Synode pour l’Océanie : Entretien avec Mgr George Pell, archevêque de Melbourne
Actualité: A l’issue du Synode des évêques pour l’Océanie, l’agence missionnaire romaine Fides a rencontré Mgr George Pell. L’archevêque de Melbourne, en Australie, dresse un premier bilan de cette rencontre.
Annoncer le Christ est l’urgence la plus grande
Rome 13 décembre 1998 (APIC) «Nous sommes appelés à être le sel de la terre, et non pas le sucre ou un adoucissant artificiel. Nous avons pour tâche de comprendre plus à fond l’enseignement du Christ, non pas de le réduire ou de ’l’améliorer’ selon notre bon plaisir.» Au sortir du Synode des évêques pour l’Océanie, Mgr George Pell, archevêque de Melbourne, en Australie, est convaincu du défi missionnaire qui s’offre à lui. Il faut présenter avec vigueur la personne de Jésus-Christ, son enseignement et ses sacrements. En Lui, se trouve la réponse à tout ce que cherchent les hommes.
Pour Mgr Pell et pour les évêques australiens passer trois semaines à Rome autour du pape et avec les autres évêques a été une expérience magnifique. Pouvoir rencontrer les responsables de la Curie romaine a été également très important. «Nous avons eu de bonnes discussions sur les défis fondamentaux que nous devons affronter : le problème central de la foi; l’augmentation du nombre des non-croyants (2 ou 3%; il y a quarante ans, 18 à 19% aujourd’hui) ; plusieurs questions sur la liturgie, sur les séminaires etc. Cela a été important parce que nous avons découvert le visage humain de la Curie», explique Mgr Pell.
Ce Synode a été difficile, pourquoi ?
Mgr George Pell: Le Synode a été difficile sous trois aspects : avant tout, les situations sont extrêmement différentes. Il y a des vicaires apostoliques avec quelques centaines de fidèles seulement, perdus sur une petite île dans le Pacifique ; il y a la Papouasie, avec les chrétiens de la côte, des montagnes, des îles ; l’Australie avec une géographie démesurée, des déserts et de grandes villes.
En deuxième lieu, ce Synode était composé de nombreux pasteurs et de peu de théologiens. La carence de théologiens est chronique en Océanie. Enfin il y a une caractéristique historique. L’histoire de l’Océanie est liée à de grandes conversions. Aujourd’hui encore, des gens se convertissent par centaines chaque année et entrent dans l’Eglise. Il a toujours été évident que l’Eglise avait quelque chose d’unique et de précieux à offrir, dans la personne et la vie de Jésus-Christ. Ces derniers temps, cette conviction s’est un peu éteinte : on constate une certaine désorientation, un manque de confiance. Dans les paroisses, la vie chrétienne est encore très forte, mais la proposition de la foi aux jeunes est devenue un défi formidable.
Le Synode a parlé des abus sexuels et du problème du célibat. Certains disent, avec ironie, qu’il s’agit de la contribution du Synode de l’Océanie à l’Eglise universelle…
G.P.: Cette image est davantage due aux médias qui ont gonflé cet aspect qu’aux travaux du Synode. Au sujet des abus sexuels, je pense que le pire est passé, parce que l’Eglise agit avec une grande précision. Sur les questions du célibat, les propositions ne contiennent pas de demande d’ordonner des hommes mariés. Il y a en revanche la demande de voir comment permettre à des gens qui vivent dans des situations de manque de prêtres de participer le plus possible à l’Eucharistie.
Personnellement, je pense que notre témoignage dans le monde occidental s’affaiblirait terriblement si nous abandonnions l’obligation du célibat pour les prêtres. Comme l’a déclaré le Cardinal Ratzinger pendant une session, nous sommes appelés à être le sel de la terre, et non pas le sucre ou un adoucissant artificiel. Nous avons pour tâche de comprendre plus à fond l’enseignement du Christ, non pas de le réduire ou de «l’améliorer» selon notre bon plaisir.
Le Synode ne semble pas avoir exprimé une grande estime envers le travail des laïcs dans l’Eglise?
