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Homélie

Homélie du 7 août 2022 (Lc 12, 32-48)

Chanoine Joseph Voutaz – Hospice du Grand-Saint-Bernard, VS

Les montagnards le savent bien : il faut adapter sa tenue à l’environnement dans lequel on évolue. Il ne s’agit pas d’aller se balader sur les glaciers en souliers vernis ou en escarpins ! Nous mêmes, qui avons marché hier jusqu’à cet hospice, nous avons dû adapter notre tenue et être prévoyants… En montagne, un coup de froid ou un orage est si vite arrivé ! On ne peut pas se lancer dans une randonnée sans un minimum de préparation…

Dans l’évangile, Jésus nous invite aussi à adapter notre tenue pour vivre un style de vie évangélique. Il s’agit de prendre une tenue particulière : la tenue de service. J’aimerais dans un premier temps m’arrêter sur ces deux mots : se vêtir et servir.

  • « Se vêtir », d’abord : C’est souvent le premier acte que nous faisons en nous levant. Se vêtir nous lance dans la journée. Et cela demande un effort. Parmi vous qui nous écoutez, il y en a peut-être qui ont le corps fatigué et qui ont besoin d’aide pour s’habiller. Dans l’évangile, le fait de revêtir un vêtement est une action hautement symbolique. Ce n’est pas seulement une histoire de cabine d’essayage ! C’est infiniment plus profond. Rappelez-vous l’épisode de l’enfant prodigue : lorsqu’il revient vers son Père, celui-ci s’empresse de lui mettre un vêtement ! Le fait de revêtir cette robe le réintègre dans l’amour du Père. Recevoir son vêtement, c’est donc être restauré dans sa dignité profonde, celle des enfants de Dieu. Le vêtement symbolise notre identité la plus profonde, qui nous permet d’être pleinement nous même, dans l’amour de Dieu.
  • « Servir », ensuite : C’est un mot qui revient souvent dans l’évangile et qui est très cher au coeur de Jésus. Quand Jésus nous invite à servir, il ne parle pas d’une activité passagère, d’un coup de main à donner occasionnellement. Il nous encourage à une attitude profonde et permanente. Pour le dire autrement : nous sommes invités à « être service » , à embrasser la joie de donner notre vie à Jésus et aux autres.

Des êtres donnés aux autres

Je reviens à cette invitation de « prendre la tenue de service ». Nous comprenons alors qu’il ne s’agit pas seulement d’être une « bonne pâte » et de donner bon gré mal gré un peu de notre temps. Jésus nous invite à épouser un nouveau style de vie où nous devenons des être donnés aux autres. Le désir de se donner vraiment (mais sans s’épuiser, bien sûr!) est un appel profond qui jaillit dans chacun de nos coeurs. Le Christ nous invite à nous détourner de nous mêmes, de nos trop grands soucis, pour nous intéresser aux autres.

Remarquons aussi que Jésus lie le service au bonheur. Servir ne doit pas être une corvée ! Le mot « heureux » apparaît deux fois dans le texte. Sur les lèvres et dans le coeur de Jésus, ce mot résonne profondément : rappelez vous l’évangile des Béatitudes ! Servir, c’est entrer dans la logique de la joie. Quand nous servons, nous empruntons la route des béatitudes et du bonheur. Nous en faisons tous l’expérience : les services que nous rendons – même les plus humbles ! – nous amènent à une joie profonde. Ainsi le Ciel se bâtit petit à petit en nous.

J’aimerais relever un deuxième aspect de cet évangile. Le service est intimement lié au fait de veiller. On nous parle de se tenir prêt, ou de garder les lampes allumées. Jésus lie souvent ces deux réalités : veiller et servir. On pourrait même dire que le fait de veiller est un service essentiel demandé par l’évangile, puisqu’il s’agit d’attendre le retour du maître.

Un ministère de veilleur

Ce ministère de veilleur, nous pouvons le comprendre en fonction du danger qu’il cherche à prévenir. Le veilleur doit éviter à tout prix de s’endormir. Il mène le combat pour rester éveillé.

Cette lutte, nous la vivons tous. Nous devons nous battre pour garder la ferveur de notre jeunesse, par exemple. Comme il serait facile de baisser les bras à certains moments de notre vie ! Il y a beaucoup d’ennemis qu’il nous faut affronter résolument : le découragement, la tiédeur, ou encore la tristesse. Parfois même sans nous rendre compte, le poison de l’amertume rentre en nous, et alors nous projetons un regard désenchanté sur le monde ou sur l’église.

Jésus veut nous préserver de cette fatigue du découragement en nous invitant à rester éveillés, debout dans la foi. Car c’est bien de confiance et de foi qu’il s’agit. Le veilleur est serein parce qu’il sait ce qu’il attend. Comme Abraham, cité en deuxième lecture, nous avançons grâce à la foi. Des combats et des tempêtes, nous en essuyons tous, mais nous ne perdons pas courage, car nous savons que Jésus nous aime et nous bénit.

C’est le maître qui met la tenue de service

J’aimerais encore relever une troisième chose dans cet évangile. Il y a dans ce texte, un tournant incroyable. A l’arrivée du maître, il se passe quelque chose d’inattendu. C’est lui même qui met la tenue de service. Ses serviteurs passent à table et deviennent ses invités qu’il bichonne !

Ce retournement est stupéfiant. Est-ce que nous réalisons bien ce qu’il veut dire ? Certes, Dieu nous invite au service, mais en définitive c’est lui qui se met en quatre pour nous servir ! Quelle visage merveilleux de Dieu, qui chasse tellement de fausses image en nous ! Dieu n’est pas un pacha qui nous soumet à une servitude tyrannique. C’est un père, un Bon Dieu qui nous donne tellement plus que nous donnons nous même !

Nous allons maintenant célébrer la messe. A chaque fois, cet évangile s’y réalise concrètement et merveilleusement. Nous vivons cette réalité de Dieu qui nous sert. Il nous invite à sa table et se donne lui même à nous. La messe de dimanche est un cadeau inouï, la lumière radieuse de notre semaine !

A ce sujet, j’ai aussi une pensée pour toi, chère auditeur/auditrice : si tu nous écoutes, c’est peut-être parce que tu es empêché(e) de participer à la messe pour une raison ou une autre. Et tu pourrais regretter de ne pas être avec nous.

Alors je te le dis très fort : nous te prenons, au profond notre coeur. Tu le sais bien, nous nous rejoignons efficacement et véritablement par la prière. Toi aussi, toi autant, Jésus t’a invité à table pour te servir et t’aimer. Ainsi tu peux, avec nous, lancer ce cri de joie : « Heureux les invités au repas du Seigneur ! » Amen.

19e dimanche du Temps ordinaire
Lectures bibliques : Sagesse 18, 6-9 ; Psaume 32 ; Hébreux 11, 1-2.8-12 ; Luc 12, 32-48

© Berna – Evangile & peinture
7 août 2022 | 09:35
Temps de lecture: env. 4 min.
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