La cité de Vérone accueille le pape François le 18 mai 2024 | © IK's World Trip/Flickr/CC BY 2.0
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À Vérone, le pape poursuivra son plaidoyer pour la paix

Le pape François se rend ce samedi 18 mai 2024 à Vérone, en Vénétie, trois semaines après sa visite à la Biennale de Venise. Si la raison officielle de cette visite est le 1650e anniversaire de la mort de saint Zénon, patron de la ville, le principal temps fort sera sa participation au rassemblement pour la paix, organisé dans les célèbres Arènes locales.

Au programme également de cette dense journée dans cette place forte du catholicisme italien: une rencontre avec le clergé local, un salut aux jeunes et aux enfants, un déjeuner en prison et une messe au stade Bentegodi. Retour sur les spécificités de cette visite.

La promotion de la paix et le soutien aux prisonniers, deux priorités du pape François

Le principal événement de la journée du pape François sera la rencontre Arena di Pace – Giustizia e Pace si baceranno (Arène de paix – Justice et Paix s’embrasseront). Environ 10’000 personnes devraient participer à ce rassemblement, organisé dans le cadre prestigieux des Arènes de Vérone. Plusieurs personnalités –  l’activiste ougandaise Vanessa Nakate, la journaliste afghane Mahbouba Seraj, l’économiste brésilien Joao Pedro Stedile, le réalisateur britannique Ken Loach et le fondateur de la Communauté de Sant’Egidio Andrea Riccardi – devraient poser des questions au pape François, qui ne prononcera pas de discours écrit mais répondra aux questions spontanément.

Plusieurs animations musicales sont prévues, ainsi qu’une double liaison vidéo avec Israël et la Cisjordanie, afin d’encourager la paix en Terre sainte.

Cette rencontre, organisée depuis 1986, rassemble des mouvements italiens mobilisés pour la promotion de la paix et de la justice sociale. Cette édition 2024 a été préparée avec cinq ateliers thématiques organisés depuis le mois de mars: Migrations, Écologie intégrale et styles de vie, Travail, Droit et démocratie, Désarmement. Ces thèmes rejoignent les grandes priorités du pontife argentin, qui ne cesse de dénoncer la prolifération des armes et la montée des populismes.

Un autre thème cher au pape François a également été inscrit à l’agenda de cette dense journée. Le pontife visitera la prison de Montorio à 11h45 pour y saluer le personnel pénitentiaire, les volontaires et les détenus, avec lesquels il déjeunera. Il s’agit de sa 15e visite dans une prison depuis le début de son pontificat. Le pape François a montré à de nombreuses reprises son attention aux prisonniers, lors des messes du Jeudi Saint et lors de ses voyages à l’étranger, mais aussi en Italie, comme le 28 avril dernier à Venise où il avait commencé sa journée par une rencontre avec des femmes détenues.

Un voyage pour appuyer l’évêque local?

La journée du pape François commencera toutefois à 8h30 par une rencontre avec les prêtres et religieux en la basilique Saint-Zénon, avant un salut aux jeunes rassemblés sur le parvis. La visite du pape sera également marquée par une messe célébrée à 15h au stade Bentegodi, qui compte près de 40’000 places et accueille habituellement les matches de l’Hellas Verona, club de Série A, et du Chievo Verona, club de Série B. Il ne sera pas le premier pape à le visiter puisque Jean Paul II y avait également célébré une messe en 1988, procédant à la béatification de deux religieux locaux.

Cette visite du pape peut être interprétée comme un appui personnel de François à l’égard de Mgr Domenico Pompili, évêque de Vérone depuis 2022. Mgr Pompili, 61 ans, fut responsable de la communication de la conférence épiscopale italienne sous la présidence du cardinal Angelo Bagnasco, avant de devenir évêque de Rieti de 2015 à 2022.

Décrit par les spécialistes de l’Église italienne comme un ‘bon soldat’ d’une loyauté indéfectible à l’égard du pape François, Mgr Pompili fait partie des évêques italiens susceptibles d’intégrer un jour le Sacré-Collège, voire de revenir à Rome – sa ville natale – comme vicaire général du diocèse, un poste vacant depuis l’éviction du cardinal De Donatis le 6 avril dernier.

En moins de deux ans d’épiscopat à Vérone, Mgr Pompili a drastiquement restructuré ce diocèse après avoir succédé à Mgr Giuseppe Zenti, un prélat proche de la Lega, le parti populiste de droite de Matteo Salvini. La ville de Vérone avait été administrée par ce parti de 2007 à 2017, une période correspondant à la première décennie d’épiscopat de cet évêque qui avait donné aux agents pastoraux du diocèse des consignes de vote en faveur de la droite populiste lors des élections, au point d’entrer publiquement en conflit avec son propre porte-parole.

