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Homélie

Homélie du 17 novembre 2019 (Lc 21, 5-19 )

Abbé Bernard Allaz – Eglise St-Vincent, Farvagny, FR

L’amitié est plus forte que la pauvreté.

En ce 33ème dimanche du temps ordinaire, notre Pape François nous interpelle. Il nous invite à célébrer la 3ème journée mondiale des Pauvres, Voici quelques extraits de son message : « Le pauvre n’est pas oublié jusqu’à la fin, l’espérance des malheureux ne périt pas à jamais » (Ps 9, 19). Oui, les paroles du psaume manifestent une actualité incroyable. Ils expriment une vérité profonde que la foi parvient à imprimer avant tout dans le cœur des plus pauvres : rendre l’espérance perdue devant les injustices, les souffrances et la précarité de la vie. (…)

Récemment, nous avons pleuré la mort d’un grand apôtre des pauvres, Jean Vanier, qui, avec son dévouement, a ouvert de nouvelles voies au partage avec les personnes marginalisées en vue de leur promotion. Jean Vanier a reçu de Dieu le don de consacrer toute sa vie aux frères gravement handicapés que la société a souvent tendance à exclure. Il a été un «saint de la porte d’à côté». Avec son enthousiasme, il a su rassembler autour de lui de nombreux jeunes, des hommes et des femmes, qui, avec un engagement quotidien, ont donné de l’amour et redonné le sourire à tant de personnes faibles et fragiles, en leur offrant une véritable «arche» de salut contre l’exclusion et la solitude. Son témoignage a changé la vie de nombreuses personnes et a aidé le monde à regarder les plus fragiles et les plus faibles avec un regard différent. Le cri des personnes pauvres a été entendu et a produit une espérance inébranlable, créant des signes visibles et tangibles d’un amour concret que nous pouvons toucher de nos mains jusqu’à aujourd’hui.

Une réelle préoccupation pour les personnes

L’engagement des chrétiens, à l’occasion de cette Journée mondiale, et surtout dans la vie de tous les jours, ne consiste pas uniquement en des initiatives d’assistance qui, bien que louables et nécessaires, doivent viser à renforcer en chacun l’attention maximale qui est due à chaque personne en détresse. « Cette attention à l’amour est le début d’une réelle préoccupation » (ibid., n. 199) pour les personnes pauvres dans la recherche de leur véritable bien.

Les pauvres ont avant tout besoin de Dieu, de son amour rendu visible par des personnes saintes qui vivent au côté d’eux, lesquelles, par la simplicité de leur vie, expriment et font émerger la force de l’amour chrétien… Les pauvres ont besoin de nos mains pour se relever, de nos cœurs pour ressentir à nouveau la chaleur de l’affection, de notre présence pour vaincre la solitude. Ils ont simplement besoin d’amour. (…) affirme le pape François. (1)

Laisser l’autre nous révéler notre propre humanité

 « Apprenons les uns des autres » Dans la lettre ouverte les participants et participantes de l’Université de la diaconie de janvier 2019, à Fribourg, nous invitent par l’appel : « Brisons la solitude. Construisons ensemble ! » à nous engager. Nous avons fait l’expérience que toute parole compte et que celle des personnes vivant la précarité est souvent une parole de Vie. Ensemble, nous sommes invités à construire le Royaume de Dieu et laisser l’autre nous révéler notre propre humanité. Les paroisses catholiques et les communautés chrétiennes ont pour vocation d’être des lieux de fraternité. Les kermesses, les événements liés aux fêtes chrétiennes et les apéritifs autour des célébrations sont notamment des lieux-phares. Cependant, ces espaces sont souvent intimidants et hermétiques pour les nouvelles personnes. Celles en situation de précarité y trouvent rarement leur place. S’ouvrir à l’autre en ne le réduisant pas ses actes ou à son apparence, c’est entrer véritablement dans la dynamique de l’Evangile.

Semer des signes tangibles d’espérance

En Suisse, 36,1% de la population connaît le sentiment de solitude à des degrés divers (2). Beaucoup l’ont affirmé lors de nos rencontres. Souvent ce sont d’abord les personnes en précarité qui entendent cet appel et y répondent. Ne les laissons pas seules ! Ouvrons les portes de nos maisons, de nos cures, de nos églises afin que toutes et tous puissent entrer et participer à la vie de nos communautés humaines et chrétiennes. Mais encore, osons rejoindre celles et ceux qui se cachent et n’osent plus sortir. Ne prenons pas le risque de blesser leur espérance. Créons des réseaux de solidarité avec les personnes exclues ou marginalisées. Nous suggérons de mettre en valeur et de développer davantage de lieux d’accueil participatifs en lien avec les plus démunis d’entre nous, afin que tous puissent retrouver un peu de chaleur humaine, partager ce qui fait leur quotidien, se réjouir en présence d’amis, écouter et vivre ensemble la Parole de Dieu, et prier. L’accueil et la charité envers les « plus petits » est constitutif de l’être même de l’Eglise. Comme nous le rappelle le pape François « La condition, pour que les disciples du Seigneur Jésus soient des évangélisateurs cohérents, est de semer des signes tangibles d’espérance. » (1) Nous voulons maintenant avancer au large et sortir au-delà de nous-mêmes.

Dans notre Eglise, celle particulièrement du canton de Fribourg, nous sommes touchés par la faible participation de la pratique religieuse dans plusieurs de nos paroisses. C’est un appel de la pauvreté de nos communautés qui peinent à se rassembler. Il est urgent de favoriser la convivialité, de favoriser l’après messe par un temps de partage, d’échange. « Il faut que nous convertissions, Jean Vanier le disait souvent : celui qui pratique la générosité est en haut, au-dessus. Il se penche pour donner. Celui qui recherche la communion est en bas. Il se lève pour échanger, pour partager, pour être « avec. »… Prenons l’option préférentielle pour les pauvres. » (3) Souvenons-nous que l’amitié est plus forte que la pauvreté. Amen, alléluia !

1. Pape François, message de la 3ème Journée mondiales des Pauvres, 17 novembre 2019, L’Espérance des pauvres ne sera jamais déçue.
2. Selon le monitorage 2016 de la santé psychique en Suisse réalisé par l’Observatoire suisse de la santé (Obsan)
3. La Vie, du jeudi 14 novembre 2019 : « Fratello ouvre l’Eglise aux pauvres. P 60 et 61

33e DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE
Lectures bibliques :
Malachie 3, 19-20a; Psaume 97, 5-6, 7-8, 9; 2 Thessaloniciens 3, 7-12; Luc 21, 5-19

© B. Lopez – Evangile et peinture
17 novembre 2019 | 08:40
Temps de lecture: env. 4 min.
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