Homélie du 28 décembre 2025 (Mt 2, 13-23)
Abbé Marc Donzé – Eglise Saint-Joseph, Lausanne
Dimanche de la Sainte Famille
Quand les parents de Jésus le retrouvèrent dans le Temple de Jérusalem, après trois jours de recherche, Marie eut ce mot bien compréhensible : « Ton père et moi, nous te cherchons tout angoissés ». Jésus avait alors douze ans.
« Ton père et moi »
Ce mot tout simple dit les plus belles choses sur Joseph. « Ton père et moi ». Pour Marie, Joseph est père de Jésus. Il est aussi son époux.
Puisque Jésus a été conçu par le Saint-Esprit, Joseph n’est pas le père physique de Jésus. Il ne l’est pas selon les spermatozoïdes et les chromosomes. Mais il l’est pour tout le reste, et avec une grandeur faite de silence, de respect et d’amour.
Il l’est en accueillant Marie enceinte chez lui, en ajoutant foi au mystère qui lui est révélé par l’ange.
Il l’est pendant le voyage de Nazareth à Bethléem. Et l’on peut imaginer combien de trésors de tendresse et de protection il a déployés envers Marie et l’enfant qui allait naître, pour que le voyage se passe dans la paix, la sécurité et l’harmonie, malgré les circonstances qui étaient hostiles.
Il l’est lors de la naissance de Jésus, en trouvant un lieu favorable pour que Marie puisse accoucher et en assistant son épouse de toutes les manières utiles et possibles.
Il l’est lors de la fuite en Egypte. Quel courage n’a-t-il pas fallu pour qu’il puisse protéger Marie et Jésus lors de ce long et dangereux voyage, sous la menace des persécutions d’Hérode.
Il l’est lors du retour de l’Egypte, avec le soin qu’il met pour trouver une maison dans un environnement paisible à Nazareth, afin que sa famille vive en paix.
Il l’est tout au long de la croissance de Jésus, en tout cas jusqu’à l’adolescence. Car Jésus a dû apprendre, comme tous les enfants, la manière d’être en relation avec les personnes, les coutumes religieuses de son peuple, les difficiles circonstances politiques en Israël à cette époque-là. Et le père a une grande importance pour transmettre ces connaissances et ces comportements essentiels.
Peut-être Joseph a-t-il appris à son fils son métier d’artisan en bâtiment (traduction plus juste que charpentier), pour que Jésus ait des possibilités de gagner sa vie dignement de ses mains.
Joseph, un homme plein d’amour pour Jésus et pour Marie
En tout cela, Joseph a œuvré pour que le petit Jésus grandisse dans l’harmonie, dans l’ajustement à la volonté de Dieu, dans un environnement de tendresse et d’amour. De Joseph, il est dit souvent qu’il est un homme « juste ». C’est vrai, mais ce n’est pas assez. Il faut ajouter qu’il est un homme plein d’amour pour Jésus et pour Marie. Combien d’amour n’a-t-il pas fallu pour accueillir le mystère de Marie, combien de délicatesse pour la protéger dans tous ces chemins périlleux, combien de tendresse pour vivre une vie de famille dans le bonheur des Béatitudes.
Joseph est vraiment et pleinement père dans le sens le plus noble du mot. Selon une belle expression, il exerce la « paternité de la personne » (qui est bien plus engageante que la paternité physique), en ce sens qu’il met tout en œuvre pour que son enfant grandisse, trouve son chemin et devienne une personne juste, aimante et généreuse. D’ailleurs, en Israël, la paternité de la personne est considérée comme une vraie paternité, plus importante que la paternité physique.
Joseph est vraiment époux de Marie. Parfois les peintres l’ont représenté comme un vieil homme, un peu à l’écart, rêveur et même paumé. En fait, ils ont imaginé qu’il était vieux, que les désirs charnels étaient éteints en lui et qu’ainsi il a pu respecter la virginité de Marie sans trop de tentations. Mais ce n’est pas du tout mon avis. Joseph était sûrement un homme dans la force de l’âge. Mais il était pétri d’un infini amour de Dieu et d’une immense tendresse pour Marie. Du fond de son cœur, il a su trouver la manière de vivre la tendresse avec Marie, en respectant pleinement son propos de virginité. Il y a tant de manières de vivre un couple et celle-là est aussi possible. Je ne peux pourtant pas imaginer qu’il n’y ait pas eu de beaux gestes d’affection entre Marie et Joseph. Mais il a fallu à ce dernier une intense présence à Dieu, pour que le respect gère, avec le plus d’amour possible, les soubresauts cosmiques des hormones.
« Jésus est né dans la série et hors série »
Souvent la question est posée : mais pourquoi donc Jésus n’a-t-il pas été engendré de façon habituelle ? pourquoi a-t-il fallu la conception virginale ? Il arrive assez souvent que cette question soit balayée d’un revers de main comme si c’était une bagatelle ou une fantaisie d’évangéliste. Mais c’est trop facile. Quand il y a un mystère – ou un chemin inhabituel – c’est qu’il y a un enjeu. Cet enjeu est formulé de la façon la plus précise par ce mot de Maurice Zundel : « Jésus est né dans la série et hors série ». Dans la série des générations, c’est bien évident, comme le montre la généalogie de Matthieu : Abraham engendra Isaac, Isaac engendra Jacob, Jacob engendra Juda et ses frères, etc. Et Marie, comme fille d’Israël, fait partie de cette longue histoire de descendances. Mais si Jésus n’était que dans la série des générations, qu’apporterait-il de radicalement nouveau ? Ce serait « toujours plus de la même chose », comme disent certains psychologues. Mais, par la conception de l’Esprit saint, Jésus est pour une part hors série. Il est pleinement inclus dans l’histoire de l’humanité, mais il est aussi une nouvelle « genèse », une nouvelle création de l’humanité qui prend en compte toute l’histoire et qui en même temps la renouvelle, car elle la remet dans l’harmonie de Dieu. En quelque sorte, Jésus, né hors série, offre un nouveau départ à l’humanité. Ce nouveau départ a commencé à s’accomplir il y a deux mille ans, mais hélas, il avance bien lentement, car il est offert aux hommes et aux femmes qui ne l’accueillent pas toujours, tant s’en faut.
C’est la grandeur de Joseph d’avoir accueilli cette naissance dans la série et hors série. C’était inouï et on peut bien imaginer combien il lui a fallu de confiance et d’amour pour oser ces chemins nouveaux à l’appel du Seigneur.
Dans l’Écriture, Joseph est d’une absolue discrétion. Mais si l’on réfléchit à ce qu’a pu représenter sa vie, quelle juste et humble grandeur. Puisse-t-il nous inspirer pour aller à la profondeur du mystère, tout en le vivant dans le quotidien. Amen.
Lectures bibliques : Ben Sira le Sage; 3, 2-14; Psaume 127; Colossiens 3, 12-21; Matthieu 2, 13-23
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