La Sainte Trinité. Vitrail d'une église de Newcastle. | © Flickr/Lawrence OP/CC BY-NC-ND 2.0)
Homélie

Homélie du 7 juin 2020 (Jn 3, 16-18)

Chanoine Roland Jacquenoud – Abbaye de St-Maurice, VS

La Trinité est le mystère central de notre foi, nous dit le Catéchisme de l’Eglise catholique. Tout de suite on s’arrête sur le mot mystère et il nous fait peur. Comment parler d’un mystère ?
Pourtant, avant d’être un mystère indicible, la Trinité est une réalité spirituelle que chaque chrétien vit – expérimente – dans sa vie de foi. Regardez ce qui s’est passé depuis la fête de Noël. Nous avons contemplé la naissance du Fils, et nous avons su alors que Dieu est Père. Depuis, jour après jour, dimanche après dimanche, nous faisons mémoire de la vie terrestre du Fils et à travers lui, nous apprenons la force de l’amour de Dieu.

Un amour fou

Le Père nous aime au point de nous donner son Fils : c’est ce que nous disait tout à l’heure l’Evangile de saint Jean : « Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique » (Jn 3, 16). N’importe qui devrait réagir à l’écoute de cette phrase. Se donner soi-même pour sauver quelqu’un d’autre. C’est beau, c’est héroïque. Mais donner son fils, son enfant : ce n’est plus héroïque – c’est incompréhensible – c’est presque scandaleux – c’est fou. Et pourtant, c’est de cet amour fou jusqu’à l’incompréhensible que Dieu nous aime.

Victoire de la vie

Le Fils, lui, nous aime au point de se donner totalement pour nous. Le philosophe Pascal, quelque part, fait dire à Jésus : « Je pensais à toi dans mon agonie, j’ai versé telle goutte de sang pour toi ». En Jésus, c’est Dieu lui-même qui se sacrifie pour chacun de nous. Ce mystère du don d’amour jusqu’au bout se transforme en victoire de la vie : c’est ce que nous avons contemplé à Pâques.

Le Père et le Fils habitent en nous par l’Esprit

Et ensuite, en nous préparant à la Pentecôte, nous avons entendu Jésus nous promettre la venue de l’Esprit Saint Consolateur, afin que tout ce dont nous avons fait mémoire ne soit pas seulement une belle histoire, mais que cela s’incarne dans notre vie ici et maintenant. C’est par l’Esprit que le Père et le Fils habitent en nous, par l’Esprit aussi que les sacrements de l’Eglise nous rendent présent le Christ : c’est par l’Esprit, en particulier, que le pain et le vin deviennent son Corps et son Sang, présence réelle de Dieu dans l’humanité de Jésus offerte à chacun de nous.
La Trinité, avant d’être un mystère incompréhensible, nous révèle en fait l’absolue radicalité de l’amour, par lequel Dieu s’engage pour nous.

Dans le passage du livre de l’Exode, que nous avons entendu en première lecture, Dieu passait devant Moïse en proclamant son nom « Le Seigneur, le Seigneur ». En fait, le mot Seigneur, traduit ici le Nom de Dieu tel qu’il est révélé dans l’ancien Testament, que nous transcrivons souvent en Yaweh. Ce mot Yaweh est difficile à traduire. Il est en lien avec le verbe être : on le rend souvent par l’expression « Je suis ». Dieu se révèle comme celui qui est : ce qui n’est pas vraiment un nom propre. La tradition dira que c’est un nom de transcendance. D’ailleurs la tradition juive a toujours évité de le prononcer.

Un nom propre pour Dieu

Avec la naissance du Fils en notre monde, nous avons reçu en cadeau un nom propre pour nous adresser à Dieu : ce nom, c’est Jésus. Je dis bien que c’est un cadeau. Pouvoir appeler quelqu’un par son nom, c’est pouvoir nouer avec lui une vraie relation. Tant qu’on ne sait pas comment quelqu’un s’appelle, il manque quelque chose d’essentiel pour établir la relation. En Jésus, c’est Dieu lui-même qui nous dit comment l’appeler et qui nous permet d’entamer une vraie relation avec lui. En plus ce nom est si beau. Il signifie « Dieu sauve » : il nous laisse entendre que notre salut – notre vie –notre joie – sont au centre des préoccupations de Dieu. En Jésus, Dieu se fait si proche !
Et c’est Jésus qui nous apprend à nous adresser à Dieu comme à un père. « Notre Père, qui es au cieux ». Ce nom de Père peut apparaître un tantinet solennel. En principe, je ne dis pas « Père » à mon père, je lui dis papa. Et bien saint Paul, dans l’épître aux Romains, nous révèle quelque chose d’incroyable. Il nous dit : « Vous n’avez pas reçu un esprit qui fait de vous des esclaves et vous ramène à la peur ; mais vous avez reçu un Esprit qui fait de vous des fils ; et c’est en lui que nous crions « Abba ! », c’est-à-dire : Père ! » (Rm 8, 15). Ici saint Paul, alors qu’il écrit toute sa lettre en langue grecque, sent la nécessité d’utiliser le mot araméen Abba, qui est beaucoup plus intime que Père. Dans une catéchèse, le pape François propose de traduire le mot Abba par Papa, ou même petit Papa. Et c’est le Saint Esprit qui fait que nous pouvons prendre conscience de cet extraordinaire intimité établie par Dieu avec nous. Saint Paul le dit dans la suite du texte que nous venons de citer : « C’est donc l’Esprit Saint lui-même qui atteste à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu. » (Rm 8, 16).

Chers frères et sœur,
L’enseignement sur la Trinité ne nous a pas été donné afin de nous casser la tête avec des concepts théologiques incompréhensibles. L’enseignement sur la Trinité est nécessaire – vital – pour nous dire tout l’amour que Dieu a pour nous. Il est l’essence-même de la bonne nouvelle de Jésus-Christ, qui nous révèle le Père et nous envoie l’Esprit. Amen !

Fête de la Sainte Trinité
Lectures bibliques :
Exode 34, 4b-6.8-9; Cantique : Dn 3, 52, 53, 54, 55, 56; 2 Corinthiens 13, 11-13; Jean 3, 16-18

La Sainte Trinité. Vitrail d'une église de Newcastle. | © Flickr/Lawrence OP/CC BY-NC-ND 2.0)
7 juin 2020 | 09:40
Temps de lecture: env. 4 min.
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