(Photo:REB2008/Flickr/CC BY-SA 2.0)
Homélie

Homélie du 14 mars 2021 (Jn 3, 14-21)

Abbé Laurent Ndambi – Église St-Nicolas de Myre, Hérémence, VS


L’évangile du dimanche dernier évoquait le fait que beaucoup de gens avaient cru en Jésus à cause des signes qu’il accomplissait mais que lui-même s’en était défié sachant en quoi s’en tenir en ce qui concerne l’homme. L’évangile que nous venons de proclamer en ce quatrième dimanche de carême, nous en donne une confirmation lorsqu’il y est déclaré que « quand la lumière est venue dans le monde, les hommes ont préféré les ténèbres à la lumière parce que leurs œuvres étaient mauvaises ».

A cause de ces œuvres mauvaises, Dieu a élevé par Moïse un serpent de bronze dans le désert afin d’accorder le salut à son peuple. Ce salut est désormais accompli par Jésus, le Fils de l’Homme sur la croix avec son double sens de symbole, à la fois de la mort et de la vie. C’est à partir de là qu’on peut parler de la Croix glorieuse et que celle-ci, portant le crucifié, trouve sa justification sur nos autels où régulièrement son mystère est rendu présent et agissant dans le sacrifice de la messe.

En méditant sur l’élévation du serpent par Moïse comparé à celle de Jésus le Fils de l’Homme sur la croix, rappelons-nous du serpent de la Genèse qualifié comme étant le plus tentateur astucieux, celui qui a trompé Adam et Eve en leur ayant fait découvrir leur état de faiblesse. Ce serpent qui leur a menti en disant « vous ne mourrez pas », il leur a surtout mis à l’épreuve.

Dans un autre livre, celui des Nombres, le serpent est un animal qui n’éprouve plus, mais qui puni ; envoyé comme serpent venimeux il est aussi celui sauve comme serpent de bronze en devenant ainsi comme une force et un symbole de guérison représenté comme armoiries sur les façades des pharmacies. C’est dire que son symbole est bienfaisant. Placé dans le Temple de Jérusalem où il était adoré comme une idole, ce serpent de bronze élevé par Moïse fut détruit par le roi Ezéchias (2 R 18, 4) car le salut ne portait plus sur un objet regardé ou à regarder pour être sauvé, mais sur le retour à Dieu et à sa loi (Sg 16, 5-14).

Le regard et la foi

En s’inscrivant donc dans la ligne de l’Ecriture, l’Ancien Testament comme étant le « Christ préparé » et le Nouveau Testament comme le « Christ donné », saint Jean l’évangéliste sans abandonner et minimiser le symbolisme du serpent de bronze, nous adresse un message très fort au cœur de ce carême, et portant sur le fait que nous ne devons pas seulement nous contenter de regarder le Fils de l’Homme élevé, comme le serpent de Moïse, mais encore faut-il croire en lui. Le regard seul ne suffit pas, il faut la foi. Ce qui est décisif, c’est la foi, car Dieu a n’a pas envoyé son Fils pour juger le monde mais pour que par lui le monde soit sauvé, et non plus pour être à la merci des serpents venimeux qui peuvent tuer le corps dans l’épisode du livre des Nombres ou tuer l’âme dans le récit de la Genèse.

Ici, l’évangéliste interpelle la dureté du cœur de l’homme que seule la grâce peut ouvrir à la miséricorde divine venant de la croix par le moyen de la foi, foi vivante et agissante qui conduit ainsi aux bonnes œuvres, celles qui ne craignent pas la lumière, et qui mieux encore produisent elles-mêmes la lumière.

En route vers Pâques, sommes-nous disposés de prendre conscience que l’amour de Dieu est présent dans l’histoire des hommes, dans notre histoire humaine ? Alors que les chefs des prêtres et le peuple multipliaient les infidélités, sous le règne de Sédécias, dans la première lecture, en imitant toutes les pratiques sacrilèges des nations païennes et profanaient le temple de Jérusalem consacré au Seigneur, le Dieu de leurs pères, avons-nous entendu, sans attendre et sans se lasser, leur envoyait des messages, car il avait pitié de sa demeure et de son peuple.

