Homélie du 16 avril 2023 (Jn 20, 19-31)
Abbé Marc Donzé – Monastère du Carmel du Pâquier, FR
« Le nom de Dieu est miséricorde », écrit le pape François. Pour que l’homme se relève de toute misère, pour qu’il grandisse dans la lumière et dans l’amour, pour qu’il soit en communion d’alliance avec Lui, Dieu est Cœur, Dieu est Amour, Dieu est Don. Comme le dit saint Thomas d’Aquin, « la miséricorde est le propre de Dieu, dont la toute-puissance consiste justement à faire miséricorde ».
Avec enthousiasme, le pape François a institué en 2016 une année jubilaire de la miséricorde et c’est l’une des plus belles initiatives qu’il ait prises.
Enfin, la miséricorde divine est pleinement à l’avant-scène de la pastorale de l’Église. Et avec elle, l’accueil, le non-jugement, le dialogue, la fraternité. Et surtout une vision de Dieu qui réjouit le cœur de l’homme, car rien n’est plus précieux que le Bel Amour.
Enfin… car ce ne fut pas toujours ainsi. Pendant longtemps, l’Église a voulu régner sur la société ; elle a voulu moraliser, enrégimenter, contrôler les consciences ; elle a culpabilisé, elle a engendré la peur en menaçant à tout va des peines de l’enfer.
Il suffit de penser aux noires perspectives développées par le jansénisme au XVIIe siècle, dont les séquelles culpabilisantes se font sentir encore aujourd’hui.
« La pastorale de la peur »
Ou à la crise moderniste au début du XXe siècle, avec ses condamnations si nombreuses des pensées innovantes, même parmi les théologiens.
C’était une tactique pastorale. Comme disait un curé, dans une campagne française : « Surtout, ne prêchez pas votre Dieu d’Amour, parce qu’ils n’y comprendront rien. Il faudra leur cuisiner un enfer, qui leur donne une trouille du diable pendant huit jours, et quand ils auront bien tremblé, alors la mission réussira. Si vous leur parlez d’amour, ils n’y comprendront rien. Le Bon Dieu, c’est autre chose ! Le Bon Dieu, il faut le craindre et c’est dans cette crainte qu’est le commencement de la sagesse ! » Tout cela a engendré ce que le grand historien Jean Delumeau a nommé « la pastorale de la peur ».
Mais c’est un mauvais chemin, car il ne change pas les cœurs. Il engendre le pharisaïsme, c’est-à-dire des pratiques extérieures pour faire bonne figure, lesquelles n’empêchent pas de subtils arrangements avec la liberté de commerce ou le respect des personnes. Et les grands chantres de la moralisation, des ecclésiastiques le plus souvent, n’ont pas échappé au pharisaïsme. Ils ont dit et n’ont pas fait, comme le montrent hélas les si nombreux scandales qui sont mis au jour en ce moment dans l’Église.
Des voix, surtout féminines, s’élevèrent pour dire l’Amour de Dieu
Heureusement, dans ces sombres perspectives où Dieu n’est vraiment pas présenté comme ami de l’homme, quelques voix s’élevèrent pour dire l’Amour de Dieu. Et ce sont surtout des voix féminines. On peut penser à sainte Marguerite-Marie Alacoque. En plein jansénisme, elle eut la mission – qui lui coûta mille épreuves – de promouvoir le culte du Sacré-Cœur de Jésus ; autrement dit de présenter Jésus-Christ qui, avec un amour infini, donne sa vie pour que l’homme soit sauvé, pardonné, élevé vers la lumière.
On peut penser aussi à sainte Faustine Kowalska, qui, en pleine crise moderniste, reçut la mission de mettre en exergue la Divine Miséricorde. Et je ne saurais oublier, ici dans ce Carmel, la petite Thérèse, qui, avec un esprit d’enfance si frais a voulu se loger au cœur de l’Église, au cœur même de Dieu et devenir une chantre de l’Amour.
