chose à vivre : une renaissance, une réouverture de l’être.
J’ai compris alors pourquoi Jésus avait guéri ce sourd muet d’une façon si étrange. D’abord, il le mène à l’écart. Loin des bruits et de la fureur qui ont traumatisé cet homme au point qu’il ne pouvait plus ni parler, ni même entendre. À l’écart dans un lieu de paix, de silence, d’intimité même.
Puis, il fait des gestes qui correspondent aux gestes thérapeutiques de l’époque. Il lui met les doigts dans les oreilles. Il met de sa salive sur la langue du muet. Mais ces gestes sont bien plus qu’une thérapie. Ils nouent une relation de confiance : Jésus met sûrement beaucoup d’amour et même de tendresse dans ses gestes. On peut même dire que mettre de sa salive sur la langue de l’autre, c’est un échange très fort, presque intime. Par ces gestes, l’humanité, la confiance, l’ouverture remontent chez cet homme qui était devenu sourd et muet.
C’est seulement après qu’intervient une parole. Mais une parole si importante qu’elle nous est gardée dans la langue même de Jésus : Effata, ouvre-toi.
Effata : pour moi, c’est la définition même de l’homme à hauteur d’Evangile. Ouvre-toi : l’homme aux bras ouverts, l’homme au cœur ouvert. C’est l’aventure de toute la vie : devenir un homme aux bras ouverts, au cœur ouvert. Et c’est pourquoi cette parole, Effata, est dite sur nous jour de notre baptême, comme pour marquer notre destinée.
Voilà donc notre sourd et muet qui parle et qui entend, qui est guéri de ses fermetures et qui s’ouvre peu à peu. Il nous apprend deux choses essentielles, qui nous rassurent et qui nous engagent.
D’abord, si nous y consentons, Jésus nous touche au cœur pour nous guérir, pour nous ouvrir.
Et pis, nous pouvons devenir en toute simplicité des « guérisseurs », au meilleur sens du terme, à la manière de Jésus. En offrant de l’humanité, de la confiance, du respect, de la paix (avant et au-delà des mots), nous pouvons aider les personnes blessées à s’ouvrir. Et nous ouvrons nos bras et notre cœur par le fait même. Effata, ouvre-toi. Amen.
Lectures bibliques : Isaïe 35, 4-7; Jacques 2, 1-5; Marc 7, 31-37
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