Embarras à propos d’un document qui devait rester confidentiel

Affaire des abus sexuels de prêtres et de missionnaires: les réactions sont nombreuses

Rome, 25 mars 2001 (APIC) Les explications apportées le 30 mars par Joaquin Navarro-Valls sur l’affaire des abus sexuels de prêtres ont relancé le débat sur la question. L’auteur du rapport, la Supérieure générale des «Sœurs Blanches», s’étonne de la reprise de son texte par le «National catholic reporter», qui devait demeurer confidentiel. Quant aux supérieures générales et supérieurs généraux à Rome, ils rappellent «la fidélité, souvent héroïque, de la majorité des religieux», et expliquent que cette affaire est venue au jour suite à d’indiscrétions journalistiques’.

Les Soeurs missionnaires de Notre Dame d’Afrique, également connues sous l’appellation Soeurs Blanches, ont publié la semaine dernière un communiqué pour fournir des explications au sujet de l’affaire des abus sexuels commis sur des religieuses, dénoncée par l’hebdomadaire «National catholic reporter». La Supérieure générale, Soeur Marie McDonald, auteur du rapport dont des extraits ont été publiés, précise que ni elle ni d’autres religieuses n’ont concédé d’interviews au magazine américain. Elle souligne que l’argument faisait texte rédigé comme support technique à des réunions tenues à huis clos entre représentants des congrégations masculines et féminines (Usg et Uisg).

La mise au point de la Supérieure générale intervient après la déclaration du porte-parole du Saint-Siège, le 20 mars. «Le problème était déjà connu, et il est restreint à une aire géographique délimitée», commentait en effet Joaquin Navarro-Valls sur l’affaire des abus sexuels de prêtres, relancée le même jour par le quotidien italien «La Repubblica».

Le journal italien donnait des cas précis venant surtout d’Afrique, mais aussi du monde entier. Ces cas ont été révélés dans les archives de la Congrégation vaticane pour la vie consacrée qui montrent que des plaintes avaient été déposées dans les années 90 par des religieuses ayant subi des abus sexuels de la part de prêtres.

C’est suite à un article publié par l’hebdomadaire américain «National Catholic Reporter» dans son édition du 16 mars 2001 que le porte-parole du Saint-Siège a été amené à préciser qu’une enquête avait été menée par la Congrégation pour les Instituts de vie religieuse et les Sociétés de vie apostolique à propos de cas d’abus sexuels dont ont été victimes des religieuses.

Interrogations

Dans leur communiqué, rédigé en français et intitulé «A qui de droit», les Sœurs Missionnaires de Notre-Dame d’Afrique (Soeurs Blanches) affirment en outre qu’aucune sœur de la congrégation n’a donné des documents ou fourni des informations de quelque nature que ce soit au «National Catholic Reporter».

Le document écrit par Soeur Marie McDonald a été préparé «en collaboration étroite avec des Congrégations religieuses et avec les Conférences nationales des religieuses en Afrique, pour des réunions à huis clos entre les membres de la Congrégation pour les Instituts de vie consacrée et les Sociétés de vie apostolique et les supérieurs majeurs de congrégations masculines et féminines», peut-on lire dans le communiqué de Sœur McDonald. Lors de ces réunions, précise-t-elle, qui avaient pour but de «réfléchir sur différents aspects et problèmes de la vie religieuse», on rappelait chaque fois aux participants qu’il s’agissait là d’informations confidentielles.

Le but de ce document était de «servir les intérêts des religieuses où qu’elles soient» et l’abus sexuel des femmes était présenté comme «un problème parmi d’autres» auquel l’Eglise doit faire face, souligne le communiqué. «Soeur Marie McDonald a pris soin de présenter le problème dans un contexte plus large, précise-t-il, et elle a clairement dit qu’il n’était pas limité à l’Afrique. Elle a en même temps souligné tout le bien effectué par l’Eglise et en particulier par les religieux/religieuses et les prêtres africains, et a exprimé sa profonde appréciation et gratitude à leur endroit. Elle a aussi mentionné tous ces évêques, prêtres, religieux et religieuses qui, durant ces dernières années, ont versé leur sang pour le Christ et pour les peuples africains qui leur avaient été confiés». C’est dans ce «large contexte que le problème des abus sexuels a été présenté».

Le communiqué s’interroge enfin: «Les Sœurs Missionnaires de Notre-Dame d’Afrique ne savent absolument pas comment le ’National Catholic Reporter’ a obtenu le document. Les personnes qui l’ont donné au journaliste ont agi sans demander l’autorisation, et même sans informer Soeur Marie McDonald, qui est très peinée que la confidentialité du rapport n’ait pas été respectée. Elle a invariablement refusé d’accorder une interview à ce sujet au ’National Catholic Reporter’ ou à tout autre journaliste».

