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Homélie

Homélie du 16 juillet 2023 (Mt 13, 1-23)

Mgr Jean Scarcella – Basilique de l’Abbaye de Saint-Maurice, VS

Mes sœurs, mes frères,

La Parole de Dieu aujourd’hui nous inscrit d’une certaine manière dans le cycle de la nature, ou même mieux, elle prend corps dans la nature, jusqu’à presque se confondre avec elle, son rythme, sa substance, sa réalité. En effet, c’est à se demander si cette Parole ne serait pas comme un grain de blé ? C’est comme si Jésus, dans sa parabole du semeur, voulait mettre sa Parole au niveau du créé, et lui faire éprouver les lois de la vie, les mêmes pour tout ce qui vit. Du coup nous pourrions éprouver, à l’écoute de ce récit imagé, notre capacité à recevoir cette Parole.

Mais dans quel état d’esprit allons-nous le faire ? Oui, il y a le geste, quasi automatique du semeur, qui lance le grain pour inaugurer le processus des germinations. Mais avons-nous réfléchi en amont par rapport à ce moment de cette histoire ? Il y a eu, en fait, tout un travail de préparation de la terre, afin qu’elle puisse recevoir un grain qui trouve à y mûrir et à porter ensuite du fruit. Eh bien ainsi en est-il de la Parole qui n’est pas lancée négligemment à tout vent, au gré d’envies aléatoires de Jésus, mais qui doit pouvoir être reçue par ceux qui l’entendent, car le Seigneur veut cibler leur cœur, le cœur étant ce terrain favorable où la Parole pourra germer, se développer et porter du fruit. Ainsi pour la recevoir, nous devons désherber notre cœur, y retirer des pierres, le labourer et y creuser des sillons. Et une fois cette préparation accomplie, le grain de la Parole, lentement, au gré de l’action de l’Esprit et sous sa mouvance, germera, prendra corps, fera sens, accompagnera la vie de chacun, permettra son épanouissement. C’est tout un travail caché, lent, préalable, mais si nécessaire pour que la Parole porte en nous du fruit. C’est le travail de nos vies, là où la Parole est prise en compte et guide nos pas, elle qui nourrit nos pensées et nos actions, afin de pouvoir encourager chacun à vivre comme Jésus.

Jésus parle du coeur de l’homme

Dès lors, quand Jésus parle du bord du chemin, du sol pierreux ou des ronces… il veut parler du cœur de l’homme. Il y a d’abord son accès fermé qui ne laisse qu’un semblant de place sur son bord, sa lèvre ; les graines de la Parole ne sont donc là à l’abri de rien, et le Mauvais a tôt fait de s’en emparer. Il y a ensuite les pierres du péché, qui prend trop de place en nous et empêche la réception de la Parole ; c’est un lieu non préparé, un semblant de terre, juste pour nous donner bonne conscience, mais qui, sans racines possibles, ne laissera à la Parole reçue qu’un aspect éphémère. Il y a enfin les ronces du refus, de l’auto-défense contre la volonté de Dieu exprimée par sa Parole, une espèce d’alibi pour défendre une pseudo liberté, – laquelle refoule la vraie liberté que Dieu propose –, et qui cherche à étouffer la Parole offerte qui, précisément, la met en œuvre.

Un coeur qui sait entendre la Parole de Dieu, la recevoir

Alors Jésus a une déclaration imparable, après avoir cité le prophète Isaïe qui, justement, fustige ce cœur de l’homme incapable d’écouter et de comprendre, ce cœur alourdi et fermé, prêt à éviter toute conversion, c’est-à-dire tout labour intérieur, un cœur voué à la superficialité d’un self-contrôle humain, pour ne pas dire à la mainmise humaine sur la divinité même de Dieu : Jésus dit une béatitude, forme d’expression qu’il privilégiée et affectionne, puisqu’il souhaite s’adresser à l’homme pour son bien : «Heureux vos yeux puisqu’il voient, et vos oreilles puisqu’elles entendent ! […] Vous donc, écoutez ce que veut dire la parabole du semeur». Oui, heureux êtes-vous, vous qui avez un cœur qui sait entendre la Parole de Dieu, la recevoir et la voir germer dans l’Église !

Cette parabole si expressive, au profil de bande dessinée, a donc cette face cachée qui veut exalter toute notre vie spirituelle. Tout ce qui doit se passer dans nos cœurs, au fil des enseignements de Jésus, de l’interprétation des Écritures, des ouvrages de vie spirituelle ou même du Magistère de l›Église, est œuvre de l’Esprit, frères et sœurs. L’Esprit s’emploie à nous rendre dociles à la Parole, afin qu’elle puisse germer en nous. Son souffle nous pousse à accueillir cette Parole de vie avec sincérité, pour que nos vies deviennent fécondes. Saint Paul l’a dit tout à l’heure… «La création tout entière gémit, elle passe par les douleurs d’un enfantement qui dure encore. […] Elle attend avec impatience la révélation des fils de Dieu». C’est de cela qu’il s’agit, frères et sœurs : sommes-nous prêts à travailler pour rendre nos vies fécondes de la fécondité même de Dieu ?

Sommes-nous prêts à faire de nos cœurs des lieux de germination où la Parole de Dieu puisse prendre racine, pousser et porter du fruit ? Sommes-nous prêts à travailler à la suite de Jésus, Parole incarnée, pour l’avènement de son Royaume, jusqu’au jour où sa gloire se révélera pour nous, comme le dit encore saint Paul ? Et tout ceci afin de «connaître la liberté de la gloire donnée aux enfants de Dieu», renchérit-il ! Cette liberté, celle dont nous parlions pour éviter les bords de chemin, le sol pierreux ou les ronces, est donc la liberté qui creuse en nous la volonté d’écouter la Parole de Dieu, le désir de la vivre et la joie de la proclamer.

Ainsi soit-il !

15e Dimanche du Temps ordinaire
Lectures bibliques : Isaïe 55, 10-11; Psaume 64; Romains 8, 18-23; Mathieu13, 1-23

16 juillet 2023 | 09:35
Temps de lecture : env. 4  min.
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