Homélie du 21 juin 2015

Prédicateur : Abbé Giovanni Fognini
Date : 21 juin 2015
Lieu : Paroisse du Saint-Esprit, HUG, Genève
Type : radio

Chères sœurs, cher frères,

Une violente tempête… des vagues … une barque qui prend l’eau …un vent menaçant … une mer déchaînée …Des images parlantes, non seulement pour les marins et les navigateurs, mais aussi pour chacun de nous. Puisque ce sont des images que nous utilisons souvent pour décrire nos situations de vies difficiles, nos épreuves lorsque un temps de maladie survient, lorsqu’une séparation casse un amour, lorsque nous perdons un être cher.

Et ces images résonnent encore plus profondément en ce dimanche des réfugiés : spontanément, j’ai revu toutes ces embarcations de fortune, gros pneumatiques ou vieux rafiots qui errent dans les eaux de la Méditerranée, avec une foule d’enfants, femmes et hommes apeurés et délaissés aux caprices de la nature et à la bonté d’autres humains.

C’est donc bien de l’humanité qu’il est question dans cette page d’évangile, d’une humanité en détresse. Avec cette question lancinante : où est Dieu ? Que fait Dieu ?

Marc ne s’y trompe pas et nous donne des images fortes. Deux m’ont particulièrement frappé :

D’abord, Jésus dort dans la barque …Ne cherchons pas trop loin le pourquoi dans un premier temps : il dort parce qu’il a prêché toute la journée et il est fatigué. Mais lorsque les éléments de la nature se déchaînent, cette explication ne tient plus la route !

Jésus dort … savez-vous que déjà dans l’Ancien Testament, d’autres textes nous parlent de Dieu qui dort. Et le psalmiste de crier haut et fort : « Réveille-toi ! Pourquoi dors-tu Seigneur ? Lève-toi ! Ne nous rejette pas pour toujours. Pourquoi détourner ta face, oublier notre malheur, notre détresse ? (Psaume 43,24-25)

Dieu qui dort … Autrement dit : Dieu absent à ce que nous vivons. Le silence de Dieu, c’est une réalité, une vérité que seul celui qui l’éprouve connaît. Dans mon métier d’aumônier, ici à l’hôpital, j’entends souvent ce cri des malades, formulé de diverses façons : « Pourquoi Dieu ne répond pas ? Pourquoi il m’abandonne ? Cela ne lui fait rien que je souffre ? Existe-t-il vraiment ? Plus crûment dit encore, lors d’un décès d’un enfant de 11 ans, son oncle m’a dit : « M. l’abbé, dans cette situation, Dieu a merdé ». Oui, il nous est difficile de rester dans la confiance et d’être ancré en Dieu durant ces moments d’épreuve. Comme les disciples qui lancent ce cri à Jésus : « Cela ne te fait rien que nous périssions ?

J’ai lu à ce propos, un commentaire qui m’a parlé. L’auteur disait ceci : « Jésus dort, parce que d’abord il a confiance en son Père. Il sait qu’il n’abandonne jamais sa créature ». Et il ajoutait quelque chose auquel je n’avais jamais pensé : « Jésus dort, car il fait confiance à ses disciples. Les spécialistes de la mer, du bateau, des vents et de la tempête, ce sont eux, les anciens pêcheurs appelés au bord du lac ». Une façon tout à fait originale de nous redire que l’épreuve existera toujours, mais que nous avons la confiance de Jésus pour la traverser, les uns avec les autres. A creuser !

La deuxième image qui m’a parlé, c’est l’attitude de Jésus face au vent et à la mer. « Silence. Tais-toi ». Les mêmes mots que Jésus utilise pour délivrer un homme possédé.

Notre monde scientifique n’est pas près de croire en cette puissance divine qui mâte les éléments de la nature. Ici aussi, j’ai relu divers textes, déjà dans l’Ancien testament, qui évoquent ce combat de Dieu avec la mer, la tempête.

