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Homélie

Homélie du 11 mai 2025 (Jean 10, 27-30)

Eric Monneron, diacre – Eglise Notre-Dame de l’Immaculée, Payerne, VD

Voilà une lecture d’évangile bien courte mais tout de même compliquée. Jésus s’y présente comme le berger qui guide son troupeau et le fait vivre. Ça c’est facile à comprendre…
Mais voilà qu’il est aussi question de vie éternelle. Et il y a cette phrase de Jésus qui peut nous paraître énigmatique : « Le Père et moi, nous sommes un. »

Jésus solidaire avec des gens déconsidérés


En Israël, on connaissait le thème de Dieu berger de son peuple, un thème richement développé par les prophètes, une image qui était devenue une sorte d’image pieuse, comme une récitation de catéchisme que tout le monde connaît par cœur et à laquelle nul ne prête plus attention.
Et puis, reconnaissons-le : pour nous, cette parabole du bon berger est pleine de douceur et de tendresse, et nous avons tous en tête l’image du berger portant sur ses épaules un frêle et gracieux agneau.

Eh bien, à l’époque de Jésus, cette image n’avait pas cours : les bergers étaient des gens déconsidérés qu’il valait mieux ne pas fréquenter. Des gens impurs toujours en contact avec les animaux, des gens sales et qui sentent le bouc (Pouah !!). Aucune confiance à avoir envers ces gars plus proches de l’animalité que de l’humanité.
Et voilà que Jésus bouleverse – une fois de plus – les codes sociaux et religieux de son temps (vraiment, pour qui se prend-il ?). Il se refuse à enfermer la personne ou un groupe social – ici les bergers – dans une identité toute faite et définitivement fermée.
Et c’est intolérable de voir que Jésus est solidaire avec ces pauvres types méprisés vivant avec leurs troupeaux et qui ne fréquentent guère les lieux de religion.

Et ce n’est pas la première fois que Jésus franchit ainsi la ligne rouge et donne à voir une image de Dieu qui fait scandale : on l’a vu manger avec des collecteurs d’impôts et des prostituées ; on l’a aperçu discuter avec une Samaritaine aux cinq maris ; on dit qu’il s’est laissé toucher par une femme qui saigne. Et pour lui, les étrangers païens sont à égalité avec les vrais juifs pieux.
Mais il va plus loin encore dans ce qui est perçu comme une provocation. Il déclare : « Je leur donne la vie éternelle. » Prétention insupportable et insensée…
Mais est-ce vraiment bien cela que Jésus promet ? Au Ve siècle, l’évêque d’Alexandrie, Cyrille, disait : « Par vie éternelle, nous ne comprenons pas cette succession interminable de jours, bons ou mauvais, mais cette vie où l’on demeure dans la joie. » Si on comprend bien Cyrille, la vie éternelle c’est donc aujourd’hui, c’est notre quotidien ici et maintenant. Et c’est là, dans cette vie, qu’il nous faut découvrir un don fait par Jésus le bon berger, un don de joie.
Avouons qu’une bonne dose de foi nous est nécessaire pour entendre cela…

La vie éternelle, cette vie où l’on demeure dans la joie


C’est que la vie, notre vie, n’est pas spécialement une partie de plaisir. Et chacun d’entre nous pourrait faire la triste litanie des souffrances subies, des humiliations, des vexations et peut-être plus encore du sentiment d’être méprisé, traité comme moins que rien, infantilisé. Oublié.
Combien de familles détruites par l’alcool, la violence ou la maladie des corps ou, pire encore, des esprits ? Combien de personnes qui tirent le diable par la queue pour survivre et manger, payer leur loyer, se chauffer, fournir le minimum aux enfants ? Plus loin de nous, c’est encore pire : Gaza, Ukraine, Haïti…
Et l’évêque Cyrille qui maintient : « La vie éternelle, c’est cette vie où l’on demeure dans la joie »… Malgré les apparences, il a sans doute raison, Cyrille… Car Jésus qui dit : « Je donne la vie éternelle », il sait ce que vivre veut dire. Comme beaucoup d’hommes et de femmes, il est allé au plus bas de l’humanité.

Jésus nous donne l’espérance d’un matin de Pâques


Ce berger n’est pas un chef, ni le président bling-bling d’une république où les courtisans sont légion. Mais il est celui qui donne sa vie, qui va jusqu’à la mort pour affirmer envers et contre tout et tous ce qui lui tient à cœur et qu’il dit recevoir de Dieu son Père. A savoir ceci: tout homme est une histoire sacrée, tout homme a valeur infinie alors même qu’il serait au plus bas de l’échelle sociale, tout homme est riche de possibilités et d’avenir. A tout homme est donné le salut de Dieu.

La voilà, la vie éternelle qu’il nous donne : il nous donne d’être humains, même parfois au cœur de l’inhumain. Il nous donne l’espérance d’un matin de Pâques.
Et tout cela, Jésus ose affirmer que c’est don de Dieu lui-même, celui qu’il appelle Père. Il ose cette formule scandaleuse : « Le Père et moi, nous sommes un. » C’est dire que Dieu est du côté de ceux (et celles) qui tâchent de vivre ou de survivre humainement malgré l’inhumain qui les entoure. Dieu est garant de cette petite lumière de vie qui luit au fin fond des ténèbres. Il est ce petit bonheur qui résiste au malheur.

Chers Amis, aux brebis auxquelles nous sommes comparés, il n’est demandé que deux choses : écouter la voix de ce berger et le suivre.
Ce n’est pas là passivité et démission. Au contraire… Écouter et suivre Jésus, c’est s’engager sur un chemin qui, parfois, est rude.
Écouter et suivre ce berger, c’est recevoir la Vie au cœur même de toutes les formes de mort qui nous menacent, surtout lorsqu’apparaît la vieillesse avec son lot de fragilités et de dépendances.

Et avancer. Quand même. Toujours… Car, ne l’oublions, nous sommes toutes et tous « tournés vers l’avenir » !
Amen. Alléluia !

4e dimanche de Pâques
Lectures bibliques : Actes 13, 14.43-52; Psaume 99; Apocalypse 7, 9-17; Jean 10, 27-30

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11 mai 2025 | 09:35
Temps de lecture : env. 4  min.
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