La nativité, église St-Arbogast, Oberwinterthur |  © Maurice Page
Homélie

Homélie du Jour de Noël 2022 (Jn 1, 1-18)

Abbé Pascal Desthieux – Basilique Notre-Dame, Genève

Aujourd’hui la lumière a brillé sur la terre

Souvenirs d’un Noël confiné

Comment avez-vous fêté Noël il y a deux ans ? Vous souvenez-vous de ce Noël 2020, tellement compliqué ? On pouvait se réunir, mais seulement en petit comité, pas plus de six personnes, en gardant les distances et laissant les fenêtres ouvertes…
Certes, nous ne sommes pas mécontents en cette fin d’année de retrouver une certaine normalité, mais avec peut-être d’autres inconvénients de stress pour préparer ces fêtes de Noël, et peut-être que nous nous souvenons avec une certaine nostalgie de ce Noël vécu plus simplement.

Personnellement, j’ai vécu ce Noël 2020 de manière très particulière, puisque j’étais en isolement complet, avec un test positif, seul dans ma chambre, et terrassé par une lourde fatigue causée par le virus. Beaucoup d’entre vous ont fait cette expérience désagréable, et pour certain, cela a été même bien pire.
Pour moi, c’était douloureux de ne pas pouvoir célébrer les messes de Noël où j’étais attendu, ni de pouvoir participer aux petits repas familiaux. Mais ce fût aussi une expérience très forte, dans ce grand dépouillement qui me rapprochait de celui de la Sainte Famille à Bethléem, d’accueillir la présence d’un Sauveur, de pouvoir compter sur lui, de ressentir sa présence réconfortante.
Bref, je n’ai peut-être jamais vécu Noël si intensément.

C’est peut-être tout simplement cela Noël : cette lumière qui vient briller dans les ténèbres, une présence qui vient nous rejoindre particulièrement dans nos situations de pauvreté, de fragilité, de dépouillement.
C’est peut-être bien le Noël que vous passez cette année, dans une chambre d’hôpital, ou en étant assez seul.
Je vous souhaite vraiment, comme j’en ai fait particulièrement l’expérience il y a deux ans, de ressentir combien le Seigneur est là, il prend chair dans notre vie, dans notre humanité si souvent blessée, et vient apporter sa lumière qui brille en nous.

Il est né aujourd’hui ! 

Car, oui, Noël, ce n’est pas seulement une commémoration d’un événement du passé. C’est aujourd’hui que Dieu vient parmi nous.
La liturgie de Noël insiste beaucoup sur ce point.
L’antienne d’ouverture de la messe de la nuit dit : « Tous ensemble, réjouissons-nous dans le Seigneur : notre Sauveur est né sur la terre ! Aujourd’hui, pour nous, descend du ciel la paix véritable ! »
Le verset de l’alléluia de cette messe de Noël le confirme : « Aujourd’hui la lumière a brillé sur la terre. Peuples de l’univers, entrez dans la clarté de Dieu. Venez tous adorer le Seigneur ! »

Il y a 30 ans, j’ai fêté Noël à Bukavu, à l’est de ce qui était autrefois le Zaïre, aujourd’hui la République démocratique du Congo. Et je me souviens que, pendant la nuit de Noël, partout, on chantait : « Amezaliwa leo », ce qui signifie : « Il est né aujourd’hui ! »

Aujourd’hui. C’est aujourd’hui que cela se passe.
A chaque Noël, Dieu nous refait le don de son fils, réactualise sa venue en notre humanité accomplie il y a 2000 ans. C’est pour nous aujourd’hui que Dieu se donne et naît dans notre monde.
Oui, Dieu renouvelle tout particulièrement sa grâce aujourd’hui.
Pour nous, aujourd’hui, il prend notre chair et nous apporte sa lumière. J’aimerais encore développer avec vous ces deux thèmes que nous présente saint Jean dans le prologue de son Evangile.

Le Verbe s’est fait chair

« Le Verbe s’est fait chair, il a habité parmi nous ». Nous fêtons aujourd’hui un Dieu qui se fait l’un de nous, qui prend notre chair pour nous sauver, nous tendre vers Dieu, nous élever, nous diviniser.

Quand on veut soulever quelqu’un ou quelque chose, il faut nous mettre plus bas que celui ou ce que l’on veut soulever pour le prendre et l’élever. C’est bien ce que Dieu a voulu faire en se faisant l’un de nous, en se faisant petit bébé, en se faisant chair.

Le mot chair, en grec : sarx, désigne notre humanité de la manière la plus crue : ce mot signifie également la viande, notre carcasse. Dieu nous rejoint, aussi dans nos fragilités, dans nos parties les plus obscures. C’est la bonne nouvelle de Noël !

Le Verbe était la vraie lumière

« Le Verbe était la vraie lumière qui éclaire tout homme en venant dans le monde ». Comme il est bon, en fêtant Noël, d’accueillir cette lumière. Qu’elle vienne éclairer chacune et chacun de nous, et chaque partie de nous-mêmes.

Saint Jean nous dit aussi que cette lumière n’a pas été acceptée par tous : « Il est venu chez lui, et les siens ne l’ont pas reçu », « la lumière brille dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont pas arrêtée ». Le rejet de Jésus qui le conduira à la Passion jusqu’à la Croix est déjà préfiguré ici.

Cela nous guette aussi quand nous nous passons de lui, quand nous ne ressentons pas profondément le besoin d’être sauvés par lui.

En cette fin d’année difficile, nous avons besoin de cette lumière du Sauveur. Depuis le mois de février, nous sommes tellement tristes d’apprendre ce qui se passe en Ukraine, avec cette guerre qui se prolonge et son lot de destructions et de victimes. Je repense à cette femme, devant sa maison détruite, qui disait : « je ne pensais pas voir ça de mon vivant ». Aujourd’hui, nous pensons fort à nos frères et sœurs ukrainiens qui souffrent, et nous invoquons le Christ, qui est le « Prince de la paix ». Que les dirigeants se laissent inspirer par lui, pour arriver, après cette guerre forcément injuste, à une paix juste et durable.

Les conséquences de la guerre se font sentir jusque chez nous, même si nous sommes un peu plus épargnés que d’autres. À cela s’ajoute peut-être nos difficultés personnelles, de santé, des souffrances, des épreuves, des deuils.

Alors, en cette fête de Noël, célébrons la venue du Sauveur, de celui qui vient briller dans nos obscurités, qui vient nous rejoindre dans nos fragilités, aujourd’hui, maintenant.
« Aujourd’hui la lumière a brillé sur la terre. »
« Aujourd’hui, pour nous, descend du ciel la paix véritable ! »

Messe du Jour de Noël
Lectures bibliques : Isaïe 52, 7-10 ; Psaume 97 ; Hébreux 1, 1-6 ; Jean 1, 1-18

La nativité, église St-Arbogast, Oberwinterthur | © Maurice Page
25 décembre 2022 | 09:38
Temps de lecture : env. 4  min.
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