« C’est toi, Dieu, qui maîtrise l’orgueil de la mer ; quand ses flots se soulèvent, c’est toi qui les apaises » dit le psalmiste (Psaume 88,10). Avec cette intuition intéressante, reprise ici par Jésus : il rappelle à la mer, aux flots, ainsi qu’aux épreuves qui assaillent ses disciples, que Dieu leur impose une limite. Ils ne sont pas tout-puissants.

Job, dans la première lecture, le rappelait déjà : « (Dieu dit à la mer), je lui imposais ma limite. … Tu viendras jusqu’ici ! Tu n’iras pas plus loin ; ici s’arrêtera l’orgueil de tes flots »

Bien sûr, vous et moi, nous aimerions bien que Dieu supprime toutes ces limites. Qu’il n’y ait plus dans notre nature, des blessures, de la souffrance ou la mort. Mais voilà, vous le savez comme moi, la vie n’est pas ainsi faite. Même Jésus, le premier, a éprouvé ces limites, la détresse, la souffrance jusqu’à ce moment crucial de sa mort. Jusqu’à, comme vous, comme moi, dire à son Père : « Si ce calice, si cette épreuve, pouvait passer loin de moi, en quelque sorte, cela m’arrangerait !

 

Lorsque Jésus aura lui-même traversé l’épreuve de la croix et de la mort, alors. les premiers chrétiens proclameront, de mille et une façons, que Dieu est plus fort que la souffrance, le mal et même la mort. C’est le message de Pâques : l’amour est plus fort que la mort. Seul l’Amour de Dieu n’a pas de limites.

Les disciples, dans l’évangile de ce jour, font une certaine expérience : ils voient le pouvoir de Dieu à l’œuvre en Jésus : ils l’éprouvent, ils le ressentent, le palpent, le constatent jusqu’à dire : « Le vent tomba, il se fit un grand calme ». Cela fait du bien !

Ouf … tout est en ordre, tout va bien ! Eh bien non… Marc n’est pas dupe et il met dans la bouche de Jésus un final déboussolant. Une interpellation dure de la part de Jésus aux siens : « Pourquoi êtes-vous si craintifs ? N’avez-vous pas encore la foi ? »

Autrement dit : même devant ce miracle, de cette tempête apaisée, les disciples ne font pas totalement confiance ! N’est-ce pas aussi nos résistances à nous qui sont là, dans cette attitude. Difficile aussi pour nous d’adhérer à lui et de lui faire confiance, surtout lorsque le chemin passe par la croix !

Comment progresser alors au cœur de nos épreuves ? 3 courtes propositions, en collant à l’évangile d’aujourd’hui :

– « prendre Jésus avec nous » (seule fois dans l’évangile, où les disciples prennent Jésus avec eux, d’habitude c’est le contraire, c’est Jésus qui prend ses disciples avec lui !). Cela nous appartient. C’est notre liberté et notre responsabilité de prendre Jésus avec nous

– quelles que soient les épreuves, Jésus EST dans la barque de notre vie, il est avec nous, pas au-dessus ou ailleurs. Nous l’oublions si facilement, pour nous braquer surtout sur ce qui ne va pas

– « n’avez-vous pas encore la foi ? » Non pas un jugement de la part de Jésus, mais une remarque justifiée, car trop souvent encore, nous avons une foi intellectuelle … sans assez de lien avec le concret de notre vie, de notre corps, de notre réalité. Que notre relation au Christ soit vraiment enracinée au cœur de la vie et des épreuves et non seulement dans nos têtes !

En conclusion, les paroles d’un chant : « Puisqu’il est avec nous, dans nos jours de faiblesse, n’espérons pas tenir debout, sans l’appeler… Ouvrons les yeux, cherchons sa trace et son visage, découvrons-le qui est caché au coeur du monde comme un feu ! Amen»

12e dimanche du temps ordinaire

Lectures bibliques : Job 38, 1.8-11; Psaume 106; 2 Co 5, 14-17; Marc 4, 35-41

21 juin 2015 | 14:25
par Barbara Fleischmann
Temps de lecture : env. 5  min.
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