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Homélie

Homélie du 19 décembre 2021 (Lc 1,39-45)

Chanoine Claude Ducarroz – Cathédrale Saint-Nicolas, Fribourg

Une femme. Et même deux. Marie de Nazareth et Elisabeth, sa parente.

Après l’austère Jean-Baptiste des deux derniers dimanches, ça fait du bien de donner la main à deux femmes sur notre chemin d’Avent, aux portes de Noël.

Accourons donc auprès de ces deux mamans qui nous attendent sur le seuil de la maison. Une première lecture, un peu superficielle, reviendrait à qualifier cette rencontre de simple visite, entre femmes enceintes, qui pratiquent une belle solidarité, une émouvante hospitalité.

En réalité, toutes deux portent un secret, un mystère qui les dépasse, les comble et en même temps les transforme.

Un mystère qui les dépasse

Le secret de Marie, c’est Jésus, le Messie d’Israël et le sauveur du monde, tel qu’annoncé dès le départ par un messager de Dieu nommé Gabriel. Et ce Jésus est déjà remuant. Il a mis en route sa mère, qui se rendit rapidement, à travers les montagnes, vers sa parente Elisabeth.

Quant à celle-ci, elle abrite aussi un enfant qui ne sera pas de tout repos. Il brassera les foules pour les conduire, non sans les bousculer, vers le Seigneur Jésus, un frère tout humain et tout divin au milieu de nous.

Mais pour le moment, les deux enfants sont assez tranquilles. Ce sont leurs mères qui gèrent l’imprévu de cette visite humaine, transfigurée en visitation par l’Esprit de Dieu.

Dieu a visité son peuple

Marie salue respectueusement Elisabeth, mais celle-ci nous fait aussitôt d’étranges révélations. En Marie, elle accueille « la mère de son Seigneur ». Elle proclame un mystère inouï : la petite Marie a été touchée par une parole venue d’en-haut. Elle y a cru. C’est pourquoi elle peut chanter : « Mon âme exalte le Seigneur, car il a fait pour moi des merveilles ».

La merveille de Marie, c’est son Jésus qui s’agite maintenant en elle. Car il est déjà une bonne nouvelle, et il le fait savoir, du creux de son silence, à l’enfant d’en face, dans le sein d’Elisabeth.

Le futur Jean semble d’ailleurs lui répondre puisque sa mère peut dire : « L’enfant a tressailli d’allégresse en moi. » Un concours de louanges, de femme à femme, de bébé à bébé, car Dieu a visité son peuple, de l’intérieur vers l’extérieur.

Nous aussi. Nous sommes les enfants bien-aimés de cet amour fécond. L’humanité marche sur une route de vie, avec la promesse du bonheur éternel dans le Royaume de Dieu.

Autrement dit : un Noël qui conduit à Pâques, non sans passer par les visites de l’Esprit, dans l’Eglise et dans le monde, tout au long de notre histoire communautaire, comme de nos histoires personnelles. Donc aujourd’hui aussi.

Nous sommes en chemin, en visites

 A l’approche de Noël, qui mettra en pleine lumière ce qui s’est passé dans la mystérieuse rencontre de ce jour, nous sommes, nous aussi, en chemin, en visites, en messages et cadeaux de relations.

 Dans le contexte du Covid, nous allons sûrement inventer des chemins inédits pour rejoindre les autres, y compris grâce aux nouveaux moyens de communication. Tout est possible.

Il s’agit alors de transformer nos visites en visitations. Qu’est-ce à dire ?

Prenons-nous conscience que, dans le visiteur ou la visiteuse, comme dans le ou la visitée, quelqu’un nous attend déjà, mystérieusement, une présence secrète, humble, discrète, que le silence et la prière peuvent nous révéler ?

Nous sommes habités

En chacun de nous, il y a plus que nous. Nous sommes habités. J’ose le dire : nous sommes tous, d’une certaine manière, enceints, enceintes.

Oui, quelqu’un est là, qui ne nous laissera pas tranquilles, même s’il apporte la paix. Comme pour Marie, l’Esprit de Jésus va nous mettre ou remettre en route, vers Dieu, mais en passant par les autres, en particulier celles et ceux qui ont le plus besoin de chaleur humaine, de sens retrouvé à leur vie, surtout quand frappent les épreuves de santé, de cœur ou de relations.

 Nous pouvons tous être, par cet Esprit qui remue en nous, des porte-Christ à l’image de Marie, y compris dans les limites et les imperfections de notre pauvre humanité. Des crèches vivantes, en somme, avec un peu de paille, quelques araignées peut-être, et surtout beaucoup d’amour.

Emprunter les accents du Magnificat, le chant de l’humanité sauvée

Alors le prochain Noël pourra emprunter les accents du Magnificat de Marie.

Oui, à partir de la crèche, sans oublier la communion eucharistique, sur notre monde tourmenté, pourra grandir le message de Jésus et pourront se diffuser les bienheureuses beautés de l’Evangile, les énergies de son Esprit :

*des puissants seront peut-être renversés de leurs trônes, mais des humbles et des petits seront libérés, exaltés.  Noël !

*des riches repartiront les mains vides, mais des affamés auront enfin du pain et de la considération. Noël !

*et l’amour de Dieu sera peut-être enfin connu, reconnu et accueilli dans la mystérieuse joie de la foi. Noël !

Avec Marie et Elisabeth, nos sœurs aînées dans le Magnificat, nous oserons le chant de l’humanité sauvée, de l’Eglise en chemin et de chacun de nous, aimé de Dieu.

Bientôt Noël !

4e DIMANCHE DE L’AVENT
Lectures bibliques : Michée 5, 1-4a; Psaume 9, 2ac.3bc, 15-16a, 18-19; Hébreux 10, 5-10; Luc 1, 39-45

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19 décembre 2021 | 09:35
Temps de lecture : env. 4  min.
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