(Photo: Pixabay/R0bin/CCO)
Homélie

Homélie du 12 juillet 2020 (Mt 13, 1-9)

Mgr Jean Scarcella – Abbaye de Saint-Maurice, VS

Mes sœurs, mes frères,

Quand on parle d’un homme de terrain on a vite tendance à le considérer comme plus utile à la collectivité que quelqu’un perdu derrière un bureau occupé à ses paperasses. Ainsi on va reprocher à une catégorie de prêtres d’être des administrateurs et non des hommes de terrain, même chose pour certains papes qui «voyagent trop», dit-on encore… Alors posons-nous la question : en tant que chrétien, quel homme de terrain être ?

Regardons tout d’abord Jésus de Nazareth, ce juif qui a parcouru les routes à pied et à dos d’âne. Regardons-le et écoutons-le. Assurément il est un homme de terrain, mais ça veut dire quoi pour nous ? Quelqu’un qui se promène toute la journée, portant la Bonne Nouvelle aux quatre coins des cités et des pays ? Peut-être, mais est-ce suffisant ? Est-il facilement écouté quand il nous aborde dans la rue, au café ou ailleurs ; et puis est-ce qu’on se rend facilement à l’église pour l’entendre ? Que faut-il à cet homme de terrain que je dois être pour être accrocheur comme Jésus l’était ?

Les paraboles : des récits imagés

Jésus parle à ses contemporains, qui sont des gens de la terre, avec des paraboles, c’est-à-dire avec des récits imagés. Des récits qui utilisent des images du quotidien du peuple, des images qui peuvent favoriser la rencontre entre les personnes. Aujourd’hui, plus que jamais nous employons l’image ; combien nos paraboles passent-elles par la vidéo, internet et les réseaux sociaux : on rencontre l’entier de la planète en un clic… Pourtant ce n’est pas encore ça être dans le terrain. Comment faire alors ? Regardons Jésus.

En fait Jésus n’est pas seulement un homme de terrain, il est lui-même le terrain. Et c’est en cela que nous avons à réfléchir pour savoir comment faire pour l’imiter, afin de comprendre comment devenir nous aussi de bons terrains. Si je me pose cette question, c’est parce que c’est sur le terrain qu’est accueilli l’accueil, qu’on rencontre la rencontre. Ainsi faut-il se faire terrain fertile de la foi de l’autre, de la recherche de l’autre, de sa révolte et de ses questions multiples, de sa souffrance aussi.

Des terrains fertiles pour les autres

Alors, à la lecture de l’Évangile d’aujourd’hui, demandons-nous auquel des quatre terrains évoqués par Jésus nous appartenons. Sommes-nous, chacun d’entre nous, non seulement des hommes de terrain, mais aussi de bons terrains, fertiles pour les autres, afin de produire trente, soixante ou cent pour un ? Car là est la pointe de cette parabole du semeur sorti pour semer : le rendement inouï de la récolte. Ainsi l’initiative divine renvoie les destinataires de la parabole à leurs propres responsabilités d’être des terrains qui «permettent à la prodigalité du semeur la réponse d’une semence étonnamment féconde».

Oui, frères et sœurs, le semeur ne cesse de sortir pour semer ; le grain de la parole est répandu sans compter et il tombe partout, au risque de se perdre. Par sa Parole faite homme et par son Esprit, Dieu continue d’agir dans le monde. Alors demandons-nous sincèrement de quel terrain nous sommes faits : n’hésitons pas de vérifier la qualité de notre accueil de la Parole.

Sommes-nous simple chemin ? C’est déjà très bien, car ainsi nous pouvons aider les autres à suivre le chemin tracé par Jésus. De ce fait on peut être des parents soucieux de l’éducation religieuse de l’enfant, demander pour lui le baptême et l’ouvrir à l’amour. Oui, tout cela est très bien, mais il convient dans ce cas-là d’exercer la vie chrétienne en famille, par la prière, le suivi de la catéchèse, la pratique dominicale. Car sans cela, oui les grains tomberont sur un terrain, mais plutôt celui de la bonne conscience d’avoir fait ce qu’il fallait, mais sans le vivre, et les grains ne vont que très péniblement donner du fruit. Et combien sommes-nous, prêtres, catéchistes, parents engagés à nous rendre compte du désert spirituel qu’il y a dans le cœur de tant d’enfants… qui pourtant ont tout reçu, comme on aime à dire ! Mais nous le savons maintenant, il ne suffit pas de semer, il faut préparer un bon terrain d’accueil pour pouvoir recevoir et s’engager à son tour.

Le sol pierreux où la semence germe pour aussitôt être brûlée par le soleil, c’est le terrain qui, ayant accueilli la parole avec joie, succombe dès que survient une détresse ou une difficulté. L’épreuve de la maladie ou de la souffrance, par exemple. Pour quoi dès lors souvent en donner à Dieu la responsabilité et oublier que nous pouvons être un terrain fertile où notre foi fécondera la souffrance ?

Les ronces, quant à elles, sont pour une grande part le souci du monde et la séduction de la richesse et du pouvoir qui étouffent la parole. Comme il est difficile parfois de ne pas être de ce terrain-là ; comme il est difficile de témoigner de sa foi dans certaines couches de la société ou certaines administrations : étouffer sa foi pour éviter une faillite financière ou un simple qu’en-dira-t-on, c’est très facile à faire. Alors comment réagir pour être terrain fécond dans ces milieux qui peuvent être hostiles, sinon en restant reliés au Seigneur et Maître de toutes les richesses par la prière ; ainsi nous pourrons plus facilement vivre debout dans ces milieux qui trop souvent écrasent et étouffent les faibles.

Enfin, c’est dans la bonne terre que la semence aura sa vraie force de fructification ; le semeur est infatigable, la semence irrésistible ! Car c’est en écoutant la Parole que nous devenons cette bonne terre en coopérant – comme dit un auteur, et je conclurai par là – : «en coopérant à nous laisser ensemencer profond pour qu’il y ait racines et récolte. Les terrains peuvent être défectueux, les témoins découragés, la parole qui sort de la bouche de Dieu ne lui revient pas sans résultat. C’est la parole qui travaille, que le cultivateur veille ou sommeille. C’est la parole qui transforme le terrain pour en tirer la meilleure part.

Mission accomplie. Moisson assurée.»

15e DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE
Lectures bibliques:
Isaïe 55, 10-11; Psaume 64, 10abcd, 10e-11, 12-13, 14; Romains 8, 18-23; Matthieu 13, 1-9

12 juillet 2020 | 09:40
Temps de lecture: env. 4 min.
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