Homélie du 21 septembre 2025 (Lc 16, 1-13)
Abbé Boniface Bucyana – Eglise Saint-Joseph, Lausanne
Enrichir par la pauvreté !
Cela fait sourire à la fois ceux qui se croient riches et ceux qui se voient pauvres. Mais il y a pauvreté et pauvreté. La pire des pauvretés n’est pas celle de l’avoir, de ne rien posséder mais bien celle de l’être, de ne plus savoir, de ne plus reconnaître celui qu’on est et qu’on doit être, et devenir tout sauf humain. Être pauvre de cœur, voilà qui est une valeur d’humanité, une valeur évangélique, chrétienne. Avec un tel cœur, on évite la pauvreté du cœur qui ne veut rien donner, ni rien recevoir. Ce cœur est plein de lui-même, donc pratiquement vide. Cependant, il est avide et veut arracher au lieu de demander. Il cherche à accaparer par tous les moyens, la ruse, la corruption, la violence, bref l’injustice.
Un jeûne, un partage, qui enrichit chacun et tous
En ce dimanche, en Suisse, nous fêtons une valeur héritée de nos ancêtres. C’est le jeûne fédéral. Quand ils l’ont institué ce n’était pas pour une cure d’amaigrissement, mais pour le partage au nom de l’évangile et de l’humanité. Ils voulaient un jeûne, un partage qui enrichit chacun et tous, donc fédéral. Ce jeûne se devait être, par conséquent fédératif, inclusif, qui rapproche les gens et crée des liens, qui nourrit les relations humaines au-delà des différences de toutes sortes. Qu’en est-il aujourd’hui ? Que reste-il de cet héritage ? Qu’en avons-nous fait ? Le message du Conseil d’Etat de Vaud pose en quelque sorte ces questions et implore une vraie communion comme base du vivre ensemble basée sur des valeurs humaines universelles et intemporelles de paix, de justice. Ces valeurs sociales germent sur les racines spirituelles qui nourrissent de leur sève divine. Le jeûne du partage nous invite à ne pas nous déconnecter de ces racines vitales et de nous replonger les valeurs spirituelles sans honte. Sinon ce serait une trahison fatale.
Toutes, les lectures d’aujourd’hui nous questionnent et nous interpellent en ce sens. Oui, nous jeûnons pour avoir une taille de guêpe, mais nous devenons encore plus des guêpes de taille qui piquent avec une langue acérée ! Au lieu d’enrichir, nous appauvrissons les pauvres en leur arrachant le peu qu’ils avaient. Même l’aide au développement est devenue l’aide à l’appauvrissement. Mais au fait celui qui appauvrit l’autre avec condescendance est déjà lui-même un pauvre type qui ne sait pas partager avec considération et respect. Écraser le malheureux n’a rien d’héroïque, se hisser sur les épaules des humbles n’a rien de glorieux. Tricher, manipuler les faibles qui ont le seul tort d’être de bonne foi, n’est pas signe d’intelligence. Ce méfait s’appelle idiotie et refuse le partage de la confiance.
Amos, prophète de la charité
Amos que j’appelle le prophète de la charité nous avertit que Dieu ne tolère pas cette exploitation des fragilités des autres et ne veut en aucun cas en être complice. Lui, le Juste, il relève plutôt le faible, nous rassure le psaume 112. Si nous sommes vraiment ses serviteurs, nous n’avons pas à nous servir de lui, mais à le servir humblement dans nos frères et sœurs qui sont chers à son cœur, et donc dignes de notre charité fraternelle.
L’Evangile nous met devant un choix
Nous sommes invités à nous donner, donner de notre vie comme le Christ pour faire vivre et non empoisonner la vie. Oui, le jeûne, pour porter du fruit doit s’accompagner de la prière qui nous relie à Dieu pour demander le meilleur à partager, qui nous rassemble avec les autres pour intercéder d’une même voix et élargir notre regard, dire merci à l’unisson pour tous les bienfaits reçus et à recevoir. C’est ce que nous exprimons dans le notre Père en implorant et en acceptant que sa volonté d’enrichir tout le monde se réalise. C’est dans ce sens qu’il attend respectueusement pour honorer nos demandes essentielles sans les imposer et combler nos besoins vitaux : « donne-nous, aujourd’hui notre pain de ce jour. » Nos attentes fondamentales, il les connaît. Lui, le maître de la vie, il a mis à notre disposition les biens pour vivre, au service d’une vie digne. Se laisser asservir par ces choses, comme l’argent, c’est en faire des idoles et renoncer à Dieu. C’est préférer l’esclavage à la liberté des enfants de Dieu. Aujourd’hui l’évangile nous met devant un choix, au nom de notre foi. Opter pour la confiance ou la malhonnêteté, servir le Créateur ou la créature, faire de l’argent un maître ou un instrument. « Vous ne pouvez servir pas servir à la fois Dieu et l’argent. » Le choix sage est de servir Dieu, ce Père ce qui nourrit vraiment notre quotidien, nous garde en communion avec Dieu, avec les autres pour et par le partage de l’amour.
En ce jour, il nous est rappelé que Jésus-Christ s’est fait pauvre, lui qui était riche, pour que vous deveniez riches par sa pauvreté. Nous n’avons rien que nous n’ayons reçu, il nous enrichit pour un partage réciproque, une communion intime. Nous partageons maintenant la parole du Christ et nous allons partager son corps. Nous recevons le Christ, le pain vivant, pour être mieux et plus ce que nous sommes et ce que nous devons être, c’est à dire des chrétiens, porteurs du Christ, témoins et serviteurs fidèles et humbles de son amour pour tous, surtout les plus faibles. Amen
25e dimanche du Temps ordinaire
Lectures bibliques : Amos 8, 4-7; Psaume 112; 1 Timothée 2, 1-8; Luc 16, 1-13
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