Lourdes, Paray-le-Monial, Einsiedeln ou Taizé sont connus de chacun. Il est d’autres lieux, en Suisse romande, où les chercheurs de sens peuvent vivre des jours de silence, de paix et de contemplation. Paul Jubin nous emmène au bord du Lac de Neuchâtel, à Grandchamp.

A la découverte des lieux de prière et de ressourcement en Suisse romande (XIX)

La communauté de Grandchamp: un soleil d’espérance

Grandchamp ? C’est un hameau en pleins champs, au bord du lac de Neuchâtel, non loin de l’aérodrome de Colombier. Le printemps y pique une multitude de fleurs. C’est là que quelques réformées mariées de Suisse romande (les Dames de Morges), se retrouvaient, vers les années 1930, pour des retraites spirituelles. Dès 1936, Marguerite de Beaumont, de Genève, commença à y assurer une permanence de prière avec Marthe Bossert. Dès 1944, l’initiatrice des retraites, Geneviève Micheli, assuma la tâche de mère de la communauté naissante. En 1952, les premières soeurs s’engagèrent pour la vie, en prononçant les voeux de pauvreté, chasteté et obéissance. Elles adoptèrent la règle et l’office de Taizé, fidèles au courant monastique issu de la Réforme. Elles revêtirent une robe et un voile bleus.

Aujourd’hui, la communauté compte une soixantaine de soeurs, dont une majorité de Suissesses, les autres représentant différents pays d’Europe, d’Asie et d’Afrique. Environ 40 se trouvent à Grandchamp et une dizaine de soeurs gèrent une maison de retraites spirituelles à Gelterkinden (BL) ; d’autres soeurs assurent une présence de prière et d’amitié en Israël, en Algérie et aux Pays-Bas.

Dès 6 heures, les soeurs méditent l’Evangile. Au cours de la journée, elles se rassemblent pour les offices du matin, de midi, du soir et les complies, dans un séchoir pour les «indiennes», transformé en chapelle. Des fissures ont été créées dans les parois, et la lumière chante à travers les verres colorés qui y ont été placés. L’atmosphère vivifie la paix intérieure et la contemplation. Les soeurs vivent et travaillent dans le silence, excepté pour les échanges quotidiens indispensables au bon fonctionnement de la communauté. Ce silence s’avère source de rencontre avec celui qui est Amour. Des pasteur(e)s romands célèbrent l’eucharistie au moins deux fois par semaine, le jeudi soir et le dimanche soir.

Des hôtes individuels ou en groupes (paroissiaux ou autres) se joignent aux soeurs tout au long de l’année, même pour les repas pris en silence. Pour ces retraitants, 30 chambres individuelles sont à disposition. Ils peuvent bénéficier d’un accompagnement individualisé par une soeur. «Grandchamp n’est pas une station de vacances, précisent soeurs Pascale et Elisabeth. C’est un lieu où nous accueillons les hôtes tels qu’ils sont, pour qu’ils se retrouvent en profondeur, grâce au silence et à la solitude. Un lieu où les souffrances intimes peuvent être éclairées et partagées. Un lieu surtout, où la prière est privilégiée.» La présence de catholiques parmi les hôtes n’est pas négligeable à Grandchamp, où l’esprit oecuménique anime toute la communauté. Les retraites qui y sont organisées rassemblent souvent des chrétiens de diverses confessions.

Grandchamp ne vit pas sur une autre planète. Durant le repas de midi, une soeur communique les informations majeures de la presse quotidienne. Matin et soir, la demande d’intercession est centrée sur les événements de l’Eglise et du monde. Une fois par mois, une journée de jeûne et de prière, et tous les lundis soirs une demi-heure de prière sont consacrées aux cris, aux attentes, aux espoirs du monde. Grandchamp est un endroit où grâce au silence, à la prière, au pardon et au partage, des temps nouveaux bourgeonnent. Il invite «à lâcher l’esprit de possession pour aller vers l’être profond, à libérer de la dictature de l’avoir et de la consommation du tout, affirme soeur Pierrette, la prieure. Dieu dit oui sur ce monde qu’il aime, il dit oui sur nous. Il multiplie les semences d’espérance.»

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