Le diocèse de Vérone, une place forte du catholicisme

Les statistiques du diocèse de Vérone montrent une remarquable stabilité des effectifs du clergé local, avec un total d’environ 900 prêtres selon l’édition 2024 de l’Annuaire pontifical, soit presque autant qu’en 1950. Le diocèse compte par ailleurs environ 1500 religieuses, pour une population totale d’environ 940’000 habitants, dont 90% sont recensés comme catholiques. Vérone demeure donc une place forte du catholicisme dans une Italie du Nord où, inversement, certains diocèses affrontent une sérieuse crise des vocations depuis plusieurs décennies.

Le dernier pape à avoir été accueilli à Vérone fut Benoît XVI, venu en 2006 à l’occasion du Congrès national de l’Église italienne. Jean Paul II était pour sa part venu en visite pastorale en 1988. La précédente visite papale remontait alors à plus de deux siècles en arrière, avec la visite de Pie VI en 1782.

L’histoire du lien entre la papauté et Vérone compte également deux épisodes beaucoup plus anciens, avec la figure du pape Lucius III (1181-1185), qui avait établi à Vérone le siège provisoire de la papauté et qui est enterré dans la cathédrale de la ville, et celle de Léon Ier le Grand, qui vint en 452 y rencontrer Attila, le chef des Huns, et parvint à le dissuader d’envahir Rome.

Vérone, un diocèse prestigieux mais non cardinalice

Le diocèse de Vérone étant suffragant de celui de Venise, il n’est traditionnellement pas un siège cardinalice. Le dernier évêque de Vérone en poste à avoir été créé cardinal fut Bartolomeo Bacieri, évêque de la ville de 1900 à 1923, intégré au sein du Sacré-Collège par Léon XIII en 1901. Son successeur, qui a traversé toute la période fasciste et l’après-guerre, de 1923 à 1954, n’a pour sa part pas été élevé à la pourpre… malgré un nom prédestiné: Girolamo Cardinale.

Deux de ses successeurs sont devenus cardinaux après avoir quitté Vérone: Giovanni Urbani, devenu patriarche de Venise en 1958, et Attilio Nicora, qui s’était retiré de sa charge épiscopale en 1997 mais fut ensuite appelé par Jean Paul II au Vatican pour devenir président de l’Administration du Patrimoine du Siège apostolique (APSA) en 2002 et cardinal en 2003. Par ailleurs l’actuel nonce apostolique en Syrie, le cardinal Mario Zenari, fut prêtre du diocèse de Vérone de 1970 à 1999.

À noter aussi que Vérone fut aussi en 1885 la ville natale du théologien Romano Guardini, une figure importante dans la formation intellectuelle de Joseph Ratzinger comme pour celle de Jorge Mario Bergoglio. Le jésuite argentin avait commencé en 1986 en Allemagne une thèse sur le thème du dépassement de la polarisation dans la perspective de Guardini, avant de renoncer à cette reprise d’études et de revenir en Argentine, à l’aube de la cinquantaine.

Mais malgré son nom et ses origines, Romano Guardini se rattache plus à la sphère allemande qu’à la sphère italienne. Né dans une Vérone alors rattachée depuis moins de 20 ans au Royaume d’Italie après une longue période autrichienne, Romano Guardini a émigré en Allemagne avec sa famille peu après sa naissance, et c’est donc outre-Rhin qu’il a vécu et enseigné, jusqu’à son décès en 1968.

Les voyages du primat d’Italie dans la Péninsule

Malgré ses difficultés de mobilité, le pape François, qui avait effectué plusieurs déplacements internationaux en 2023, mais aucune visite en Italie hors de Rome, a repris en 2024 un rythme intense de déplacements dans la Péninsule, renouant ainsi avec sa fonction de primat d’Italie. Il s’est rendu le 28 avril à Venise, se rendra le 7 juillet à Trieste, et devrait entre-temps participer au sommet du G7 à Bari, dans les Pouilles, à la mi-juin. Toutefois, sa participation, annoncée par la présidente du Conseil italien Giorgia Meloni, n’a pas encore été formellement confirmée par le Saint-Siège.

Ce déplacement du 18 mai à Vérone constituera la 38e visite pastorale du pape François en Italie. A titre de comparaison, en prenant en compte les papes non-italiens, Jean Paul II s’était déplacé en Italie à 146 reprises, soit une moyenne de 5,5 déplacements par an en 26 ans de pontificat, et Benoît XVI avait effectué 29 déplacements, soit une moyenne de 3,6 en près de huit ans de pontificat. Avec 38 déplacements en 11 ans de pontificat, le pape François se situe à une moyenne comparable de 3,5 visites par an dans la Péninsule.

Toutefois, cette statistique n’inclut pas quelques visites à caractère privé, comme son déplacement controversé du 28 juillet 2014 à Caserte pour y saluer une communauté évangélique dirigée par un pasteur argentin dont il était proche, ou sa visite du 9 août 2016 à Rieti, qui était alors le diocèse de Mgr Pompili, l’actuel évêque de Vérone. (cath.ch/imedia/cv/rz)

La cité de Vérone accueille le pape François le 18 mai 2024 | © IK's World Trip/Flickr/CC BY 2.0
17 mai 2024 | 10:53
par I.MEDIA
Temps de lecture : env. 6  min.
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