Vitrail de la Vierge de Eglise Notre-Dame-de-l'Assomption, à Saint-Martin-Vésubie, en région PACA. (Photo: Wikimedia Commons/Mossot/CC BY-SA 3.0)
Homélie

Homélie TV du 15 août 2022, Assomption (Lc 1, 39-56)

Mgr Nicola Zanini – Eglise Santa Maria Assunta, Giubiasco TI

Au cœur de l’été, lorsque, poussés par le temps libre des vacances, nous prenons à juste titre davantage soin de nous et nous nous distrayons de notre routine quotidienne de travail, avec l’Église célèbre la Pâque de Marie. Une solennité qui s’inscrit bien dans ce temps, car elle ouvre une perspective «régénératrice» pour notre parcours souvent fatiguant.

La liturgie d’aujourd’hui nous conduit puissamment à lever les yeux et l’attention vers le haut, vers les cieux éternels, où Marie est montée «en corps et en âme».
Dans la prière d’ouverture, avant d’écouter la Parole de Dieu, nous avons chanté : «Fais-nous (Seigneur) vivre dans ce monde en étant constamment orientés vers les biens éternels». C’est la première lueur qui nous est donnée en cette solennité : diriger nos pas vers un but, les biens éternels ; et désirer ce but !

La perspective du but ultime

Søren Kierkegaard, philosophe danois, profond connaisseur de l’âme humaine et honnête homme de foi, soutenait que la chose qui fait le plus défaut à notre époque est l’éternel. C’est un peu comme un bateau de croisière, explique Kierkegaard, sur lequel les passagers, ayant perdu le souvenir de leur destination, sont incapables d’entendre une autre voix que celle qui annonce continuellement le menu du jour. Il a beaucoup à dire le capitaine du navire sur les indications de la route : rien à faire, la seule chose qui intéresse les passagers, c’est la nourriture et les divertissements à bord. N’est-ce pas ce qui nous arrive à nous aussi ? Nous risquons de perdre la perspective du but ultime et de retomber dans des choix à courte vue, liés à l'»ici et maintenant».

C’est pourquoi notre chemin devient fatigant, là où le dragon rouge, qui nous est présenté dans le livre de l’Apocalypse, semble être victorieux. Aujourd’hui, en contemplant Marie montée au ciel, c’est comme si nous étions amenés au seuil de la porte de l’éternité et que nos yeux pouvaient apercevoir quelque chose de l’éternel. C’est ainsi que nous sommes aidés à ne pas perdre l’horizon du but qui se trouve devant nous, à vivre le temps qui nous est donné dans le dévouement, la confiance et l’espoir.

Nous sommes invités à ne pas perdre la beauté et le but pour lesquels nous sommes faits, afin de ne pas être capturés et emprisonnés par ce qui est éphémère. La destination vers laquelle nous cheminons, et qui nous est une fois de plus dévoilée aujourd’hui, nous donne force et espoir, car elle nous fait découvrir que rien ni personne ne peut étancher notre soif de grandeur, si ce n’est le Dieu de la vie, pour toujours.

Une fois de plus, nous dit le Magnificat, personne n’est assez petit pour ne pas être important et personne ne peut se sentir assez vil pour ne pas connaître la miséricorde et le pardon.

Mes chers amis, ne nous égarons pas ! La vie ne peut jamais être un pèlerinage sans destination ou une navigation sans port. Et soyons-en certains : aucun dragon rouge ne sera victorieux, car comme nous l’annonce Jean dans la première lecture, «le salut est accompli, la puissance et le règne de notre Dieu et la force de son Christ».

Le regard vers le haut, là où l’Assomption nous conduit, est aussi providentiellement et paradoxalement conduit vers le bas aujourd’hui. Nous sommes invités à lever notre regard vers le ciel pour goûter à l’éternité, au salut et à l’espoir, mais aussi à apprécier davantage notre vie, notre terre, un jardin créé pour nous tous. Nous nous élevons vers Dieu pour honorer l’homme et la femme, dans leur intégralité : âme et corps.

