Homélie du 30 novembre 2014
Prédicateur : Chanoine Jean-Claude Crivelli
Date : 30 novembre 2014
Lieu : Abbaye de Saint-Maurice
Type : radio
Dans plusieurs de nos pays les conditions juridiques sont actuellement réunies pour que des personnes de même sexe puissent vivre librement leur sexualité et satisfaire et assumer un désir d’enfant. Ainsi en France voisine grâce à la Loi sur le Mariage pour Tous (2013). Il semble que cette évolution soit irréversible. En outre, avec l’apparition de nouvelles technologies – les mères porteuses et l’assistance médicale à la procréation – une nouvelle manière de faire des enfants est devenue possible. Dans l’histoire de l’humanité aucun mythe n’avait jamais imaginé des choses pareilles ! Certes tout ceci ne va pas sans poser de graves questions éthiques, sans causer certains troubles quand il s’agit par exemple des recherches en paternité.
Les anthropologues qui ont inventorié les structures de parenté dans les sociétés autres que celles de notre Occident, dans les sociétés dites « primitives », nous disent qu’un homme et une femme ne suffisent pas pour faire un enfant. Il faut l’intervention de quelqu’un d’autre. Ainsi, dans la Bible, le nom de l’enfant est-il souvent donné par une instance autre que les parents ou du moins ce nom – qui lui attribue une place dans le monde – est-il en lien avec une parole délivrée par Dieu. Ce Dieu auquel le prophète Isaïe s’adressait tout à l’heure : « Tu es Seigneur, notre Père, notre Rédempteur : tel est ton nom, depuis toujours. » Dieu exerce sa paternité sur tout être humain en le situant dans l’existence comme personne individuelle et originale et en lui donnant un rôle dans ce monde, en lui assignant une vocation. S. Augustin : « Dieu nous a donné nous-mêmes à nous-mêmes [nos ipsos nobis … dedit] tels que rien ne peut nous être préféré excepté lui-même » (1) Chacun de nous a un donateur – celui de qui, en dernier ressort, nous recevons la vie. Le donateur divin me permet d’être moi-même face à lui sans que quelqu’un d’autre intervienne entre lui et moi. Il me donne également d’être moi-même face à mes frères et à mes soeurs.
La vie de tout individu se tisse dans une relation d’alliance avec ce Père. On comprend alors que toute atteinte à la vie d’un être atteint Dieu lui-même, que toute offense commise contre un frère ou une sœur blesse la paternité de Dieu même. Mais qu’en même temps tout acte d’amour à l’endroit du frère ou de la sœur rejoint Dieu lui-même. « Pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés ». « Qui donc est Dieu, pour se lier d’amour à part égales ? » (Hymne Liturgie des Heures)
Le visage de l’autre reflète quelque chose du visage de Dieu. Visage heureux de cette joie qui survient à la faveur d’une rencontre fraternelle, d’une étreinte amoureuse ou d’un compagnonnage sur le difficile chemin de l’existence. Visage malheureux de celui que l’on a peiné, blessé, torturé, violé. La paternité de Dieu est engagée dans les relations interhumaines. « Qui donc est Dieu, si démuni, si grand, si vulnérable ? … Qui donc est Dieu qu’on peut si fort blesser en blessant l’homme ? » (Hymne Liturgie des Heures)
Mais aussi « Qui donc est Dieu pour se livrer perdant aux mains de l’homme ? … Qui donc est Dieu pour nous donner son Fils né de la femme ? » L’hymne désigne par là ce qu’être Père signifie pour Dieu et jusqu’où va sa paternité. L’incarnation du Fils atteste qu’aux yeux du Père la vie de tout être est précieuse, que tout individu reçoit une mission à accomplir au milieu de ses frères, que son passage sur terre dit quelque chose et révèle quelque chose de Dieu, même s’il s’agit d’un criminel, même si le rapport à Dieu est faussé voire totalement inversé ! Comme c’est le cas dans ces événements effrayants que sont les actes terroristes, les séquestrations d’enfants ou les crimes passionnels. La violence terroriste, perpétrée au nom de Dieu, est l’exact inverse de la justice divine. Séquestrer un enfant c’est lui faire violence et c’est dénaturer l’amour paternel de Dieu.
« Car tu nous avais caché ton visage ». « Nous étions tous semblables à des hommes souillés. » (1ère lecture)
L’évangile de ce dimanche nous exhorte à la vigilance. Sans aller jusqu’à ces manifestations qui nient sa paternité véritable, Dieu se manifeste souvent comme en creux. D’ailleurs n’était-ce pas ainsi quand il s’est manifesté en son Fils ? « Il était si défiguré qu’il ne ressemblait plus à un homme » (Is 52, 14). Frères et sœurs, que la venue de Dieu dans notre vie ne prenne pas à l’improviste quand bien même elle surprend toujours nos attentes !
(1) AUGUSTIN, La dimension de l’âme, 55, Œuvres I. Les Confessions précédées de Dialogues philosophiques, Paris, Gallimard, « La Pléiade », p. 333.»
1er dimanche de l’Avent
Lectures bibliques : Isaïe 63,16b-17.19b;64,2b-7 (Si tu déchirais les cieux) ; Psaume 79,2-3.15-16.18-19 (Dieu de l’univers, reviens) ; 1 Corinthiens 1,3-9 (Vous attendez le Seigneur) ; Marc 13,33-37 (Le maître reviendra)
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