Malgré la déportation et l’exil en Babylone que connaîtra le peuple à cause de ses mauvais agissements, Dieu inspira Cyrus roi de Perse, d’ordonner à tous ceux qui font partie du peuple de Dieu de s’assurer que ce Dieu est avec eux et qu’ils montent à Jérusalem pour y construire un temple. L’affirmation de cette reconstruction du temple a créé une atmosphère d’espérance et elle est une preuve que Dieu n’abandonne pas son peuple ; sa fidélité se manifeste dans sa miséricorde incarnée désormais par Jésus son Fils.

Ce Fils est celui qui est venu nous dire avec force que « Dieu est amour ». Il n’est pas seulement le créateur du monde, ni le plus grand ordinateur de l’univers qui le calcule et le fait fonctionner comme une brillante mécanique froide et impersonnelle, mais que « Dieu est amour ». Il a créé le monde par amour et il y est une présence infiniment aimante. Parlant à son peuple choisi par la bouche d’un de ses prophètes Jérémie, Dieu lui dit : « Je t’ai aimé d’un amour éternel ». Cette déclaration d’amour n’est pas réservée uniquement à son peuple choisi ; mais elle est transmise à tous les peuples et à chaque personne humaine et même à chaque parcelle de l’univers par le Christ, en qui le Père nous a prouvé son amour. « En nous donnant son Fils, il nous a tout donné » !

Le monde est aimé de Dieu

Il nous a tant aimés, et nous avons besoin de cette certitude car se sentir aimé par lui est le plus grand réconfort qui soit lorsqu’on souffre ou que l’on soit à sa recherche. Croire que le monde est aimé Dieu lui donne un sens alors qu’il est actuellement traversé par les soubresauts de ses contradictions, de ses violences, de ses injustices et par une crise sanitaire qui interroge notre conscience existentielle et la gestion collective de notre humanité. C’est dire que notre monde ne paraît pas aimable du tout par moments ! Pourtant il est aimé de Dieu et c’est ce qui le maintient dans l’espérance de sa survie, puisque Dieu ne peut pas renier ce qu’il a créé par amour. Croire que nous sommes aimés par Dieu donne un sens à notre vie marquée par la maladie, le péché et la mort, car nous savons que l’amour de Dieu ne nous abandonnera jamais aux forces du mal.

Le Christ en qui nous croyons n’a pas été délivré de la mort sur la croix. Innocent, il a été condamné et cloué sur le bois, dans le don total de lui-même au Père et aux hommes. Mais sa résurrection que nous célébrerons à Pâques est et reste sa victoire sur la mort humaine, pour lui et pour nous. « Celui qui croit en lui échappe au jugement » et « Celui qui ne veut pas croire en lui est déjà jugé parce qu’il n’a pas cru au nom du Fils unique de Dieu » (Jn 3, 18).

Si son jugement n’a rien d’un procès judiciaire à la manière humaine, et qu’il est un choix définitif de son amour sauveur, nous avons si souvent hélas, ce réflexe de juger les autres, sans connaitre le fond de leur histoire, de leur hérédité et de leurs luttes intérieures ; cela en toute bonne conscience et pour nous créer l’illusion d’être meilleurs ou supérieurs.

Dieu est riche en miséricorde » ; il nous a fait revivre avec le Christ », nous dit saint Paul dans la deuxième lecture. Pendant ce carême, avons-nous le souci de faire grandir notre foi en Jésus et par quel moyen ? Avons-nous le souci d’aimer et de sauver au lieu de condamner et d’exclure ; le souci d’aider et de partager ; le souci de la conversion et d’abandon du mal sous toutes ses formes ? Seigneur, merci de nous avoir tant aimés en Jésus ton Fils ; donne-nous la grâce d’être chaque jour, des hommes et des femmes ressuscités ! Amen.


4e DIMANCHE DE CARÊME, de Lætare
Lectures bibliques : 2 Chroniques 36, 14-16.19-23; Psaume 136 (137), 1-2, 3, 4-5, 6; Éphésiens 2, 4-10; Jean 3, 14-21

14 mars 2021 | 09:30
Temps de lecture: env. 5 min.
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