Un migrant dans le camp de Karatepe, sur l'île de Lesbos, lors de la visite du pape François le 5 décembre 2021 | © Keystone/Alessandra Tarantino
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«A Lesbos, on est prisonniers. J'espère que le pape pourra nous aider»

Le pape François est arrivé sur l’île de Lesbos pour y rencontrer des réfugiés, dimanche 5 décembre 2021. Sur place, I.MEDIA a récolté le témoignage d’André, catholique camerounais qui se dit «prisonnier» à Lesbos depuis trois ans, ses demandes d’asile ayant été déboutées.

«Je m’appelle André, j’ai 42 ans et je suis Camerounnais. J’ai été marié mais mon épouse est décédée lors d’une attaque au Cameroun. J’ai été obligé de laisser mes trois enfants. Cela fait quatre ans que je suis parti.

À l’heure où je vous parle, je ne sais pas où ils sont, et ce depuis un an et demi. L’aîné a 14 ans, la deuxième a dix ans et le dernier a 8 ans. Je suis parti car je n’avais pas le choix, il fallait que je protège ma vie et celle de ma famille. En restant avec eux je les mettais en danger. Malheureusement je n’ai pas eu le temps de m’organiser pour partir. J’ai dû prendre la voie la plus facile, celle de la Turquie. Mais là-bas, j’ai eu beaucoup de problèmes, c’était très difficile.

Je me suis dit qu’en Europe je pourrais avoir la protection. Parce que c’était cela mon but: sortir du pays et faire ensuite venir mes enfants avec moi.

Mais depuis trois ans, je suis ici, sans protection. J’ai été rejeté quatre fois. La dernière fois, c’était il y a un an et trois mois. On me dit: «Attends, attends, attends». Mais je ne sais pas jusqu’à quand!

Un homme a besoin d’être libre

J’habite ici, dans ce nouveau camp. C’est mieux que le camp de Moria [camp à Lesbos qui a accueilli simultanément jusqu’à 20’000 personnes et qui a brûlé en 2020, ndlr] où je suis passé, c’est évident. La sécurité est présente ici. À Moria, il y avait des morts tous les jours. Vous ne pouviez pas marcher avec votre téléphone, sinon on vous l’arrachait. Ici, c’est plus sécurisé.

Mais ce n’est pas ce dont on a besoin. Un homme a besoin d’être libre, de travailler, de s’exprimer. Ok, peut-être qu’on ne remplit pas les conditions pour avoir l’asile. Mais pourquoi nous garder pendant deux ans, trois ans, quatre ans? Autant nous libérer!

Avec l’arrivée du pape, j’ai espoir – pas d’un coup de baguette magique naturellement – qu’il puisse dialoguer avec les autorités grecques ou l’Union européenne; qu’il trouve une solution pour rendre un peu plus flexibles les demandes d’asile. Sinon, qu’il fasse en sorte de libérer au moins ceux qui ne peuvent pas recevoir cet asile. Les laisser passer et ne pas les garder comme des prisonniers pendant trois, quatre ou cinq ans.

«Aujourd’hui, je vis comme un gamin qu’on nourrit…»

Tout petit, quand j’avais cinq ans, Jean Paul II est venu au Cameroun. Là, c’était un rêve de voir un pape de si près. Cela me donne de l’espoir. Je crois que demain quelque chose pourra changer.

Mon rêve aujourd’hui? C’est de revoir mes enfants, prendre soin de moi et d’eux, sans dépendre des autres. Car aujourd’hui, je vis comme un gamin qu’on nourrit… Au Cameroun, j’ai travaillé pendant dix ans sur les chantiers navals. Ici, je suis venu m’enfermer dans une prison.» Propos recueillis à Lesbos par Anna Kurian (cath.ch/i.media/ak/cmc)

Un migrant dans le camp de Karatepe, sur l'île de Lesbos, lors de la visite du pape François le 5 décembre 2021 | © Keystone/Alessandra Tarantino
5 décembre 2021 | 13:41
par I.MEDIA
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