G.P.: Ce Synode s’est peut-être trop penché sur les problèmes internes de l’Eglise et moins sur les problèmes missionnaires. Les Pères du Synode étaient préoccupés par les problèmes pastoraux liés au sacerdoce, au risque même d’être presque entièrement absorbés par eux. Dans les propositions, dont une seule concerne les laïcs, on note peut-être un certain déséquilibre. Cela me semble dû surtout aux théologiens qui ont résumé les travaux plus qu’à une dépréciation des laïcs. Au contraire, de nombreux discours au Synode apportaient le soutien à la mission des laïcs. En Australie, les laïcs sont très présents : écoles, universités, bureaux diocésains sont entièrement confiés aux laïcs. Le risque existe en revanche que le prêtre «se laïcise» sans découvrir sa contribution spécifique. Mais c’est un problème que l’on rencontre dans tout l’Occident.
Une autre question a occupé le Synode : le lien entre Ministère de Pierre et les Conférences épiscopales…
G.P. : Nous avons partout en Océanie, une grande estime pour la papauté. Naturellement, chez les évêques, il y a une gamme de positions. Certains cherchent plus d’indépendance vis-à-vis de Rome. Je trouve que nous avons plus à gagner en étant unis à Rome et à l’Eglise universelle, qu’en étant pour notre propre compte. Il est toujours utile de comparer les manières de voir locales avec les manières de voir internationales ou universelles. Un exemple : vu le manque de théologiens et d’experts en Océanie, nous aurions été incapables de rédiger quelque chose comme le Catéchisme de l’Eglise Catholique. Autre problème, celui des traductions en anglais des livres sacrés. Certains demandent d’utiliser plus un langage de vulgarisation, d’autres, un langage qui inclue des termes féminins etc. Je crois qu’une traduction soignée doit être fidèle au contenu originel, tout en expliquant le contexte, et en le rendant proche de la mentalité d’aujourd’hui.
Quelle influence a eu sur le Synode la Conférence des évêques d’Australie ?
G.P.: Il y avait 39 évêques australiens sur un total de 105 ; mais je ne pense pas qu’ils aient monopolisé l’assemblée. Les préoccupations du Synode n’ont pas été seulement australiennes. La question des catéchistes n’est pas une question strictement australienne, tout comme celle de l’inculturation.
Précisément, l’insistance sur l’inculturation de l’Evangile au sein des populations du Pacifique a été très forte.
G.P.: En Océanie, l’inculturation est un processus d’une difficulté extrême. Nous avons 700 langues et de nombreux dialectes. Chaque îlot du Pacifique a sa langue; les Aborigènes, en Australie, ont des langues qui sont parlées parfois par quelques centaines de personnes. Mais la mentalité à évangéliser en premier lieu n’est pas celle des myriades de cultures indigènes, mais la mentalité anglo-saxonne occidentale, sécularisée, véhiculée par les médias. C’est la force la plus puissante, qui nuit aux structures et au christianisme. Il est cependant inutile de la présenter sous des traits «diaboliques». Il faut apprendre à se servir des moyens de communication sociale pour évangéliser, pour parler aux non-chrétiens ou aux post-chrétiens.
On se préoccupe beaucoup des cultures locales, mais presque pas de ce grand défi. En Australie, par exemple, les enfants passent plus de temps devant la télévision qu’à l’école. Nous pouvons bien enseigner à l’école, mais ensuite, chez lui, l’enfant est soumis à un tout autre type d’enseignement et sur un temps plus long ! C’est un problème lié à la faiblesse des familles. En Australie, le divorce touche 9% des familles, 7% des catholiques ; pour ce qui concerne ces derniers, 30% seulement sont pratiquants. Il y a une corrélation claire ente la pratique de la foi et l’unité de la famille.
Que vous a apporté personnellement le Synode ?
G.P.: Il m’a rendu plus conscient de ce qu’était le défi missionnaire le plus radical : il faut présenter avec vigueur la personne de Jésus-Christ, son enseignement et ses sacrements. En Lui, il y a vraiment la réponse à tous ce que cherchent les hommes. Et notre tâche est d’être le sel de notre société. De nombreux jeunes en Australie, un peu comme partout, cherchent un idéal dans la drogue ou dans la promiscuité. Mais s’il y a une proposition chrétienne claire, cette recherche elle aussi arrive à la foi. Chez les néo-catéchuménaux de mon diocèse, dans les communautés des Focolari ou de Renouveau charismatique, il y a de nombreux membres nouveaux qui viennent des milieux marginaux ou de la drogue. (apic/fides/mp)