Acquittement du prédicateur accusé d’être responsable de la mort d'une malade
Le prédicateur laïc indien poursuivi à Genève pour meurtre par dol éventuel d’une malade du diabète, voire homicide par négligence, a été acquitté le 20 mai 2025 après 422 jours de détention provisoire. Pour le Tribunal correctionnel, la défunte est responsable de l’arrêt de son traitement qui a conduit à sa mort.
L’accusé, un prédicateur laïc indien de 59 ans, fondateur à Bangalore de Jesus Christ is Lord Ministries (JCILM), avait donné en été 2023 une retraite spirituelle et de guérison à la paroisse de Notre-Dame de Genève, avec l’accord de l’évêché. Comme l’a précisé Le Temps, Frère Jonhson parcourait le monde pour y enseigner la Bible. Il a expliqué à la Cour s’être tourné vers la religion catholique à l’âge de 23 ans, suite à une profonde dépression, et avoir suivi par la suite une formation en théologie. Autorisé à prêcher dans un diocèse indien, sous supervision d’un religieux, il exerçait aussi ses talents à Dubaï.
Décès d’une retraitante malade du diabète
Parmi les retraitants à Genève se trouvait une septuagénaire malade du diabète. Peu à près sa rencontre avec le prédicateur, celle-ci a cessé de se médicamenter et est décédée dans la nuit du 7 au 8 août 2023 des suites d’une décompensation diabétique.
Suite à l’enquête qui s’en est suivie, le prédicateur a été arrêté à l’aéroport de Bruxelles en 2024 et extradé en Suisse. Il était accusé d’avoir incité la retraitée à cesser toute médicamentation en l’affirmant physiquement guérie. Le prévenu a passé 14 mois en prison préventive.
Aucun rapport de causalité n’a été prouvé
Lors de son jugement, qui a eu lieu le 20 mai 2025, le Ministère public a requis contre Frère Johnson une peine de prison de 7 ans et demi, mais les juges du Tribunal correctionnel de Genève ne l’ont pas suivi. Les juges ont indiqué n’avoir rien trouvé de solide pour se forger une conviction, ni pour éventuellement construire une infraction de meurtre ou d’homicide par négligence. Ils ont estimé qu’il n’y avait donc pas de rapport de causalité entre le comportement de l’homme de foi et la mort de la septuagénaire.
Celle-ci, une «fervente catholique», «très croyante» voire «extrémiste», était une femme de «grande naïveté» et «de caractère» qui ne supportait pas la contradiction, a souligné la Cour. La défunte poursuivait depuis 2019 un traitement contraignant contre le diabète. Le fait qu’elle ait plusieurs fois cru à sa guérison miraculeuse avant la retraite spirituelle a également fait pencher la balance.
Pour la Cour, la retraité était «obnubilée par l’envie de croire et l’irrationnel en matière de santé». Elle avait ainsi incité sa sœur à voir un exorciste pour régler ses problèmes psychiques, a-t-elle rappelé. La Cour a encore relevé que ni l’époux ni la fille de la défunte n’ont porté plainte.
«C’était sa décision à elle.»
Les juges ont donc retenu que Frère Johnson est avant tout un prédicateur et non un guérisseur. Si la vidéo tournée lors de la retraite genevoise montre qu’il a bien eu une séance de guérison, rien n’indique toutefois que le prédicateur se soit prononcé contre la médecine. Ce que le prévenu a dit et ce que la malade a entendu, compris ou encore déduit ne sont que de l’ordre des suppositions, a retenu la Cour. Le prévenu, très affaibli, a clamé pour sa part son innocence, affirmant n’avoir jamais dit à la malade dit d’arrêter quoi que ce soit comme médicament. «C’était sa décision à elle.»
Acquitté sur toute la ligne, le prédicateur va recevoir 42’000 francs pour réparation du tort moral. L’État doit aussi prendre en charge les frais de procédure de plus de 60’000 francs. Submergé par l’émotion, Frère Johnson a béni les juges genevois. «Thank you. Thank you. Thank you», leur a-t-il lancé. (cath.ch/Le Temps/Tribune de Genève/LB)