Le rappel de l’USG et de l’UISG

Autres réactions, celles des supérieures générales et supérieurs généraux. «Les religieuses et les religieux sont chaque jour les témoins de la valeur et de la force de l’Evangile, malgré leurs faiblesses personnelles», rappellent-ils après la diffusion par le Saint-Siège du communiqué annonçant une enquête sur ces abus sexuels.

Aujourd’hui, il y a de par le monde 200’000 religieux et un million de religieuses, rappellent l’Union des Supérieurs généraux (USG) et l’Union internationale des Supérieures générales (UISG). «La force de la vie consacrée réside dans le fait que chaque jour des religieuses et des religieux vivent fidèlement leur choix de chasteté, d’obéissance, de pauvreté et de service. Le choix de servir de tout coeur est authentique et concret».

L’USG et l’UISG «ne sont pas restées insensibles aux abus sexuels et elles font face concrètement à ce problème». Mais elles souhaitent le rappeler, à la veille de la célébration de la Journée des Missionnaires martyrs, ce 24 mars, que «la vie consacrée entend transmettre de l’espérance à un monde divisé par les guerres, le nationalisme, tant d’injustices individuelles ou institutionnelles. Les religieuses et les religieux sont très engagés, dans la culture…, dans le social…, auprès des enfants abandonnés et des prisonniers…, dans les hôpitaux, l’éducation, la promotion de la femme et de son autonomie. Les religieuses et religieux sont chaque jour les témoins de la valeur et de la force de l’Evangile, malgré leurs faiblesses personnelles».

Se souvenant des prêtres, des laïcs, des religieuses et des religieux qui, en l’an 2000, «ont perdu la vie en témoignant de l’Evangile au coeur des divers conflits en cours dans le monde», l’USG et l’UISG redisent, avec le porte-parole du Saint-Siège, que «certaines situations négatives ne peuvent faire oublier la fidélité, souvent héroïque, de la grande majorité des religieux, religieuses et prêtres».

Prévention: des parcours de formation

Dans une lettre adressée à toutes les maisons générales de religieuses, Soeur Rita Burley, présidente de l’UISG, explique que cette affaire est venue au jour suite à des «indiscrétions journalistiques» causées par la sortie des textes des réunions «où l’on affrontait ouvertement le problème».

Les documents publiés vont de 1995 à 1998, mais de nouveaux cas auraient été signalés ces dernières années, non seulement en Afrique mais dans d’autres pays, comme l’Inde ou les Philippines.

Soeur Rita Burley a également été interrogée par «Vidimus Dominum» (Rome), l’agence de la vie consacrée. «Nous devons admettre qu’il est difficile de mesurer l’étendue du problème, dit-elle. Les difficultés vécues dans certaines régions, notamment en Afrique, ont été rendues publiques ces jours-ci, mais la situation était déjà connue. Le problème était à l’étude et, là où c’était possible, des mesures ont été prises pour y remédier. Les mesures adoptées visent à une amélioration humaine, spirituelle et culturelle des religieuses, en même temps qu’à l’assistance et à la prise en examen des cas spécifiques».

Pour elle, cela a permis d’intensifier le dialogue entre la vie consacrée et certains niveaux institutionnels de l’Eglise en vue d’une communion effective, basée sur le respect et la connaissance réciproques. «Il est vrai également, conclut Soeur Burley, qu’il convient d’affronter ces problèmes dans le cadre de la problématique plus vaste de l’Eglise dans toutes les régions, en particulier en Afrique, et de les situer dans le cadre de l’engagement de la vie religieuse dans l’Église et parmi les peuples africains, d’une façon concrète».

Frère Alavaro Rodriguez, président de l’USG, a tenu le même langage au micro de Radio Vatican: les supérieurs religieux ne sont pas restés insensibles et ils sont en train d’examiner les moyens d’aider les victimes. Il a lui aussi signalé deux remèdes: la formation, pour aider les religieux et les religieuses à vivre leur consécration, et la récupération psychologique des victimes.

Affronter le problème

Suite à déclaration du porte-parole du Vatican, le Père Gino Barsella, directeur de «Nigrizia», la revue missionnaire des Comboniens Italiens, a demandé que le problème soit affronté «ouvertement et à fond, en cherchant à comprendre quelle est l’étendue réelle du phénomène et quelle est sa signification». «Ce n’est qu’ensuite qu’on pourra dire ce qu’il faut faire dans de telles circonstances», a-t-il ajouté. (apic/cip/mna/vd/pr)

25 mars 2001 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 6  min.
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