Homélie du 31 août 2014

Prédicateur : Abbé José Fernandez
Date : 31 août 2014
Lieu : Paroisse Saint-Nicolas de Flue, Lausanne
Type : radio

Nous avons laissé, frères et sœurs, la semaine dernière, Jésus avec les Douze, dans la région de Césarée de Philippe, là où le Jourdain trouve sa source, aux confins du territoire du peuple d’Israël, donc un petit peu à l’écart. C’est là qu’il y a eu cette révélation, ce sommet dans l’Evangile qu’est cette profession de foi de l’apôtre Pierre qui, mû par l’Esprit ou par le Père, comme le lui a dit Jésus, nous dévoile alors l’identité de ce Seigneur, de cet homme, de ce Fils de l’homme qu’il accompagne jour après jour. L’identité du Christ, le Messie, le Fils du Dieu vivant.

Mais ce sommet de l’Evangile connaît, frères et sœurs, un deuxième volet et c’est celui que nous venons d’entendre car à la proclamation de Pierre, Jésus va ajouter une dimension nouvelle, une dimension difficile à entendre, à accueillir. Vous venez de l’entendre, Jésus annonce et ce n’est que la première fois, il y en aura deux autres, qu’il va connaître une destinée tragique, une fin brutale. Il est, c’est vrai, le Messie, le Fils du Dieu vivant, mais il accomplit en lui aussi cette annonce : celle d’un serviteur souffrant, Serviteur de Dieu qui portera sur lui la multitude des péchés, qui portera sur lui ce monde, marqué par la souffrance et la mort. Pierre face à cette annonce vit un véritable déchirement intérieur : « Dieu t’en garde, Seigneur, cela ne t’arrivera pas ! » On peut comprendre, chers amis, que pour Pierre cette annonce, cette brutalité de la destinée de Jésus ne colle décidément pas avec son espérance, avec celle de son temps, avec celle de son peuple, de ce Messie tant attendu, victorieux, libérateur. Ce sera l’échec apparent, ce sera lui qui portera, qui supportera les coups. Non, décidément, Pierre a bien de la peine à comprendre ce que Jésus veut lui dire. Face à ce déchirement intérieur de Pierre, il y a cette réponse tout aussi cinglante de la part de Jésus : « Passe derrière moi, Satan ! Tu es un obstacle, tu es une pierre d’achoppement sur ma route ». Pierre qui venait d’être établi comme pierre de fondation (« Tu es Pierre, sur cette pierre je bâtirai mon Eglise. »), se voit là non pas remis en cause, mais il découvre toujours sa fragilité, face à l’incompréhension du plan de Dieu.

Ce plan, chers amis, qui se dévoile dans ce que Jésus annonce : Il lui faut partir, « Il faut » : cette expression que l’on retrouve régulièrement dans la Bible, en particulier dans les Evangiles, qui est comme la mystérieuse volonté du Père qu’il faut accomplir. Si Jésus monte à Jérusalem, si Jésus va aller jusqu’au bout, jusqu’à la croix c’est dans l’obéissance, l’obéissance peut-être encore obscure mais une obéissance totale, plénière et définitive au dessein de Dieu. La Croix : nous ne pouvons pas, frères et sœurs, en faire l’économie. Jésus l’a portée, assumée et il a porté sur elle tout ce qui blesse l’homme depuis les origines jusqu’à la fin d’un monde que l’on aimerait évidemment toujours meilleur. La croix. La croix qui nous est demandée à nous aussi, frères et sœurs, de prendre si nous voulons marcher à sa suite. Jésus demande à ses disciples de renoncer à eux-mêmes, de prendre la croix, leur croix et de le suivre. Je ne pense pas qu’il s’agisse pour nous, frères et sœurs, de vivre de cette foi mortifère, de cette vie chrétienne, certes avec une dimension d’ascèse, mais non pas morbide.

Qu’est-ce que la croix ? Vous me permettrez de la définir ce matin comme le lieu où l’amour se met en peine pour l’autre. Je crois que c’est profondément ce que Jésus a vécu : il s’est mis en quatre, il a porté sur lui tout le péché du monde pour le salut des hommes, parce que c’est bel et bien cela le dessein de Dieu, ce qu’il accomplit par Jésus et en Jésus pour chacun d’entre nous, un amour qui se donne sans compter. Voilà finalement le vrai visage d’un Dieu Amour qui se donne, mais dont nous avons encore – vous et moi – bien de la peine à comprendre toute la logique. « Vos pensées ne sont pas les miennes », dit le Seigneur par la bouche du prophète Isaïe. « Mes chemins ne sont pas les vôtres ». Alors c’est vrai : lorsqu’on se retrouve vous et moi, face à l’épreuve de la souffrance, de la maladie, à tout ce qui fait mal, il y a la révolte, il y a alors peut-être aussi la confiance, mais il y a surtout cette présence. Parce que la souffrance des hommes est habitée, habitée par la présence du Seigneur Jésus. Renoncer à nous-mêmes, prendre notre croix et le suivre, c’est nous mettre exactement dans le sillage du Fils de l’homme, du Serviteur souffrant, de celui qui a accepté que tout ce qui lui était donné, Dieu en avait la maitrise souveraine. Tous les événements et y compris ceux de notre vie sont là aussi pris, portés, assumés et cela reste encore un grand mystère pour chacun d’entre nous. C’est pourquoi ce matin, saint Paul nous demande, frères et sœurs, une véritable transformation : il nous faut renouveler notre façon de penser pour savoir reconnaître quelle est la volonté de Dieu.

Le plan de Dieu c’est celle d’une nouvelle humanité, d’une humanité qui vivra de l’amour, du pardon ; dans le fond des mœurs même de Dieu. S’il y a une douleur sur la croix, celle du Christ, c’est peut-être celle d’un enfantement, d’un monde nouveau, d’un homme nouveau, appelé à vivre ce qu’il est réellement : créé à l’image et à la ressemblance de Dieu tout amour.

Alors, que le Seigneur nous donne la force de le suivre aux jours difficiles comme aux jours plus aisés. Aller à sa suite, cela coûte parfois bien cher, parce que l’amour, chers amis, quand il se donne, parfois peut nous faire souffrir, mais aimer, voilà peut-être ce qu’il y a de plus grand dans l’homme, ce qui lui donne sa plus haute dignité, surtout si cet amour il est gratuit. Alors, que le Seigneur nous en donne ce matin la force, car ce qu’il nous demande, il nous le donne aussi. Amen.»

22e dimanche du temps ordinaire

Lectures bibliques : Jérémie 20, 7-9; Psaume 62; Romains 12, 1-2; Matthieu 16, 21-27

31 août 2014 | 15:11
par Barbara Fleischmann
Temps de lecture : env. 4  min.
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