Homélie du 3 juillet 2022 (Lc 10, 1-12.17-20)
Abbé Vincent Lafargue – Chapelle de la Pelouse, Bex, VD
CHERS AMIS,
Ma voiture me sert à rouler, à voyager. Vous me direz que c’est fait pour cela ! Mais si je vous dis cela d’entrée de jeu, c’est parce qu’elle ne me sert pas à briller. A me faire remarquer.
A voir certains, leur voiture est quasi aussi importante qu’un de leurs enfants. Ils la soignent avec tendresse, la bichonnent, lui offrent des cadeaux… Ah c’est impressionnant !
Pour moi, non. Tant que ça roule, tout va bien.
Ma voiture ne passe donc pas tous les quinze jours au tunnel de lavage, et ce n’est qu’une fois par année que je fais l’intérieur à fond. Enfin, les années où j’y pense.
Mais l’autre soir, la clé de mon appartement est tombée et s’est glissée sous mon siège. Ça n’arrive jamais lors d’une nuit de pleine lune, ce genre de choses, vous avez remarqué ? Sinon ce ne serait pas drôle.
A la lueur de ma lampe de poche, j’ai donc cherché mes clés et j’ai même dû enlever le tapis de sol – que je n’ôte jamais ou presque. J’ai eu la surprise d’y découvrir du sable.
Du sable de l’Océan Atlantique, qui était resté là depuis l’été dernier.
En secouant le tapis à la lueur de ma lampe, je repensais à notre Evangile d’aujourd’hui. En montant dans ma voiture l’été dernier pour revenir en Suisse, je n’avais probablement pas assez secoué la poussière de mes sandales. Je n’avais d’ailleurs aucune raison de le faire puisqu’on m’accueille chaque année avec beaucoup de sympathie dans le Pays Basque de mes origines familiales. On s’y retrouve en famille et c’est l’occasion de fêter, de chanter.
J’y retrouve les sœurs carmélites de Bayonne chez qui je loge et célèbre chaque jour. Ensemble nous acclamons le Seigneur, nous le glorifions, nous écoutons sa parole. Toutes choses que nous rappelait le psaume d’aujourd’hui.
Une promesse
En regardant ce sable qui tombait du tapis, je me disais qu’il est aussi une promesse. La promesse de retrouver les miens d’ici quelques semaines. En somme, ce sable est lié à mes racines, à ma famille, comme les nombreux grains de sable correspondant à la descendance d’Abraham.
Ce sable est un peu de ma demeure ici-bas. Et en pensant à tout cela j’ai arrêté de secouer le tapis. « Il est bon qu’il y reste quelques grains de sable » me disais-je. « Cela me rappelle l’endroit d’où je viens et que je vais retrouver bientôt. »Non, vraiment, je n’avais aucune raison valable de secouer ce sable. Au contraire. En remettant le tapis de sol encore empli de grains de sable, j’éprouvai même le réconfort de savoir que j’allais bientôt revenir vers ce lieu qui m’est cher. C’est là que j’ai retrouvé mes clés. Celles de chez moi, ici en Suisse.
Joie de savoir qu’à cette heure tardive de la nuit, j’allais quand même pouvoir rentrer chez moi.
J’ai donc éteint ma lampe de poche, fermé ma voiture. Et j’ai levé les yeux. J’étais en montagne, chez moi, à Champex en Valais.
Le ciel était somptueux, piqué de milliers d’étoiles.et je me disais que ces étoiles, dont Dieu a aussi parlé à Abraham jadis, ces étoiles sont les grains de sable qui nous emmènent vers notre maison céleste, la Jérusalem d’en-haut.
Dieu nous veut libres
Là où Dieu, qui ne nous abandonne jamais, nous consolera le moment venu, comme le rappelait le prophète Isaïe dans notre première lecture. Là où il n’y aura plus ni circoncis ni incirconcis, plus aucune différence entre les hommes comme l’a si bien annoncé l’Apôtre Paul.
Dieu nous veut libres, profondément et pleinement. C’est la foi qui nous rend libres, notre deuxième lecture le rappelait admirablement. La foi de croire qu’un jour, nous rejoindrons ce ciel aux mille étoiles.
Dieu nous veut libres de le suivre ou non. Libres d’entrer dans telle ou telle ville, libres de secouer la poussière de nos pieds en repartant. Libre d’annoncer, chacun à notre manière, la Bonne Nouvelle aux gens vers qui nous sommes envoyés.
Riches des dons de l’Esprit
Avec les membres de l’Association Biblique Catholique qui s’est réunie ici, à La Pelouse, depuis une semaine, nous allons repartir dans quelques heures, riches des fruits et des dons de l’Esprit que nous avons creusés ensemble cette année. Et peut-être que certaines et certains iront plus loin que leur domicile helvétique, vers leur lieu de vacances. Peut-être que vous aussi, qui nous écoutez, vous vous apprêtez à partir ou peut-être êtes-vous même déjà en train de rouler vers vos racines ou vers des lieux inconnus.
Dieu nous envoie, sur nos routes estivales. Nous avons pris le strict nécessaire et peut-être ramènerons-nous un peu de poussière ou de sable sous nos chaussures.
Mais lorsque vous regarderez le ciel, ou que vous soyez, contemplez les lumières de la Jérusalem d’en-haut,
là où les étoiles remplacent les grains de sable, là où il n’y plus besoin d’emporter quoi que ce soit pour la route,
ni voiture ni tapis de sol, ni bourse, ni sac, ni sandale, là où il n’y a plus que des agneaux et aucun loup.
Dieu nous y accueillera. Il secouera la poussière de nos vies. Et il y aura encore plus d’étoiles dans le ciel.
D’ici-là, bon été à Chacune et Chacun !
Lectures bibliques : Isaïe 66, 10-14; Psaume 65; Galates 6, 14-18; Luc 10, 1-12.17-20
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