Le synode 2021-2023 doit mettre l'Eglise en marche
Homélie

Homélie du 22 mai 2022 (Jn 14, 23-29)

Abbé Marc Donzé – Monastère du Carmel, Le Pâquier, FR

Le mot qui est à l’avant-scène dans l’Église ces temps-ci, c’est : synode. J’allais dire : le mot qui est à la mode ; mais ce n’est pas une mode. Le synode, c’est une composante essentielle de la vie de l’Église. C’est ou plutôt ça devrait être, car nous sommes souvent loin d’une attitude synodale.

Dans le fond – et selon l’étymologie – synode, ça veut dire : faire la route ensemble ; marcher ensemble. Ce n’est pas spontané, ni facile. Deux obstacles principaux sont sur la route : une attitude cléricale et hiérarchique, où tout est décidé d’en haut sans débat ni concertation ; et puis l’individualisme actuel dans le monde occidental.

Marcher ensemble, cela ne veut pas dire faire abstraction des chemins personnels. Cela veut dire mettre ensemble les richesses humaines et spirituelles de chaque personne, pour qu’ensemble nous nous enrichissions de cette diversité et de ce partage et que nous marchions comme un peuple vers la Jérusalem céleste, vers la ville-peuple avec ses 12 portes et ses 12 fondations portant le nom des Apôtres, vers la plénitude de la lumière, de l’amour et de l’unité. Longue marche, certes, pour conjuguer les personnes et la communion fraternelle.

Un chemin qui permette la communion de tous

Mais si je parle de synode ce matin, c’est parce que nous avons lu, dans les Actes des apôtres, le récit et surtout la conclusion du premier synode important de l’Église naissante, que l’on appelle souvent « le concile de Jérusalem ». Et c’est plein d’enseignements. D’abord, cette assemblée se réunit, parce qu’il y a un grave problème. Certains chrétiens issus du judaïsme voudraient imposer la circoncision et les lois juives aux chrétiens issus du paganisme ; attitude insupportable aux yeux de saint Paul, car en Christ s’est inauguré un chemin nouveau et il n’y a pas à revenir dans l’archéologie des prescriptions rituelles et légales. Alors, on se réunit pour trouver une solution, ou plutôt un chemin qui permette la communion de tous. Quand on se réunit, on discute, on débat : les différents avis s’expriment : Paul pour les chemins nouveaux ; Jacques pour les judéo-chrétiens.

Et puis on prie, on se met ensemble à l’écoute de l’Esprit-saint. Ce moment est très important, car il permet de trouver le chemin d’unité et de lumière, non pas dans une espèce de dentelle diplomatique, mais dans la remise ensemble de la question auprès de Celui qui est la Lumière et l’Amour.

L’Esprit-saint et nous-mêmes.

C’est ce qui permet à ce premier synode d’écrire cette superbe introduction: l’Esprit saint et nous-mêmes avons décidé… Pas nous tout seuls. L’Esprit-saint et nous-mêmes.

Et la décision est magnifique à la fois d’audace et de compromis : on renonce à imposer aux chrétiens issus du paganisme la circoncision ; on renonce aussi à leur imposer les 600 et quelques préceptes de la loi juive, on n’en garde que quatre, qui à l’époque paraissaient nécessaires. Quelle sagesse : le conflit aurait fait éclater l’Église naissante ; le chemin trouvé permet de garder l’unité, même si ce n’est pas sans difficultés. Et puis, je me plais à noter l’extraordinaire modération dans la liste des préceptes ; n’y a-t-il pas là une leçon pour aujourd’hui où fleurissent les règles, les papiers, les dispositions canoniques, les prescriptions morales à l’envi ?

Enfin, le synode ne s’est pas contenté d’écrire une lettre et de l’envoyer par la poste. Cette lettre est portée par des frères jusqu’à ses destinataires, des frères qui peuvent raconter la démarche et attester de son authenticité. Et ainsi, on s’encourage les uns les autres sur le chemin de la foi et de la vie.

En résumé : il y a un problème important ; on se réunit ; on débat ; on prie et on se met à l’écoute de l’Esprit-saint ; on trouve un chemin qui permet la communion ; on le communique en s’encourageant les uns les autres. Est-ce que cela ne devrait pas être la manière de faire des assemblées d’aujourd’hui ? Nous l’avons assez bien vécu, d’ailleurs, lors du Synode 72, dans tous les diocèses de Suisse ; et lors d’AD 2000 dans notre diocèse.

Permettez-moi un petit rêve, pour illustrer ce qui serait possible. Imaginez une assemblée paroissiale, où l’on traite des comptes et du budget. Une proposition est émise : finalement, nous sommes assez riches ; il faudrait donner la dîme à un projet dans une Église plus pauvre (ce que d’ailleurs recommandait saint Paul aux Corinthiens pour l’Église de Jérusalem). C’est un problème important, non seulement pour les finances, mais aussi pour la fraternité et la communion universelle de l’Église.

On prend alors le temps de débattre, ce qui n’est pas souvent le cas dans ce genre d’assemblée.

Puis on prie, en se mettant à l’écoute de l’Esprit. Ce qui n’est jamais le cas… hélas. Une solution se fait jour.

Alors on écrit, en toute vérité, à l’Église de NN : l’Esprit-saint et nous-mêmes avons décidé d’un geste de partage fraternel…

Si mon rêve se réalisait, ce serait un magnifique exemple de chemin synodal.

Le même rêve pourrait se vivre dans de nombreuses questions, évidemment. Par exemple, comment mettre ensemble la paroisse suisse et la mission portugaise ou italienne ou hispanophone, pour qu’il y ait non pas un catalogue de règlements et de délimitations de territoires, mais un enrichissement mutuel. Alors : débattre entre tous les acteurs, prier ensemble à l’écoute de l’Esprit, trouver un chemin à la fois fraternel et réaliste… C’est une grande conversion qui pourrait s’opérer, car on ne se contenterait plus de défendre son intérêt propre, mais on chercherait ensemble les chemins possibles de communion.

Mais revenons au point de départ. Synode, cela veut dire faire ensemble le chemin, dans la communion fraternelle. Chacun de nous devrait pouvoir se poser la question : avec qui est-ce que je fais le chemin de l’Évangile ? et avec quelle communauté ?

Et est-ce que je peux promouvoir la culture du partage et du débat ? et la prière commune à l’écoute de l’Esprit ?

Faire synode, au fond, c’est un chemin d’amour fraternel, et universel, et cela permet de recevoir le cadeau de la paix et de la joie, qui chantent au fond du cœur, comme nous dit l’Évangile de ce matin.

Amen.

6e DIMANCHE DE PÂQUES
Lectures bibliques : Actes 15, 1-2.22-29; Psaume 66, 2-3, 5, 7-8; Apocalypse 21, 10-14.22-23; Jean 14, 23-29

Le synode 2021-2023 doit mettre l'Eglise en marche
22 mai 2022 | 09:35
Temps de lecture: env. 4 min.
Partagez!

plus d'articles de la catégorie «Homélie»