Homélie du 16 février 2014
Prédicateur : Abbé Giovanni Fognini
Date : 16 février 2014
Lieu : Hôpital cantonal de Genève
Type : radio
« Si tu le veux » : c’est ainsi que commence le premier texte que nous avons accueilli. Il est d’un vieux sage de l’Ancien Testament.
« Si tu le veux, tu peux observer les commandements, il dépend de ton choix de rester fidèle » . Et ce vieux sage de préciser : « La vie et la mort sont proposées aux hommes, l’une ou l’autre leur est donnée selon leur choix »
Vous en faites comme moi l’expérience : nos choix ne sont pas sans conséquences, puisque tout au bout, c’est souvent une question de vie ou de mort !
C’est là un vieux thème biblique : deux voies sont toujours proposées à l’homme pour son choix : l’une va vers la mort, l’autre va vers la vie.
Collectivement nous voyons cela tous les jours en gros plan et souvent en direct, par les images de la TV ou les photos des journaux. Ces jours-ci, en Syrie, au Centrafrique spécialement. Dans ces deux pays – et combien d’autres encore – chaque jour, des enfants, des femmes et des hommes vont vers la mort, d’autres vers la vie. Chacun rejetant sur « les autres » la responsabilité de l’horreur qui se vit.
Cela est vrai aussi dans nos vies personnelles :
- Dans un couple – vous le savez mieux que moi – on peut choisir un chemin vers plus ou moins d’amour. La vie ou la mort du couple est toujours en jeu Dans ma vie personnelle, j’ai le choix de me réaliser, de me construire à travers ma liberté et mes choix, ou de me détruire.
C’est déjà cela choisir la mort ou la vie au quotidien ! Grandeur et paradoxe de notre liberté : je suis libre, bien plus que je ne le pense. L’invitation du vieux sage de la Bible – « Si tu le veux » – m’accompagne au quotidien, envers et contre tout !
Alors, vous et moi, pour vivre et choisir la vie, nous nous donnons des priorités, des repères. Parfois nous nous référons à des règles. Dans la Bible, nous trouvons des ordres, entre autre les fameux 10 commandements données par Dieu à Moïse et transmis ensuite au peuple. Certains n’aiment pas ce mot de commandement – comme moi ! – et appellent cela les 10 paroles de liberté. Cela ne change pas grand-chose … il faut les mettre en pratique ! Et ces 10 commandements ont fait des petits dans l’histoire, puisque du temps de Jésus, il y avait en tout 613 commandements à suivre !
Dans ce contexte, Jésus commence par dire dans l’évangile d’aujourd’hui: « Je ne suis pas venu abolir la Loi, mais l’accomplir ». Est-ce une façon de venir appuyer les légalistes purs et durs de l’époque ? Je ne pense pas. Jésus vient « accomplir », c’est-à-dire donner son vrai sens, donner du contenu, de la profondeur même au plus petit des commandements. Au fond, Jésus introduit un tout autre esprit.
Et pour bien se faire comprendre, Jésus ose mettre alors en tension les commandements transmis par la tradition « Vous avez appris qu’il a été dit… » avec sa propre parole : « Et moi je vous dis… ».
C’est ce qui se passe dans l’évangile de ce matin ; Jésus rappelle d’abord quelques-uns de ces commandements qui ont traversé les siècles avant lui :
- Tu ne tueras pas, tu ne commettras pas d’adultère, et si tu jures par Dieu que ce soit la vérité.
- Ensuite, Jésus radicalise ces commandements. On pourrait croire qu’il veut les rendre encore plus exigeants ! Jésus radicalise signifie qu’il va à la racine même du mal dénoncé par ces divers commandements :
- Bien sûr, il ne faut pas tuer, mais « moi Jésus je vous dis » : si une dispute s’envenime et devient colère, si les insultes fusent, c’est déjà grave. Autrement dit, la colère et l’insulte portent en germe le même mal que le meurtre !
- Ne pas commettre l’adultère, certes, c’est toujours valable, mais « moi Jésus je vous dis » : un regard qui s’approprie l’autre, regarder une femme et la convoiter, la désirer comme un objet à posséder, c’est déjà un adultère.
- Jurer, prêter un serment en invoquant Dieu pour dire qu’on est dans la vérité : mais pourquoi ? « Moi Jésus je vous dis » : ayez une parole vraie, soyez des femmes et des hommes de parole. Que votre oui soit oui et que votre non soit non. Ayez une parole responsable, fiable et que vous pouvez tenir même dans une réalité changeante.
Oui, Jésus radicalise … il va à la racine, il va au fond de nos actes humains et de nos choix, car il sait que c’est là, au fond de notre personnes, dans notre cœur, que se niche le mal. Derrière nos actes, derrière nos apparences et nos façades, derrière nos masques, il y a le fond du cœur, que tout le monde ne voit pas forcément. Dieu, lui, voit le fond de notre cœur. Le mal prend racine dans le cœur de l’homme et c’est à ce niveau-là que nous sommes invités à mettre en œuvre notre liberté et nos choix.
C’est un appel sérieux à la lucidité qui nous est adressé : derrière ce que je dis, derrière ce que je fais, quelle femme, quel homme suis-je en vérité, quel est mon être profond ? La lucidité nous est indispensable pour nous remettre à Dieu et laisser son Amour nous guérir, nous transformer, nous ajuster à Lui. A quoi servirait de confier à l’amour une image illusoire de nous-mêmes ?
La révision de la Loi par Jésus aura son aboutissement, son accomplissement dans le double commandement de l’amour : « Tu aimeras ton Dieu et ton prochain comme toi-même ».
Alors, « si tu le veux », laisse l’Amour en toi choisir la vie : ainsi ta justice dépassera toute loi, tout commandement. Et tu seras juste, c’est-à-dire ajusté sur la volonté de Dieu, pour ton plus grand bonheur !
Amen.
6e dimanche du temps ordinaire
Lectures bibliques : Siracide 15, 16-21; 1 Corinthiens 2, 6-10; Matthieu 5, 17-37
Les droits de l’ensemble des contenus de ce site sont déposés à Cath-Info. Toute diffusion de texte, de son ou d’image sur quelque support que ce soit est payante. L’enregistrement dans d’autres bases de données est interdit.




