(Photo:Flickr/Thomas Bresson/CC BY 2.0)
Homélie

Homélie du 5 mai 2024 (Jn 15, 9-17)

Chanoine Alexandre Ineichen – Basilique de l’Abbaye de Saint-Maurice

« Dieu est amour » Par cette définition de Dieu, saint Jean résume toute la révélation, toute sa prédication. Cette définition est le principe de toute la réflexion sur le mystère de Dieu, de l’homme et de l’Univers. Elle en est même la source où s’abreuver.

« Dieu est amour » est le début de toute théologie, de toute spiritualité et de toute réflexion vraiment humaine. Pourtant, cette identité, que saint Jean nous rabâche à temps et à contretemps, et qui à force d’être entendue sonne creux à nos oreilles comme des sentiments convenus et à l’eau de rose. Pourtant, cette identité ne va pas de soi, vous en conviendrez. Elle renvoie, il est vrai, immédiatement à nos méditations balbutiantes où nous découvrons la possibilité d’un Dieu et la naissance de sentiments profonds et troublants que nous avons appris à appeler amour. Mais, bien vite, nous nous arrêtons, en si bon chemin. Nous renvoyons Dieu d’où il n’aurait jamais dû sortir et de l’amour nous n’en retenons que quelques affections heureuses ou malheureuses. Ainsi, avec saint Jean, j’aimerais insister sur cette définition : « Dieu est amour » et essayer, un peu, de la comprendre.

L’amour : l’aventure humaine par excellence

D’abord, nous pourrions partir de l’amour comme une expérience humaine fondamentale qui découvre ce qui est extérieur. Oui, j’aime un objet, une idée, une personne. Je découvre son existence et amène pour moi cet objet, cette idée, cette personne à avoir une place dans ma vie. Ensuite, pour que l’amour soit parfait, il y faut une réponse qui me donnera le sentiment d’exister, de vivre et d’aimer. L’objet, inanimé, et l’idée, abstraite, y répondent immédiatement. Aussi ne sont-elles qu’un bonheur fugace. En revanche, une personne, libre comme moi, ne donne sa réponse qu’après bien des tractations échouées et des conventions pleines de sous-entendus. S’il faut une réponse, nous le savons, cette réponse n’est jamais définitive. Aussi l’amour est-il un poignard que je retourne dans ma plaie, dans mon désir de bonheur. Cependant, l’amour reste l’aventure humaine par excellence, la seule qui vaille la peine de vivre, la seule qui donne à l’homme sa vraie dignité. Elle est le lieu où s’exprime notre liberté, notre élection et tous nos talents. Par ce regard porté sur l’amour, il est compréhensible de voir en l’amour, Dieu. Cette expérience humaine trouve alors sa vraie grandeur, sa vraie place. D’ailleurs, ne sommes-nous pas créés à l’image de Dieu ? L’amour que nous avons n’est-il pas cette étincelle divine en nous ? Parti de l’amour, je suis arrivé à Dieu.

Nos sentiments trouvent enfin leur place en cet absolu que nous nommons Dieu. Chemin qui semble être rectiligne, mais qui conduit bien souvent, soit à rester attaché à la seule réalité humaine, soit à tellement voir Dieu en tout que nous en perdons notre humanité. La route de l’amour à Dieu est cahoteuse.

Aussi empruntons celle qui part de Dieu et conduit à l’amour. Là, aussi, nous risquons de nous égarer. Un rien nous fait oublier la miséricorde de Dieu. La Bible n’est-elle pas pleine de ces paroles prophétiques dont nous craignons la fureur ? Dieu ne risque-t-il pas souvent de n’être qu’un joli concept pour quelque spécialiste en spéculation, en mal d’explication ? Et même, si nous lui donnons une place de choix dans nos raisonnements, bien souvent nous ne voyons pas à chaque instants un Dieu qui agit dans nos vies.

Saint Jean identifie Dieu et l’amour

Ainsi, à ce dilemme, de Dieu, ou de l’amour, saint Jean, prédicateur de l’unique Parole de Dieu, ainsi, saint Jean identifie Dieu et l’amour. Et cette identification est la seule possibilité de résoudre ce dilemme qui s’est réalisé en plénitude dans le Christ. Oui, Dieu s’est fait homme pour nous aimer jusqu’à mourir, et à mourir sur une croix. Lorsque nous disons que Dieu est amour, nous affirmons que l’amour conduit à Dieu et que Dieu se révèlent miséricordieux, c’est-à-dire que notre misère a fait tressaillir les entrailles d’un Dieu, bien peu éthéré. Ainsi, par sa définition d’un Dieu qui est amour, saint Jean et toute la prédication chrétienne veut et insiste sur l’identification entre Dieu et l’amour. Un Dieu qui ne serait pas amour, serait un Dieu lointain, vengeur, qui se désintéresserait de nous. De même, l’amour sans Dieu serait un amour impossible, un désir inassouvi, un poignard qui n’en finirai pas de nous tourmenter sans donner une solution à nos sentiments. Ainsi, si Jésus choisit du pain et du vin, pour nous donner Dieu, il veut montrer que notre vie humaine, quotidienne s’enracine en Dieu. Dieu vient jusqu’en nos réalités pour manifester sa toute-puissance.

En conclusion, à cette définition de l’amour et de Dieu ne peut répondre que le commandement nouveau de nous aimer les uns les autres comme Dieu nous a aimés.

6e Dimanche de Pâques
Lectures bibliques : Actes 10, 25-48 ; Psaume 97 ; 1 Jean 4, 7-10 ; Jean 15, 9-17

5 mai 2024 | 09:35
Temps de lecture: env. 3 min.
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