Oui, avec elles, il faut dire que « Jésus-Christ est le visage de la miséricorde du Père ». Pour le montrer, nous pouvons regarder les attitudes du Ressuscité.
Jésus-Christ, visage de la miséricorde du Père
Rencontrant Pierre, qui l’a renié, il ne lui fait pas de reproches. Une seule question, trois fois répétées : Pierre, m’aimes-tu ?. La relation entre Pierre et Jésus s’était fissurée. Jésus simplement l’invite à aimer à nouveau, à aimer plus, à aimer jusqu’au bout. Et Pierre, devant une si belle ouverture, consent.
Quand il apparaît aux apôtres, qui tous, peu ou prou, ont été lâches, Jésus ne leur fait pas de reproches. Il leur souhaite la paix ; mieux encore, il leur insuffle des énergies nouvelles, l’Esprit d’Amour qui leur permettra d’annoncer l’Évangile jusqu’au bout.
A Thomas, l’incrédule, Jésus ne fait pas de reproches non plus. Il va à la rencontre de son incrédulité et lui montre les traces glorieuses de sa passion. Et Thomas, se sentant rejoint jusqu’à la racine de l’être, émet alors l’un des plus beaux actes de foi qui soient : « mon Seigneur et mon Dieu ».
Une avance de générosité
L’attitude de Jésus, c’est donc de renouer une relation de paix et d’amour, alors qu’elle avait été mise à mal. C’est d’offrir le pardon et la réconciliation, en faisant le premier pas d’amitié, de paix, de compréhension. En faisant avance de générosité, selon cette expression que j’aime tellement. Avance de générosité.
Jésus ne moralise pas. Il n’a qu’un seul commandement : « Aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimés ». Et encore, est-ce un commandement, puisqu’il s’agit d’amour. C’est plutôt une invitation, si puissante qu’il l’a payée au prix de sa vie : « comme je vous ai aimés jusque sur la Croix ».
Les Béatitudes : des directions de vie
En revanche, il indique des chemins pour accomplir le métier d’homme de la façon la plus lumineuse, la plus noble, la plus généreuse, la plus fraternelle. Ces chemins, nous les trouvons dans les Béatitudes, qui sont des directions de vie, pour monter toujours plus haut et pour aller toujours plus profond.
La vie, dès lors, n’est pas faite du respect d’innombrables règles qui vont engendrer le pharisaïsme. Elle devient une dynamique vers la lumière et vers l’amour, qui demande la conversion du cœur, et tout au fond une relation d’alliance avec le Dieu d’Amour, que cette relation soit explicite ou implicite.
Dans sa miséricorde, Jésus a donné sa vie pour la réconciliation et la paix ; dans les Béatitudes, il a ouvert les chemins vers la vraie grandeur de l’homme.
Et encore, il nous promet la miséricorde suprême, qui est la résurrection. Comme dit saint Pierre, « dans sa grande miséricorde, le Père nous a fait renaître pour une vivante espérance grâce à la résurrection de Jésus Christ d’entre les morts, pour un héritage qui ne connaîtra ni corruption, ni souillure, ni flétrissure ».
N’est-ce pas une bonne nouvelle ? La vie est plus que la vie. Dieu nous relève chaque fois que nous tombons, et c’est déjà résurrection ; il nous élève vers les chemins de la générosité, et c’est encore résurrection. En nous, la résurrection est déjà commencée, si nous le voulons bien, et rien ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu, comme dit saint Paul.
Dès lors, la miséricorde de Dieu permet de trouver un peu de lumière et de paix, même dans les chemins les plus noirs. Amen
Deuxième dimanche de Pâques ou de la Divine Miséricorde
Lectures bibliques : Actes 2, 42-47 ; Psaume 117 ; 1 Pierre 1, 3-9 ; Jean 20, 19-31
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