Homélie du 25 septembre 2022 (Mt 19, 27-29)
Mgr Charles Morerod – église Saint-Joseph, Lausanne
Fête de saint Nicolas de Flüe
Connaissez-vous tous bien saint Nicolas de Flüe? Je vais vous faire quelques citations. Que dire de lui? Comme nous n’avons entendu dans l’introduction de cette messe, c’est quelqu’un qui a rendu un service à la Suisse. Alors nous allons voir comment! Si le texte de l’Évangile que nous avons entendu a été choisi pour la fête de saint Nicolas de Flüe, c’est parce qu’il a vraiment tout quitté à cause du nom de Jésus: maison, frères, sœurs, épouse, enfants. C’est un peu particulier comme vocation: je ne dis pas que tout le monde doit faire exactement ce qu’il a fait… À savoir: quitter sa femme et ses enfants. Mais pourquoi et comment l’a-t-il fait?
D’abord, il était jusque là un politicien – selon les modalité de l’époque – juge et soldat. Il était très engagé dans la vie de la société, avec une épouse et dix enfants. Et à un moment donné, il s’est senti appelé – alors que ses enfants étaient suffisamment grands pour assurer la vie de la famille, et avec l’accord de sa femme, qui partage d’une certaine manière sa sainteté. Il est donc parti pour vivre en ermite à côté de Sachseln, dans le canton d’Obwald, où son ermitage se trouve encore.
Pendant près d’une vingtaine d’années, il a vécu, non pas en ne mangeant rien, – car quand on lui disait: « vous ne mangez rien », il répondait: « je n’ai jamais dit cela » –, mais en mangeant que l’Eucharistie. Sauf quand il a été obligé, par le coadjuteur de l’évêque de Constance – qui avait quelques doutes par rapport à ce jeûne –, à manger un peu de pain et à boire un peu de vin, ce qui pour lui a été très difficile.
Saint Nicolas n’a consommé que l’Eucharistie pendant vingt ans
Nicolas n’a consommé que l’Eucharistie pendant vingt ans. Il nous montre ainsi une chose, qui nous concerne tous, même si nous ne sommes pas tous des ermites (je signale entre parenthèses qu’il y a des ermites dans ce diocèse). Il nous montre qu’il a pris au sérieux Jésus, et Jésus dans l’Eucharistie. Il nous montre ainsi un aspect de la vie chrétienne, qui est de remarquer ce don infini de Dieu. Et de se dire: « Si Dieu a fait cela tout pour moi… et c’est large… le Fils de Dieu se fait homme… il me ressuscite pour nous… et il veut rester avec nous dans l’Eucharistie… Eh bien il faut que j’y réponde. »
C’est ce que Nicolas a fait, de cette manière-là, complètement fixé sur cette présence de Dieu et sans oublier ce qui se passait autour. D’ailleurs, l’Évangile, aucune de ses pages doit être complètement absente de la vie de l’Église, ses pages sont illustrées de manière variable par les différents personnes. Par exemple, il y a des moments où Jésus part, quitte tout le monde, et se met à l’écart pour prier. Cela fait aussi partie de la chrétienne. Et quand quelqu’un quitte tout, c’est précisément pour se mettre en accord avec cet élément-là de la vie de Jésus.
Même comme ermite, saint Nicolas n’a pas cessé d’être engagé dans la société
Saint Nicolas, qui avait été un politicien, donc quelqu’un qui était engagé dans la société, n’a pas cessé de l’être. Il restait dans son ermitage, mais ce sont les gens qui venaient à lui, parce qu’ils savaient qu’il était là. Ce qui nous a été rappelé dans l’introduction de cette messe, c’est que lorsqu’en 1481, les cantons de Fribourg et Soleure sont entrés dans la Confédération, – le premier moment d’ailleurs, dans l’histoire de la Suisse, où il y a eu une petite partie francophone –, cela a failli provoquer – mais non à cause de la langue – une guerre civile.
