Le pape a rencontré 500 pauvres à Assise, la ville d'où est originaire saint François | © Keystone/AP Photo/Riccardo De Luca
Vatican

À Assise, les larmes des pauvres sont des larmes de joie

Le pape François s’est rendu à Assise pour rencontrer 500 pauvres dans la ville de saint François. «Nous étions avec lui et il était là pour nous», racontent-ils à I.MEDIA, à l’issue d’une matinée chargée en émotion. 

Hugues Lefèvre, I.MEDIA

«Des pauvres, vous en aurez toujours avec vous, et, quand vous le voulez, vous pouvez leur faire du bien». Dans la grande basilique Santa Maria degli Angeli, la lecture lente et calme du texte de l’Évangile de saint Marc par une jeune bénévole française de »La maison des plus petits» serre le cœur de bon nombre. Juste derrière elle, une petite enfant lourdement handicapée dont on voit la main chercher celle de la lectrice, son accompagnatrice. Une caméra filme en gros plan ces deux mains qui se caressent et qu’on voit apparaître sur les écrans installés dans la basilique. À côté se trouve un pape François recueilli.

Des larmes de joie. Il y en a beaucoup ce matin à Assise, à l’occasion de la venue du pape François, en amont de la Journée mondiale des pauvres célébrée le 14 novembre. De toute l’Europe ils sont arrivés dans la ville du Poverello. Certains ont passé 24 heures dans leur bus… Mais tout le monde garde le sourire. Pas question de se plaindre lorsqu’on a rendez-vous avec le pape.

Ambiance dans la cité franciscaine

À 7h, ce matin, ils sont déjà là, sur le parvis de la grande basilique, formant une haie d’honneur. En attendant le pape – qui n’arrivera que vers 9h30 -, l’ambiance est à la fête. Des Espagnols chantent. Des enfants en fauteuil roulant s’amusent. Des «Fratelli” – nom donné par l’association Fratello aux personnes vulnérables – patientent dans la fraîcheur matinale de la ville d’Ombrie.

Une rencontre intimiste

Le pape arrive enfin et l’atmosphère se réchauffe. Lentement, il remonte la longue allée faite de «Fratelli», les saluant abondamment, les écoutant, bénissant le doudou de Tristan, un enfant handicapé. «C’est une ambiance très étonnante, presqu’intimiste», murmure Alix Montagne, co-fondatrice de l’association Fratello, émue de voir le pape des pauvres retrouver les pauvres à Assise. 

Puis le pontife argentin se dirige vers le cœur de la basilique qui abrite la Portioncule, cette petite chapelle que saint François d’Assise avait restaurée et où il accueillait les pauvres. Là, des personnes vulnérables ou en mission auprès des pauvres viennent témoigner de leurs expériences, faisant encore couler des larmes.

Des témoignages poignants

C’est le cas lorsqu’une Italienne d’origine roumaine raconte son calvaire après la mort de son mari et la venue d’une maladie qui l’a condamnée à vivre dans un fauteuil. C’est encore le cas en entendant le témoignage d’une jeune afghane qui raconte que si son corps est en Italie, son âme est resté dans un pays aujourd’hui aux mains des Talibans. 

Dans sa réponse, le pape François remercie le courage et la sincérité de ces témoins. «Toutes vos souffrances ne vous ont pas empêché de regarder avec des yeux pleins de gratitude les petites choses qui vous ont permis de tenir», relève-t-il. 

«Je n’ai pas compris ce que le pape nous a raconté car tout était en italien !», concède André, quinquagénaire qui a vécu huit ans dans la rue. «Mais ce n’est pas grave… Ce n’est pas l’essentiel. Moi j’ai senti une vive émotion. Nous étions avec lui et il était là pour nous. Je le sais. Je le sens. J’ai été visité par le Seigneur. Cela ne s’explique pas vraiment», confie l’homme au parcours «cabossé». La main d’André serre très fort une petite croix qui vaut «tout l’or du monde». «C’est la croix que j’ai reçue le 17 octobre dernier, le jour où j’ai fait officiellement mon entrée dans l’Église, mon chemin vers le baptême».

Michel, Louis, Véronique, Dalhia, Aloïs et Gabriel, elles et ils font partie du groupe de Français et de Suisses venus prier avec le pape François. 

Michel: «Ce n’est pas une fête de bourgeois ici !»

Michel est venu à Assise pour rencontrer le pape François | © Hugues Lefèvre/I.MEDIA

À 45 ans, Michel reconnaît avoir eu une vie compliquée. Schizophrène pris en charge par l’hôpital, il a été durant 35 ans toxicomane. «Je suis abstinent désormais». Il y a quelques mois, l’homme a vécu une expérience toute simple qui l’a fait rencontrer l’association Magdalena [une association qui aide les personnes qui vivent dans la rue et les prostituées]. «J’étais dans un supermarché et j’ai proposé à une jeune femme de l’aider à porter ses sacs. Elle était bénévole dans cette association et m’a proposé de venir».

Se faisant, Michel a découvert une fraternité et redécouvert la foi. «J’étais baptisé mais pas forcément pratiquant. Quand ça arrive à 44 ans, ça fait bizarre», confie-t-il, heureux d’avoir rejoint, avec le groupe de Marseille, la ville d’Assise pour rencontrer le pape. «J’ai beaucoup de respect pour saint François qui aurait pu vivre dans la bourgeoisie mais qui a tout plaqué. Ici, ce qui est beau, c’est que ce n’est pas une fête de bourgeois».

Son mot au pape François: «Priez pour apaiser les âmes de ceux qui souffrent».

