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Homélie

Homélie du 19 octobre 2025 (Lc 18, 1-8)

Père Luc Ruedin – Chapelle Saint-Joseph, Ecole des Missions, Le Bouveret, VS

Chers frères et sœurs,
Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus est avec Saint François-Xavier patronne des missions. Pourquoi, une petite carmélite morte à 24 ans, n’ayant bénéficié d’aucune expérience extraordinaire – ni les stigmates de François d’Assise ni les extases de la grande Thérèse – et surtout étant restée cloîtrée dans son carmel a-t-elle été proclamée par le Pape Pie XI, patronne des missions ?
Parce qu’au cœur du monde, elle a choisi d’être l’Amour. Parce qu’elle a choisi la petite voie, celle de l’enfance spirituelle qui seule peut se laisser radicalement saisir par l’Amour ! Le cœur d’une vie missionnaire est de s’en remettre totalement à Dieu ! La petite Thérèse s’est remise radicalement au Seigneur au point qu’elle reconnaît n’avoir pas d’œuvres à faire valoir par elle-même. Par la prière, elle s’est totalement greffée sur le Vivant qui agit en elle. Jésus ne lui demande pas de grandes choses mais seulement de s’abandonner.

Lâcher prise radicalement ouvre la porte du paradis

Saint Paul n’a-t-il pas lui aussi tout perdu afin écrit-il « d’être trouvé dans le Christ, n’ayant plus ma justice à moi, celle qui vient de la Loi, mais la justice par la foi au Christ, celle qui vient de Dieu et s’appuie sur la foi » ? S’abandonner, lâcher prise radicalement ouvre la porte du paradis ! La petite doctrine de l’Amour de sainte Thérèse, en sa simplicité désarmante, balaie toutes les images d’un Dieu juge ou comptable. Elle fait aussi échec à la prétention d’acquérir le Salut par nos seuls efforts ! Si la petite Thérèse est patronne des missions, c’est donc qu’elle vit de confiance absolue, de foi pure. Se quittant elle-même, elle s’est totalement donnée à son Jésus ! Comment l’a-t-elle fait ? Par la prière !

Qu’est-ce que la prière ? Avant tout, c’est un cri… un cri face à la précarité ! Les peuples affamés, meurtris du Bangladesh, de Myanmar et du Laos en savent quelque chose ! Ce cri adressé au Tout-Autre est une réaction à un monde si souvent perçu comme hostile et muet. La veuve de l’Evangile l’a bien compris : elle crie jour et nuit vers le juge. Elle espère ainsi qu’il pourra la sauver de l’injustice. Par son insistance, elle ennuie ce juge qui enfin répond à sa demande. La petite Thérèse aussi prie encore plus intensément et avec plus d’insistance lorsque à la fin de sa vie Jésus se cache et que les ténèbres s›épaississent…

Osons poser ce cri de l’âme qui pénètre le coeur de Dieu


Chers amis, dans le mystère de la foi, osons à notre tour poser cet acte de confiance radical, ce gémissement de l’esprit, ce cri de l’âme qui pénètre le cœur de Dieu ! Encore… encore… faut-il, à l’image de la petite Thérèse et des missionnaires qui risquent leur vie dans les zones de violence de notre monde, s’abandonner à la grâce imprévisible du Ciel. Encore nous faut-il, dans la banalité de notre quotidien, lâcher prise et faire confiance ! Nous découvrirons alors l’étonnante fécondité de l’Amour.
S’accorder au mystérieux dessein du Seigneur par la prière ? Mais est-ce que Dieu ne connaît pas déjà nos besoins ? Dieu nous inviterait à prier avec insistance… comme s’il ne savait pas… Lui le Tout-Puissant ?! Non, chers amis, le Dieu Tout-Puissant, bouche-trou de nos besoins infantiles, n’existe pas !

Que le désir de Dieu puisse se réaliser en nous

Mais alors quel sens cela a-t-il d’insister malgré tout auprès de Dieu ? Pourquoi le faire ? Parce que l’Amour est désarmé et n’exige rien ! Parce que la Toute-Puissance de Dieu est d’Amour et… que l’Amour ne s’impose jamais ! Parce que le divin Amour propose une alliance… Et parce que cet appel à notre liberté suppose une réponse libre… L’Amour a donc besoin de notre prière, ou plus exactement que nous laissions l’Esprit-Saint en nous intercéder par des soupirs inexprimables, comme le rappelle l’Apôtre Paul. Afin que le Désir de Dieu – que nous entrions en contact, en résonnance, en relation avec Lui – puisse se réaliser.

Créer un espace priant en notre cœur afin que le Seigneur puisse venir l’habiter de Sa Présence est essentiel pour nous. Etty Hillesum l’avait bien compris : « Une chose cependant m’apparaît de plus en plus claire : ce n’est pas toi qui peux nous aider, mais nous qui pouvons t’aider – et ce faisant nous aider nous-mêmes. C’est tout ce qu’il nous est possible de sauver en cette époque et c’est aussi la seule chose qui compte : un peu de toi en nous, mon Dieu ».

La méditation soigne donc en nous cet espace intérieur et le fertilise. Un espace où peut alors nous être rendue perceptible la Présence divine. Sur notre chemin quotidien dans la lutte contre le mal qui est dure et longue – comme Moïse qui devait garder les bras levés pour faire vaincre son peuple ! – dans cette mission qui nous est confiée d’être témoins de l’Espérance, le Seigneur est à nos côtés. Il lutte avec nous et la prière est notre arme !

La foi pure nous greffe sur le coeur de Dieu

« Mais le Fils de l’Homme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur terre ? » Si la foi s’éteint, la prière s’éteint et nous marchons dans la nuit, nous nous égarons et faillissions à notre mission.
La foi pure nous greffe sur le cœur de Dieu ! Elle nous donne donc de témoigner en vérité. L’authentique vie spirituelle porte alors des fruits : Des œuvres, des œuvres écrivait Ste Thérèse d’Avila à la fin de sa vie ! Oui, mais des œuvres qui… viennent du Seigneur ! La prière sous toutes ses formes – contemplative et active – est donc nécessaire : « car je ne connais qu’un acte fertile qui est la prière, mais je connais aussi que tout acte est prière s’il est don de soi » écrivait St-Exupéry. Se donner…se donner au Seigneur… pour se donner en vérité aux autres et aux plus pauvres, quelle que soit le type de pauvreté comme vient de l’écrire le Pape Léon dans son exhortation apostolique « Je t’ai aimé », telle est la voie de l’Evangile !
Au Bangladesh, au Myanmar et au Laos où les chrétiens sont minoritaires et les conditions de vie de la population très difficiles, l’Église témoigne par son engagement pastoral, éducatif, caritatif et social.

Prions sans relâche frères et sœurs afin que Notre Père nous écoute, qu’il joigne Son Esprit-Saint à notre esprit et augmente en nous et autour de nous la puissance de Sa vie.


29e dimanche du Temps ordinaire
Lectures bibliques : Exode 17, 8-13; Psaume 120; 2 Timothée 3, 14 – 4,2; Luc 18, 1-8

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19 octobre 2025 | 08:35
Temps de lecture : env. 5  min.
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