L'historienne Stéphanie Roulin voudrait savoir quels ont été les effets sur les témoins du rapport sur les abus à l'Abbaye de St-Maurice | © Bernard Hallet
Suisse

Abus à St-Maurice: quels effets du rapport sur les témoins?

Deux chercheuses de l’Université de Fribourg ayant participé à la rédaction du rapport sur les abus à l’Abbaye de St-Maurice (VS) souhaitent lancer une étude complémentaire pour analyser les répercussions de la publication sur les témoins. La publication du rapport a eu pour conséquence inattendue d’encourager des victimes d’autres institutions ecclésiales à se signaler, relève le Sapec pour cath.ch.

Quel est le retentissement du rapport, sur les victimes, sur l’institution, sur le public…? Des questions que se posent l’historienne Stéphanie Roulin et la sociologue Lorraine Odier, de l’Université de Fribourg. Toutes deux ont participé à l’étude historique qui a scruté les mécanismes des abus au sein de l’Abbaye de St-Maurice, de 1960 à 2024. Le rapport qui en a résulté, rendu public le 20 juin 2025 à Fribourg, a été largement médiatisé. Le Groupe de travail, sous la direction du Procureur de Neuchâtel Pierre Aubert, a identifié 67 situations d’abus ayant touché au moins 68 personnes attribuées à 30 hommes adultes résidents ou incardinés à l’Abbaye de St-Maurice. Le rapport a mis en avant un certain nombre des mécanismes défaillants au sein de l’institution qui ont permis à ces agissements de se produire ou de rester dans l’ombre.

Le souci de la «victimisation secondaire»

Stéphanie Roulin et Lorraine Odier racontent, dans la Tribune de Genève du 25 août 2025, quelles ont été les réactions du public envers le rapport, entre soulagement, questionnement et incompréhensions.

Elles s’interrogent également sur le phénomène de «victimisation secondaire», un préjudice émotionnel ou psychologique additionnel pour la victime, lorsque son histoire ressurgit de façon publique. «Il serait important pour tout chercheur de prendre la mesure de ce phénomène dans son propre domaine, relève Lorraine Odier. Nous avons une responsabilité par rapport aux éléments que nous choisissons de mettre publiquement en évidence.»

Pour approfondir la question, les deux chercheuses souhaitent lancer une deuxième étude, avec la collaboration de l’historienne Anne-Françoise Praz, qui a elle aussi collaboré au «Rapport Aubert». «Nous aimerions savoir ce que les personnes qui ont accepté de nous parler pensent du rapport, précise Stéphanie Roulin. Sont-elles satisfaites? Que disent-elles des réactions de l’abbaye et, au final, est-ce que tout cela a contribué à leur processus de réparation?» Les deux spécialistes sont à la recherche de financement auprès de l’Université de Fribourg et de deux fondations privées pour lancer leur projet.

Le rapport a donné confiance à des victimes

Le Groupe Sapec (Soutien aux personnes abusées dans une relation d’autorité religieuse), qui a contribué à l’étude historique, reçoit favorablement le projet des chercheuses. «Nous manquons encore de données sur la réception et les répercussions des rapports d’abus sur les personnes. Il est toujours intéressant d’avoir une vision plus claire à ce sujet», assure à cath.ch Gabriella Loser Friedli, porte-parole du Sapec.

Un rapport de qualité et respectueux

Contrairement à ce qui a été le cas pour le projet pilote de l’Université de Zurich, rendu public en septembre 2023, le rapport sur St-Maurice n’a pas donné lieu à de nouveaux signalements d’abus (auprès du Sapec) dans le cadre de l’Abbaye. La médiatisation du rapport a par contre eu des effets notables d’encouragement. Notamment sur une dizaine de personnes avec lesquelles le Sapec est déjà en contact (pour des affaires concernant d’autres institutions que l’Abbaye de St-Maurice) et qui jusqu’ici faisaient peu confiance aux dispositifs en place.

«Il était difficile, explique en effet Gabriella Loser Friedli, de les motiver à s’adresser à des instances comme la LAVI (centre de consultation pour les victimes d’infraction), la CECAR (Commission Écoute-Conciliation-Arbitrage-Réparation), la police ou un bureau d’enquête mandaté. Le Rapport Aubert leur a donné la confiance nécessaire pour entreprendre des démarches en ce sens.» La qualité du travail et son approche respectueuse des victimes les a convaincues de franchir le pas.

Ces personnes sont en outre en train de s’organiser entre elles. «C’est une nouveauté pour le Sapec, nous n’avons encore jamais eu affaire à un groupe organisé. C’est quelque chose qui pourra certainement nous apporter maints enseignements», note la porte-parole. (cath.ch/tdg/arch/rz)

L'historienne Stéphanie Roulin voudrait savoir quels ont été les effets sur les témoins du rapport sur les abus à l'Abbaye de St-Maurice | © Bernard Hallet
25 août 2025 | 16:30
par Raphaël Zbinden
Temps de lecture : env. 3  min.
Abbaye de St Maurice (59), Abus sexuels (1347), CECAR (25), SAPEC (40)
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