Homélie du 14 décembre 2014

Prédicateur : Chanoine Jean-Claude Crivelli
Date : 14 décembre 2014
Lieu : Abbaye de Saint-Maurice
Type : radio

« Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu ? » Des millions de spectateurs ont dit Amen à ce film brillant qui joue avec le multiculturalisme et dont on peut tirer au moins la conclusion suivante : « Il n’y a qu’un seul Dieu, le même pour tous ! ».

Toutefois quand j’ai reconnu cette vérité toute simple, je n’ai pas encore fait le tour du problème, surtout que le problème est à la dimension de l’infini. La première demande du Notre Père énonce : « Que ton nom soit sanctifié ». Autrement dit, si l’on décrypte l’hébraïsme de la formule et puisque, dans le monde biblique, le « nom » désigne la personne : « Fais-toi reconnaître comme Dieu » ou encore : Que tous reconnaissent qui tu es en vérité et qu’ils se laissent attirer par ce que tu es, toi, Dieu très saint. Que les hommes apprennent qui tu veux être pour eux depuis toujours : « Tu es, Seigneur, notre Père, notre Rédempteur, tel est ton nom depuis toujours. » (Is 63 1er dimanche de l’Avent) Et encore : « Nous sommes l’argile, et tu es le potier ».

Ce qui signifie que Dieu, par son Esprit, ne cesse de nous créer, de nous modeler à son image, pour que nous soyons saints comme Lui est saint – ainsi que l’énonce le Lévitique : « Soyez saints, car je suis saint, moi, le Seigneur, votre Dieu. « (Lv 19, 1). Ce que Jésus explicitera : « Vous donc, soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait. » (Mt 5, 48) Dans le contexte du Sermon sur la montage, cela signifie : Aimez vos ennemis, ayez à leur endroit cette générosité qui appartient à Dieu et que celui-ci vous communique pour que vous en deveniez les artisans. Lui Dieu qui « fait lever son soleil sur les méchants et sur le bons, et tomber la pluie sur les justes et les injustes. Car si vous aimez ceux qui vous aiment … » On connaît la suite du précepte divin. En saint Luc Jésus profère le mot de la fin : « Soyez généreux [ou : miséricordieux] comme votre Père est généreux. » (Lc 6, 36)

Ici nous rejoignons la belle morale du film « Qu’est-ce qu’on fait au Bon Dieu » ! Il appartient à Dieu d’être généreux : spontanément Dieu s’ouvre, se répand, se donne. C’est parce que Dieu n’est que générosité que l’univers créé existe. Et que j’existe moi maintenant. Tout vivant révèle qui est Dieu, malgré ses limites, malgré ce mal qui le hante et dont Teilhard de Chardin écrivait :

Oui, plus, au fond de ma chair, le mal est incrusté et incurable, plus ce peut être vous que j’abrite, comme un principe aimant, actif, d’épuration et de détachement. Plus l’avenir s’ouvre devant moi comme une crevasse vertigineuse ou un passage obscur, plus, si je m’y aventure sur votre parole, je puis avoir confiance de me perdre et de m’abîmer en Vous, – d’être assimilé par votre Corps, Jésus.

O énergie de mon Seigneur. Force irrésistible et vivante, parce que, de nous deux, Vous êtes le plus fort infiniment, c’est à Vous que revient le rôle de me brûler dans l’union qui doit nous fondre ensemble.

Pierre Teilhard de Chardin, Le milieu divin. Essai de vie intérieure, Paris Seuil, 1957, p. 77

Et pourtant Dieu reste méconnu. « Au milieu de vous se tient celui que vous ne connaissez pas » dit Jean le Précurseur au sujet de celui qui est Dieu avec nous. Le prologue de s. Jean – dont notre évangile est un extrait –   exprime cette méconnaissance de Dieu : « Le Verbe était dans le monde, et le monde était venu par lui à l’existence, mais le monde ne l’a pas reconnu. Il est venu chez lui, et les siens ne l’ont pas reçu. » (Jn 1, 10-11)

 

La voie pour connaître Dieu, c’est son Verbe, sa Parole qui est Jésus Christ. Ce que Dieu veut pour moi: je le découvre dans l’Évangile de Jésus Christ. Cela se trouve dans sa parole. Mais ce n’est pas magique. Il ne suffit pas d’ouvrir la Bible pour que Dieu nous parle. Il y a tout un travail à faire afin que les Écritures deviennent pour moi parole de Dieu dans telle situation concrète de ma vie. Lire régulièrement la Bible, la méditer, la partager avec d’autres. A la lumière de cette parole, relire les événements de ma vie ou de ma journée, pour discerner ce que Dieu veut non seulement pour moi, mais avec moi.

Quand bien même, dans la vie de certains saints, la légende raconte qu’un jour ils ont ouvert la Bible à l’aveuglette et qu’ils sont tombés sur une parole décisive. C’est ce que Athanase d’Alexandrie raconte de s. Antoine le Grand (1). Je pense plutôt que, lisant régulièrement les Écritures, revenant régulièrement sur un passage précis, et peut-être restant longtemps sans pouvoir en saisir le sens, voici qu’un jour le déclic se fait. Il devient résolument disciple de Jésus.

Un jour je comprends ce que Dieu attend de moi dans le Christ Jésus – pour reprendre s. Paul dans le 2ème lecture. Et alors, avec plus d’assurance et d’audace, je peux dire : « Que ta volonté soit faite » !

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(1) Antoine entra dans l’église au moment où on lisait l’Evangile où notre Seigneur a dit à ce jeune homme qui était riche : « Si tu veux être parfait, vends tout ce que tu as, donne-le aux pauvres, et viens, et suis-moi, et tu aurais un trésor au Ciel » (Mt 19, 21). Antoine regarda la pensée qu’il avait eue de l’exemple des premiers Chrétiens [mise en commun des biens], comme lui ayant été envoyée de Dieu, et ce qu’il avait entendu de l’Evangile, comme si ces paroles n’avaient été lues que pour lui.

Vie de s. Antoine par Athanase d’Alexandrie ch. 1»

3e dimanche de l’Avent

Lectures bibliques : Is 61,1-2a.10-11 (L’Esprit repose sur moi) ; Lc 1,46-50.53-54 (Magnificat) ; 1 Th 5,16-24 (Préparer la venue du Seigneur) ; Jn 1,6-8.19-28 (Il est au milieu de vous)

14 décembre 2014 | 12:00
par Barbara Fleischmann
Temps de lecture : env. 4  min.
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