| DR
Homélie

Homélie du 1er mai 2022 (Jn 21, 1-19 )

Chanoine Alexandre Ineichen – Basilique de Saint-Maurice, VS

Ici dans la Basilique, au loin sur les ondes, Jésus dans l’Évangile nous interrogera : «M’aimes-tu ?» Pour nous, avec nous, Simon-Pierre y répondra. Nous voici donc rassemblé ce matin car nous avons répondu à l’appel de Dieu. Nous avons comme Simon-Pierre revêtus nos habits et avons plongé dans l’eau du lac, revêtus nos habits blancs et avons plongé dans l’eau qui régénère. Par le baptême, nous avons voulu mourir et ressusciter avec le Christ. Au début de cette célébration, nous tous, nous voulons nous souvenir de notre réponse, par l’eau de Pâques, nous voulons mourir au péché et vivre en Dieu.

« Il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes. » En ce troisième dimanche de Pâques, c’était la troisième fois que Jésus ressuscité d’entre les morts se manifestait à ces disciples, aujourd’hui donc, Simon-Pierre, celui qui a renié le Christ trois fois, mais celui qui par trois fois aussi lui témoigne combien il l’aime, Simon-Pierre, à qui le Seigneur donne les clés du Royaume et qui doit affermir dans la foi, ses frères c’est-à-dire nous-mêmes, Simon-Pierre est bien le disciple par excellence, non seulement parce qu’il fera paître les brebis du Maître, mais aussi parce qu’il répondra au Conseil suprême et au Grand Prêtre qui l’interrogent en disant : « Il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes. » Or, nous savons tous, en particulier nous habitants d’Agaune, de Saint-Maurice, que cette injonction mènera saint Pierre jusqu’au sacrifice suprême comme Jésus le lui avait annoncé. En effet, c’est parce que nos martyrs saint Maurice et ses compagnons, parce que les martyrs de tous les temps ont préféré obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes qu’ils furent conduit à donner leur vie à la suite de Jésus.
Martyr, obéir, à notre époque, ces mots sont galvaudés et sont souvent entendus comme synonyme de fanatique, de discipliné, mieux de manipulé. Il est donc nécessaire de bien comprendre les paroles de Simon-Pierre pour qu’à sa suite nous préférions obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes.

Nous sommes amis de Jésus

Premièrement, l’obéissance que Jésus demande n’est pas celle de l’esclave vis-à-vis de son maître dont la volonté est toute puissante et remplace celle du serviteur. Mais si l’Evangile est bonne nouvelle, c’est parce qu’il nous dit que nous ne sommes plus appelés serviteurs, ignorant la volonté du maître, mais ami de Jésus. Par trois fois aujourd’hui, Jésus interroge Simon-Pierre parce qu’il veut lui laisser l’entière liberté pour répondre à son appel.


Deuxièmement, l’obéissance n’est pas un simple conformisme, une acception générale de quelque manière de vivre qui nous ne oblige pas, mais qui soulage notre conscience, qui conforte nos préjugés, qui ne bouscule pas trop notre train-train quotidien, ni notre portemonnaie. Devons-nous comprendre le passage de notre Evangile où Jésus annonce à Simon-Pierre que bientôt ce n’est plus lui qui mettra sa ceinture et qu’il ne pourra plus aller là où il voudrait ? Non, car ce serait réduire l’Evangile a une collection de bons sentiments et de considérations générales prêtes-à-porter.


Troisièmement, afin de n’être ni esclave de nos opinions préconçues, ni prisonnier d’une volonté extérieure, ne devrions-nous pas nous mettre d’accord les uns les autres et signer un contrat social qui nous obligerait. Nous obéirons alors à des lois, des coutumes, des constitutions que nous aurions nous-mêmes établies, en toute liberté et dans l’intérêt de tous. Il nous faudrait alors obéir aux hommes plutôt qu’à Dieu, mieux pourquoi ne pas inviter alors Dieu lui-même à être signataire de ce contrat. Mais une telle obéissance ne peut se conclure qu’entre égaux.
Comment Dieu peut-il conclure une alliance avec l’homme ? Cette alliance, ne serait-elle pas trop disproportionnée, déraisonnable, peut-être même à notre désavantage ? Si le Verbe s’est fait chair, si Dieu est devenu l’un d’entre nous en Jésus-Christ, c’est pour que nous puissions – il est vrai – honorer cette alliance. Mais le chemin est long, difficile, peut-être même impossible.

Obéir à Dieu, c’est aimer de toute sa force, de toute son âme…

Reste alors la dernière compréhension de l’obéissance : celle que nous avons envers celui qui détient l’autorité, non celle de la force, qu’elle soit physique ou psychique, mais celle de la vérité. Oui, Jésus est bien le chemin, la vérité et la vie. Par sa parole, Jésus nous dévoile Dieu et montre le visage du Père. En interrogeant Simon-Pierre, en nous interrogeant : m’aimes-tu ?, le Christ ne veut pas s’imposer par la force ou par un quelconque conformisme, voire une alliance, un contrat que nous aurions signé et que nous devrions honorer, non, au contraire, Jésus veut par sa parole nous donner en toute la liberté de répondre avec Simon-Pierre : Seigneur, tu le sais, tu le sais que je t’aime. Par ailleurs, la manifestation Dieu est certes d’abord extérieure dans le ministère de Jésus comme dans l’action de l’Eglise, mais elle est surtout intérieure car Dieu – comme le dit saint Augustin – est plus intérieur à nous-mêmes que nous-mêmes. C’est par l’écoute attentive du maître intérieur que nous pourrons en toute occasion répondre en vérité à la fameuse proposition du même Augustin : Aime et fais ce que tu veux, et dire avec saint Pierre parce que le Christ l’aime et sait que le disciple l’aime aussi : « Il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes. ». Obéir à Dieu de cette manière, c’est aimer de toute son âme, de toute sa force et de tout son coeur Dieu et son prochain comme soi-même.

3e DIMANCHE DE PÂQUES
Lectures bibliques : Actes 5, 27b-32.40b-41; Psaume 29, 3-4, 5-6ab, 6cd.12, 13; Apocalypse 5, 11-14; Jean 21, 1-19

| DR
1 mai 2022 | 14:35
Temps de lecture : env. 4  min.
Partagez!

plus d'articles de la catégorie «Homélie»