Trop souvent, nous entendons et lisons l’Évangile comme un message de salut pour l’âme, au détriment du corps. Mais il ne doit pas en être ainsi. Aujourd’hui, nous célébrons Marie, qui est maintenant au ciel, avec son âme et son corps. Tout comme chacun d’entre nous l’est maintenant: fait d’une âme et d’un corps. Et ainsi nous serons à nouveau transfigurés dans l’éternité.

La vie divine ne fait qu’un avec la vie corporelle

La préface de cette liturgie nous le suggère clairement : «aujourd’hui, la Vierge Marie, Mère de Dieu, est montée au ciel… comme prémices et image de l’Église». Soyons donc reconnaissants pour la solennité de l’Assomption ! Elle constitue, en quelque sorte, l’une des preuves les plus rassurantes de la crédibilité du christianisme et du grand mystère de l’Incarnation : la vie divine qui ne fait qu’un avec la vie corporelle.

Cela signifie que cette vie qui est la nôtre, bien que fatigante et minée par «les sept têtes du dragon rouge» de la guerre, de la faim, de la souffrance d’un proche malade ou des divisions dans la famille,… cette vie qui est la nôtre, bien que fatigante, a la possibilité d’être une vie pleinement humaine, parce que le divin brille en elle. Et le divin et l’éternel en nous est tout sauf invisible : il devient perceptible et concret dans les caractéristiques très personnelles de notre corps.

L’âme d’une personne, en effet, ne peut être vue que par ses yeux, par la façon unique dont elle bouge ses mains, par la cadence inimitable de sa voix, par la façon dont elle s’exprime avec ses lèvres. En un mot: par le corps. Oui, l’âme est «vue» par le corps.

Chacun d’entre nous a le souvenir de personnes chères, qui ont été pour nous, comme on le dit habituellement, de «belles âmes «.

Comme ce corps de Marie qui se met en route vers sa cousine Elisabeth et chante «Mon âme exalte le Seigneur». Une âme faite de la voix qui fait tressaillir Jean dans le ventre d’Elisabeth, une âme qui se concrétise dans des regards capables de miséricorde, d’humilité, de mémoire, de gratitude.

Une âme, elle aussi, transpercée par une épée, comme le rappellera le vieux Siméon à Marie : la douleur de la disparition de son Fils, la souffrance de son interrogation sur «quel sens donner» à certaines choses, ou lorsqu’elle se tient sous la Croix.

Mais la vie, âme et corps, est victorieuse, en Marie et en nous, car sur la Croix, le dernier ennemi à être anéanti a été la mort, nous répète saint Paul dans la deuxième lecture, et la résurrection de la chair, que nous professons dans la foi, jaillit du même bois de la Croix.

Le corps est vraiment un grand mystère, parce qu’il exprime l’âme: il se forme, imperceptible et mystérieux, dans le ventre de notre mère; il se développe et grandit; il fascine et attire, en devenant un corps aimant et aimé; il se réjouit mais devient aussi triste, il tombe malade puis se décompose et se consume.

Face à l’inexorable progrès du corps – qui coïncide avec notre parcours terrestre – nous resterions cyniquement découragés, si nous n’avions pas l’espérance annoncée en cette solennité: Notre belle foi qui nous assure d’un but, la vie éternelle, même avec notre corps, dans une vérité qui, pour nous aujourd’hui, est encore une espérance, mais une espérance certaine, parce qu’en Marie, montée au Ciel, sont déjà les prémices pour nous de la vie pleine et authentique, avec nous tous. L’âme, pour grandir jour après jour à travers un corps, icône de l’Évangile, comme la vie de Marie.

Assomption de la Vierge Marie
Lectures bibliques : Apocalypse 11, 19a, – 12, 1-10; Psaume 44; 1 Corinthiens 15, 20-27; Luc 1, 39-56

Vitrail de la Vierge de Eglise Notre-Dame-de-l'Assomption, à Saint-Martin-Vésubie, en région PACA.
15 août 2022 | 11:45
Temps de lecture: env. 5 min.
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