Signe de la présence de L'Eglise à la COP30, les franciscains, ici Sr Andrea et Fr. João Gutemberg Coelho, ont participé à la marche du climat, le 15 novembre | © Jean-Claude Gerez
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À la COP 30, l’Église mobilisée pour défendre la «Maison Commune»

Encore imprégnée par le Synode sur l’Amazonie d’octobre 2019 convoqué par le pape Français et dix après l’encyclique Laudato si’, l’Église catholique marque de sa présence la 30e Conférence pour le Climat (COP30) qui se tient à Belém, au Brésil, du 10 au 21 novembre 2025.

Jean-Claude Gerez, à Belém, pour cath.ch

À force de reprendre en cœur les différents slogans scandés par la foule, la voix est un peu cassée. Mais l’enthousiasme est bien présent. Au milieu des quelques 70’000 personnes venues du monde entier pour participer à la Marche pour le Climat de Belém, le 15 novembre dernier, frère João Gutemberg Coelho, secrétaire exécutif du Réseau Ecclésial Pan-Amazonien (REPA), a le sourire.

«Six ans après le Synode pour l’Amazonie – lorsque le pape François a convoqué la forêt au centre de la réflexion de l’Église universelle – c’est maintenant le monde qui vient en Amazonie pour la COP30! C’est un mouvement symbolique, car autrefois l’Amazonie était à Rome. Aujourd’hui, ce sont les Nations Unies qui viennent ici», se réjouit le responsable de cette organisation de l’Église catholique dédiée à la promotion des droits et de la dignité des peuples de l’Amazonie et à la protection de l’environnement dans la région. «C’est un retour qui reconnecte les peuples du monde pour défendre l’équilibre climatique de la planète. Et la présence de l’Église à Belém révèle ce que le Pape Léon XIV a récemment rappelé aux Mouvements populaires: la nécessité d’être aux côtés des pauvres et des rejetés. L’Église réaffirme donc que sa place est auprès de ceux qui souffrent, là où la vie réclame justice et la création réclame des soins».

La COP30 se tient aux portes de l’Amazonie. L’Église catholique, en particulier celle du continent latino-américain, y participe activement avec une programmation propre et un fort accent mis sur l’écologie intégrale et la justice climatique. «La Conférence nationale des évêques du Brésil (CNBB) et le Conseil épiscopal latino-américain et caribéen (CELAM) sont unis pour apporter une contribution sur le soin de la ›maison commune’», a expliqué le Cardinal Jaime Spengler, président de la CNBB et du Celam. «Cette mobilisation a amené l’Église à organiser un Symposium international réunissant des responsables ecclésiaux de différentes régions du monde pour réfléchir sur la crise environnementale et le besoin d’une conversion intérieure». 

Outre la présence d’une délégation officielle du Vatican – dirigée par le cardinal Parolin – les Cardinaux du Sud Global (Amérique latine, Afrique, Asie et Océanie) ont également apporté leur contribution aux débats officiels en présentant aux négociateurs un document rejetant des solutions telles que le «capitalisme vert» et demandant à ce que «le soin de la vie soit au centre des décisions».

«Laudato si’ conserve tout son sens»

Parallèlement aux débats officiels, le Sommet des Peuples pour la Justice Climatique s’est tenu du 12 au 16 novembre sur le campus de l’Université fédérale du Para (UFPA), au sud de la ville. Volontiers qualifié par ses organisateurs de «contre COP 30», ce sommet a réuni des centaines d’organisations de la société civile venues du monde entier, en majorité cependant d’Amérique latine pour des raisons de logistique et de coût. «De l’apartheid hydrique à la défense du bien commun», «Territoires en résistance: le droit à la consultation et au consentement contre le marché climatique et les fausses solutions», «Peuples autochtones isolés, territoire et changement climatique», etc… Durant cinq jours, des dizaines de tables rondes, débats et ateliers ont permis aux participants – bravant la chaleur humide implacable dans des locaux pas toujours climatisés – d’écouter, échanger et témoigner sur leurs réalités respectives.

Marche pour la justice climatique | © Jean-Claude Gerez

Parmi tous ces ateliers, Amin Matias Vasquez, coordinateur du Centre Montalvo en République Dominicaine, a été particulièrement intéressé par celui intitulé «L’Église et l’avenir du climat: réparations, jubilé et dialogue mondial». Cette organisation sociale jésuite travaille en effet sur les droits environnementaux et humains dans un pays situé sur l’île d’Hispaniola, partagée avec Haïti, guère épargnée par les problèmes environnementaux et climatiques. 