Louis: «Je viens pour réveiller ma dernière rencontre avec le pape»

Louis fait partie du groupe Fratello à Assise | © Hugues Lefèvre/I.MEDIA

Ancien sans-abri à Paris, Louis s’est mis à voyager avec Fratello. Il faut dire que sa rencontre en 2016 avec le pape François via l’association a marqué un tournant dans sa vie. «Je viens pour réveiller l’événement que j’ai vécu», explique l’homme de 54 ans. «En fait, après cette rencontre, j’ai retrouvé un travail. Je suis chauffeur».

Son mot au pape François: «Je lui demanderai la bénédiction pour tous les êtres humains».

Véronique et Dalhia: «C’est une grande aventure !»

Véronique se réjouit de son voyage à Assise | © Hugues Lefèvre/I.MEDIA

Assise aux cotés de Jean, Dalhia et Michelle, Véronique raconte tout sourire les 24 heures de car que son groupe, l’Association pour l’amitié, venu de Paris, a dû endurer pour venir à la rencontre du pape François. «Nous sommes déjà venus le voir avec Fratello. À chaque fois c’est une grande aventure», explique-t-elle. Pour elle, il s’agit d’une occasion de retrouvailles avec Dieu. «Il nous a bien dit que lorsqu’on est deux ou trois à prier il est au milieu de nous… Avec Fratello, c’est la communion, on en a les larmes aux yeux». Dalhia rebondit : «C’est la simplicité du Seigneur. Nous sommes ses petits et on veut que la lumière vienne refléter notre âme».

Son mot au pape François: «J’ai une lettre des sœurs missionnaires de la charité de Mère Teresa à lui transmette. Et moi ? Un sourire… mes prières et sa bénédiction»

Aloïs: «Une lumière après une année difficile»

Aloïs est arrivé de Suisse pour rencontrer le pape François | © Hugues Lefèvre/I.MEDIA

Aloïs est Suisse et est venu avec un groupe des cantons de Vaud et de Neuchâtel. Parmi eux, des personnes dans la précarité, fragiles psychologiquement, seules, ou bien sortant de prison. «J’ai contracté dans ma jeunesse une grave maladie en mangeant des fraises des bois, l’echinococcose, comme une jaunisse», raconte l’homme de 65 ans, résidant à Leysin. «Ils m’ont enlevé la moitié du foie», poursuit-il, confiant avoir fait une rechute récemment. Veuf depuis 2008, il vient de traverser une nouvelle épreuve en février dernier avec la mort de son père. «Venir ici est lumière après une année difficile. Avec la foi, avec Fratello, un chemin s’ouvre. Cela fait longtemps que j’attends ce moment».

Son mot au pape François: «Qu’il prie pour les pauvres, ceux qui n’arrivent pas à se relever, ceux qui sont à l’hôpital et dans la peine».

Gabriel: «Merci cher pape François d’être notre Fratello!»

Gabriel a pu s’adresser au pape devant la foule réunie à Assise | © Vatican media

Gabriel Barbier, membre français de Fratello, a eu la joie d’adresser publiquement son message au pape François. «Merci cher pape François d’être notre ami, notre Fratello!» a souligné ce Parisien, membre de l’APA  l’Association pour l’amitié. 

«Je suis un combatif, et si comme la plupart d’entre nous j’ai connu le désespoir et l’abandon de ce monde, devenu de plus en plus impitoyable, ma traversée du désert a été pour moi l’occasion de m’apercevoir, après d’un coup bien sûr, de l’amour de Dieu !» «Je pense que c’est dans des situations de grand précarité et d’abandon que le Seigneur nous appelle à une grande joie pour ceux qui savent l’entendre, le chercher. Car il disait : «cherchez moi de tout votre cœur et je me laisserais trouver». »J’ai eu un immense désir de me faire baptiser à 60 ans, moi qui venais d’une famille athée, et Jésus m’a transformé au point de désirer la sainteté.

Pape François: «Il est temps que les pauvres aient à nouveau leur mot à dire«

Pour le pape François, les pauvres ont leur mot à dire | Vatican Media

«Il est temps que les pauvres aient à nouveau leur mot à dire, car pendant trop longtemps, leurs demandes sont restées lettre morte», a demandé le pape François.

«Il est temps de retrousser nos manches pour restaurer la dignité en créant des emplois. Il est temps d’être à nouveau choqué par la réalité des enfants affamés, réduits en esclavage, naufragés, victimes innocentes de toutes sortes de violences. Il est temps que la violence à l’égard des femmes cesse (…). Il est temps de briser le cercle de l’indifférence et de découvrir à nouveau la beauté de la rencontre et du dialogue.»

«Parfois, on entend dire que ce sont les pauvres qui sont responsables de la pauvreté», s’est indigné le pape avant de dénoncer «l’injustice de certaines lois et mesures économiques et l’hypocrisie de ceux qui veulent s’enrichir démesurément».

«La première marginalisation dont souffrent les pauvres est d’ordre spirituel». »Accueillir signifie ouvrir notre porte, la porte de notre maison et la porte de notre cœur, et permettre à ceux qui frappent d’entrer».

Son mot aux pauvres: «Toutes vos souffrances ne vous ont pas empêché de regarder avec des yeux pleins de gratitude les petites choses qui vous ont permis de tenir.» (cath.ch/imedia/hl/mp)

Le pape a rencontré 500 pauvres à Assise, la ville d'où est originaire saint François | © Keystone/AP Photo/Riccardo De Luca
12 novembre 2021 | 17:40
par I.MEDIA
Temps de lecture: env. 7 min.
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