Nous savons que la guerre fait des ravages sans fin. Nous avons bien des exemples, nous en avons une pas très loin de chez nous en ce moment. Mais nous n’oublions pas non plus qu’il y en a dans bien d’autres endroits depuis longtemps, – et l’abbé Aimé Munyawa pourrait nous en parler lui-même, car le Congo est ravagé par la guerre depuis longtemps, et chez nous, on en parle moins. Mais saint Nicolas a vu la guerre, a vu les ravages qu’elle pouvait faire, il avait été soldat, alors il a essayé de l’éviter et il l’a évité. Il se trouve qu’il jouissait d’une grande estime, et on s’est tourné vers lui pour trouver des conseils.
« Ne faites pas passer l’utilité politique avant l’honneur »
Et qu’est-ce qu’il dit? « Si l’amitié ne parvient pas à régler les différends, alors c’est le droit qui sera meilleur ». En d’autres termes, il prône une société de droit, qui permet d’établir la justice entre les gens. Ce n’est pas un discours que l’on pourrait imaginer, complètement éthéré, de la part de quelqu’un qui vit tout seul. Il se préoccupe de la relation entre les autres et de la manière de la régler. Il dit encore: « Il faut éviter que la politique deviennent vénale ». En gros: ne vous laissez pas corrompre, n’allez pas où l’argent vous attire, cela ne va pas établir la justice. Ou encore: « Ne faites pas passer l’utilité politique avant l’honneur ». Il a donc donné des conseils qui restent parfaitement actuels et valables pour nous.
Et il donne aussi un principe de base – lui qui s’est retiré pour être seul avec Dieu –, qui suffit pour rendre quelqu’un heureux: « La paix est toujours en Dieu, car Dieu est la paix ». Et lui qui se trouvait justement avec Dieu et à l’écart, il voyait bien la source de la paix. Il pouvait nous la communiquer.
Saint Nicolas: modèle de sobriété heureuse
Enfin, je pense à un aspect de la vie de saint Nicolas, qui est particulièrement actuel, et qui correspond à ce que le pape François – dans son encyclique Laudato Si’ sur l’écologie – nous recommande en terme de: « sobriété heureuse ». Si on veut que le monde puisse survivre, dans la justice, entre nous maintenant, avec la nature, et du même coup, avec les générations futures, sachons vivre sobrement. Si l’on veut tout pour soi, cela ne va pas mener à un monde juste. Il y aura de toute manière une inégalité entre les êtres humains, et même avec l’ensemble de la Création.
Si le pape nous parle de sobriété heureuse dans une encyclique, c’est qu’il voit bien qu’il faut une motivation pour pouvoir vivre sobrement et pour pouvoir – en Suisse, c’est un peu la forme que pourrait prendre cette sobriété – renoncer à une partie de ce que l’on a, renoncer une partie de son confort – notez qu’on risque d’y être un peu obligé. Et pour cela, il faut une motivation. Et précisément, la foi donne une telle motivation.
Saint Nicolas de Flüe – de manière extrême, certes – nous montre que l’on peut renoncer à beaucoup et être encore plus heureux, au bout du compte. Nous pouvons donc, le jour de sa fête, demander son intercession pour la paix. Pour la paix dans le pays dont il est le patron, c’est-à-dire le nôtre, mais aussi bien plus largement, dans les pays ravagés par la guerre. Et qu’il nous inspire à nous aussi de savoir reconnaître le don qu’est la présence du Christ dans l’Eucharistie. Et de nous tourner vers cette présence avec reconnaissance. Amen.
Sanctoral de la Solennité de saint Nicolas de Flüe
Lectures bibliques : Sagesse 7, 27 – 8, 9 ; Psaume 89 ; Romains 14, 17-19 ; Mt 19, 27-29
Les droits de l’ensemble des contenus de ce site sont déposés à Cath-Info. Toute diffusion de texte, de son ou d’image sur quelque support que ce soit est payante. L’enregistrement dans d’autres bases de données est interdit.