«Le pays compte plus de 120 sites miniers actifs, dont la quatrième mine d’or la plus importante du monde, explique Amin Matias. Résultat, les cours d’eau sont contaminés par les rejets toxiques comme le cyanure et impacte les écosystèmes de la région, y compris en Haïti». À cela, il faut ajouter la déforestation sauvage qui a entraîné la disparition de plus de 3 millions d’arbres en 25 ans. «En l’absence de couvert forestier, les ouragans – à l’image de Melissa qui a été ressenti en République Dominicaine avant d’aller détruire la Jamaïque –  font de plus en plus de dégâts», souligne ce trentenaire.

Au-delà du partage d’expériences venues d’autres régions du monde, le représentant du Centro Montalvo en est intimement persuadé: dix ans après sa publication, le message du pape François, à travers l’encyclique Laudato si’, renforcé en 2023 par Laudato Deum, conserve tout son sens. «Il n’y a pas de crise sociale et environnementale séparées, mais bien une crise socio-environnementale complexe, où pauvreté et dégradation de la planète sont liées. Car ce sont clairement les plus pauvres qui souffrent le plus du dérèglement climatique. Et ce, quelle que soit la région du monde».

«Il n’y a pas de crise sociale et environnementale séparées, mais bien une crise socio-environnementale complexe, où pauvreté et dégradation de la planète sont liées.»
– Amin Matias Vasquez

Religion et démocratie directe

Le point de vue est partagé par le frère Rodrigo Pereira, représentant au Brésil du «Mouvement Églises et Mines» («Movimiento Iglesias y Minería»), un réseau œcuménique regroupant des institutions ecclésiales, des communautés religieuses, des agents pastoraux et des organisations de la société civile dans une grande partie de l’Amérique latine. Entre deux tables rondes, le franciscain se pose quelques minutes au bord de la rivière Guama, qui borde le campus universitaire et procure, à l’ombre d’un Jequitibà, une brise bienvenue.

«L’extraction minière en Amérique latine a un impact négatif sur le climat, rappelle ce franciscain d’une soixantaine d’années. Principalement à travers les émissions de gaz à effet de serre liées à la consommation d’énergie fossile et de la déforestation pour l’exploitation». Pour le religieux, il faut se concentrer sur la notion de «transition» climatique. Mais pas n’importe comment. «L’idée n’est pas de transiter à l’intérieur du système économique tel qu’il existe aujourd’hui. Nous voulons une transformation systémique, sociale et écologique. Le défi est énorme parce qu’il touche aux valeurs».

«Nous voulons une transformation systémique, sociale et écologique. Le défi est énorme parce qu’il touche aux valeurs».
–Frère Rodrigo Pereira

Marcher ensemble, «un geste de synodalité»

Pour y parvenir, le religieux plaide notamment pour continuer le rapprochement avec le reste de la société civile. «Nous ne pouvons pas oublier que la question environnementale, climatique et sociale dépend de la démocratie directe, de la large participation de tous les mouvements sociaux, de tous les segments qui croient en des changements profonds dans l’humanité, en des changements civilisationnels».

D’où l’importance pour l’Église de participer au Sommet des peuples pour la Justice Climatique et à la Marche du 15 novembre. «Nous sommes entourés de gens qui portent l’amour pour l’intégrité de la création. C’est pourquoi marcher ensemble est un geste de synodalité. Même avec des motivations différentes, nous convergeons dans le souci du bien commun». Avec le sentiment, pour le frère João Gutemberg Coelho que la religion a un grand pouvoir pour faire bouger les gens. «Elle touche les affections, elle touche les sentiments, elle touche la vision du monde. Nous devons donc amener les gens engagés dans l’Église à se mobiliser encore davantage. Il nous faut promouvoir une religion qui se connecte avec le Dieu de la vie, pas le Dieu du pouvoir». (cath.ch/jcg/bh)

Signe de la présence de L'Eglise à la COP30, les franciscains, ici Sr Andrea et Fr. João Gutemberg Coelho, ont participé à la marche du climat, le 15 novembre | © Jean-Claude Gerez
18 novembre 2025 | 17:00
par Jean-Claude Gérez
Temps de lecture : env. 5  min.
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