Homélie du 14 juin 2015

Prédicateur : Père Pierre Bou Zeidan
Date : 14 juin 2015
Lieu : Eglise Notre-Dame de la Prévôté, Moutier
Type : radio

Chers paroissiens présents à Notre-Dame de la Prévôté, Moutier,

Mon frère au volant, chez toi à l’hôpital ou au travail, vous qui nous suivez sur les ondes d’Espace 2

Dans le jardin de la cure, il y a un grand cèdre, jeune, qui colore le paysage prévôtois. Il me rappelle mon enfance à la plaine de Bekaa où depuis la terrasse de notre maison, je pouvais voir au loin la forêt des cèdres plantés sur la haute montagne du Mont-Liban.

Cet arbre géant et sacré a été longtemps vénéré pour sa beauté, sa longévité, son port majestueux. Et Pourtant, ce sont les tempêtes, la neige et les orages de l’hiver, et la sécheresse de l’été qui, en cassant sa tête et quelques branches, lui donnent sa forme. En dépit de ces conditions ou peut-être grâce à elles, cet arbre reste majestueux, impressionnant, beau et qui traverse les siècles.

Des cèdres et des arbres, il en est aussi question dans les lectures d’aujourd’hui : Un cèdre magnifique, un palmier et un moutardier géant, une tendre pousse et un grain de blé, des nids et une multitude d’oiseaux. Bien joli et poétique, même rassurant le langage d’Ezéchiel, du psalmiste et de Marc.

Cela nous change de ce que nous voyons sur nos écrans : des affamés et des réfugiés, des victimes et des blessés, des guerres et des destructions… une litanie de souffrances et de désespoirs…

Or, Ezéchiel a vécu ce même genre d’épreuve que vivent les syriens, les irakiens, les yéménites… Il a vu sa ville Jérusalem complétement détruite et pillée en l’an 597 puis en 587 avant Jésus Christ par le roi babylonien, Nabuchodonosor. Il a fait partie de ces cortèges jetés sur les routes de la déportation. Il était parmi les hommes, les femmes et les enfants accablés, découragés, désespérés et sans avenir, la plupart sans doute tentés par la violence, l’esprit de vengeance ou révolté contre Dieu.

C’est dans cet enfer que ce prêtre, arraché de force à son temple, a semé une petite graine d’espérance dans un océan d’amertume.

Le Psalmiste, lui aussi, invite à la confiance, à la patience et à la fidélité dans les épreuves: « Qu’il est bon d’annoncer dès le matin ton amour, ta fidélité au long des nuits… le juste grandira comme un palmier, il poussera comme un cèdre du Liban. »

Quant à l’évangéliste Marc, il n’a pas présenté ces ravissantes paraboles de Jésus dans un salon de livre ou de poésie, mais à une minorité incomprise et persécutée au cœur de la Rome païenne. Eux aussi sont découragés et rongés par le doute. Comment pourraient-ils bâtir ce royaume de Dieu, d’amour, de justice et de paix au milieu d’un immense empire qui les persécute ?

Marc leur offre à méditer les leçons de la nature, de sa lente maturation et de ses incroyables forces de fécondité. On ne fait pas grandir une plante en tirant sur ses feuilles. Ce ne sont pas des arbres couverts de fruits et de nids d’oiseaux que l’on plante. Il faut de la patience et de la persévérance, de la continuité dans l’effort et une solide confiance en Dieu.

L’année 1975 marquait le début d’une longue guerre incivile au Liban. Les deux curés et quelques chrétiens de mon village ont refusé de prendre la fuite. Ils sont restés discrets mais fraternels et accueillants. Personne, à l’époque, n’aurait pu dire que, 30 ans plus tard, cette persécution se transformerait en amitié entre les différentes communautés grâce à ce petit reste. Le royaume de Dieu ne se construit pas sans nous ; mais il ne se construit pas que par nous ! Il nous fait faire confiance et garder espoir.

Un prêtre d’Alep m’a écrit : « Malgré tout, et en dépit de tout, si nous avons perdu espoir, nous gardons intacte notre Espérance, qui sans elle, notre foi n’aurait aucun sens ! » (fin de la situation).

L’espérance, n’est-elle pas la plus mystérieuse et la plus forte des énergies de création et de foi ? Qu’il est beau de distiller l’espérance en pariant sur la fragilité d’un épi de blé, d’une graine de moutarde.

Que pouvons-nous faire, chers auditeurs et chers prévôtois, pour changer quelque chose autour de nous et dans le monde ?

En ce dimanche des votations et à chaque votation, vous êtes appelés à apporter votre petite graine pour une Suisse spirituelle, pour une suisse œcuménique, pour une suisse ouverte, solidaire et fraternelle. Voter n’est pas seulement un droit. C’est bien une responsabilité de citoyen et de chrétien. Voter, c’est jeter une semence dans la terre de notre société. Le grand arbre à fruits, digne de Dieu et de l’être humain, sera ce que vous aurez choisi d’en faire.

Faces aux souffrances et aux violences dans notre monde ; face aux flots d’hommes, de femmes et d’enfants qui traversent la méditerranée… Que pouvons-nous faire ?

Pas plus et pas moins qu’une graine que l’on enfouit en terre pour une future moisson.

« Heureux donc celui qui reçoit cette Parole de vie et la fait fructifier »»

11e dimanche du temps ordinaire

Lectures bibliques : Ezéchiel 17, 22-24 ; Psaume 91 ; 2 Corinthiens 5, 6-10 ; Marc 4, 26-34

14 juin 2015 | 14:50
par Barbara Fleischmann
Temps de lecture : env. 4  min.
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