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Homélie

Homélie du 9 juillet 2023 (Mt 11,25-30)

Père Jean-René Fracheboud – Chapelle de La Pelouse, Bex, VD

« Prendre goût à une spiritualité qui ne nous fasse pas fuir le monde mais qui nous invite à l’accueillir, à l’habiter et à l’aimer »
Voilà une affirmation fondamentale que je souhaite déployer et inscrire dans la profondeur de nos cœurs en lien avec les trois textes bibliques proposés à notre prière aujourd’hui.

Face aux multiples difficultés de notre monde, face à l’agression du mal sous toutes ses formes, la tentation est grande parfois de recourir à la religion comme un refuge et une fuite.
C’est trop dur de voir défiler sur nos écrans les corps déchiquetés des soldats en Ukraine et partout où sévit la guerre.

C’est trop dur de constater le désarroi des jeunes, des très jeunes dans les banlieues françaises qui se déchaînent, qui se retrouvent pour casser avec une violence folle et débridée, pour incendier magasins, mairies, bâtiments qui représentent la figure de l’Etat.
Quel gâchis en quelques heures, en quelques nuits.

C’est trop dur de voir ces visages de réfugiés, ces familles qui quittent leur pays, qui risquent la mort et qui vivent dans des camps de fortune dans l’attente d’un eldorado rêvé. C’est trop dur de rencontrer chez nous toute une frange de la population qui n’arrive plus à s’en sortir financièrement et qui subissent ainsi une pression et un stress intolérables.
On pourrait continuer cette liste de déboires, de lourdeurs, d’accablements qui conduisent tant de nos contemporains à la désespérance.
Grande est la tentation de fuir ce monde !

Non pas fuir le monde, mais l’accueillir, l’aimer

Or, le Christ nous propose un autre chemin.
Il nous invite envers et contre tout, non pas à fuir le monde, non pas à le maudire mais à l’accueillir, à l’habiter et à l’aimer. C’est le sens même de l’incarnation de Jésus. Il vient habiter notre terre, il vient nous rejoindre dans « notre métier de vivre ». Lui, l’éternel Amour, il prend visage d’homme. Il est avec nous, il est au milieu de nous pour éclairer le sens de notre vie et de notre histoire. Comme le dit magnifiquement Olivier Clément : « devant ce visage, il nous devient urgent de vivre. »

La page d’Evangile de ce jour en saint Matthieu est un petit chef d’œuvre qui nous donne d’entrer dans l’intimité même de Jésus… ce qu’il y a de plus profond et de plus radical en Lui et qui inspire toute sa manière de vivre.

La prière de Jésus : une louange

Les Evangiles nous disent que Jésus prend souvent du temps pour rencontrer son Père dans la prière y puisant force et audace mais on a rarement le contenu de la prière de Jésus. Ici, voici un bel échantillon de ce qui habite le cœur de Jésus :
« Père, Seigneur du ciel et la terre, je proclame ta louange : ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout-petits. Oui, Père, tu l’as voulu ainsi dans ta bienveillance. Tout m’a été remis par mon Père, personne ne connaît le Fils, sinon le Père, et personne ne connaît le Père sinon le Fils et celui à qui le Fils veut le révéler. »
La prière de Jésus est fondamentalement une louange. Il se reçoit tout entier du Père et il se donne à Lui dans la fulgurance de l’Esprit.
La vie de Jésus rend visible et accessible le brasier trinitaire de l’AMOUR qui constitue l’être même de Dieu.

L’accès à Dieu n’est pas réservé à des sages et des savants, à des privilégiés du raisonnement et de l’intelligence. Ce n’est pas une conquête, c’est l’accueil simple d’une révélation bouleversante qui suppose des cœurs ouverts, libres et disponibles, capables de faire confiance.
En Jésus-Christ, Dieu s’est vidé de sa puissance divine pour offrir à tout un chacun le grand « Je t’aime » de l’Amour infini de Dieu.
Ceux qui ont eu la chance de cotoyer Jésus sur les routes de Palestine ne se sont pas trompés. Les petits, les pauvres, les rejetés, les malades, les lépreux ont été sensibles à ce qui émanait de Jésus : un regard de tendresse qui met debout, qui ouvre un avenir. Plus rien n’est comme avant, tout s’illumine… c’est le ciel qui s’ouvre à travers les yeux et les mains de cet homme qui est le Fils bien-aimé du Père.
Toute cette révélation culminera dans le mystère pascal de la mort et de la résurrection de Jésus qui va vaincre le mal et va plier la mort à dire encore l’amour. La résurrection sera le sceau définitif de la victoire du Christ.

Nous avons dans la première lecture de Zacharie un beau descriptif de cette force royale de Jésus :
« Voici ton roi qui vient à toi, il est juste et victorieux, pauvre et monté sur un âne, un ânon, le petit d’une ânesse »
La force de Dieu, manifesté par Jésus, n’est pas une force d’écrasement de celui qui est le plus fort, mais une force d’effacement qui permet au vis-à-vis de naître et de grandir.

Il nous reste maintenant à accueillir ce formidable don de Dieu.

«  Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau et moi je vous procurerai le repos. Prenez sur vous mon joug, devenez mes disciples car je suis doux et humble de cœur. »

La nature de ce don, c’est la vie dans l’Esprit dont saint Paul est un chantre éminent. Toutes ses lettres portent l’empreinte de cette nouveauté de vie grâce à l’Esprit saint largement répandu dans nos cœurs.
Saint Paul en a fait une expérience existentielle. Dans la deuxième lecture, l’épitre aux Romains, nous lisons cette magnifique expression.
« Vous n’êtes plus sous l’emprise de la chair mais sous celle de l’Esprit, puisque l’Esprit de Dieu habite en vous !…. »

Que la rencontre avec le Christ ressuscité dans cette Eucharistie renouvelle notre foi. Qu’elle nous donne d’entrer dans la louange même de Jésus. « Père, je te bénis…. » Cette louange à accueillir, à déployer, à intensifier est un réel dynamisme d’espérance pour nos vies actuelles.
Nous n’avons pas à fuir le monde mais à l’accueillir, à l’habiter et à l’aimer comme Jésus l’a fait magistralement. Le monde si dur parfois reste à jamais l’espace où grandit le Royaume de l’amour de Dieu.
Puissions-nous en être les acteurs et les célébrants !

Amen.

14e Dimanche du Temps ordinaire
Lectures bibliques : Zacharie 9, 9-10; Psaume 144; Romains 8, 9-13; Matthieu 11, 25-30

© B. Lopez – Evangile et peinture
9 juillet 2023 | 09:35
Temps de lecture : env. 4  min.
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