Afrique du Sud: Un évêque catholique admet les libations de sang pour honorer les ancêtres

«Les ancêtres sont proches des vivants»

East London, 14 avril 2000 (APIC) Mgr Buti Tlhagale, archevêque catholique sud-africain, vient de suggérer l’introduction des libations de sang en l’honneur des ancêtres des Africains noirs dans la liturgie catholique.

Mgr Buti Tlhagale, archevêque de Bloemfontein, soulève cette question dans un article publié dans l’hebdomadaire catholique sud-africain, «The Southern Cross». «Le sacrifice aux ancêtres continue d’être une pratique très commune parmi les Africains», a-t-il déclaré. «Un animal est tué – vache ou mouton – lorsqu’il y a des funérailles ou une fête de mariage, en temps de maladie, de chômage, de querelles familiales ou lors de la naissance d’un enfant». Cette pratique devrait être comprise comme faisant partie de l’inculturation, selon laquelle la culture et les valeurs locales et autochtones sont un moyen de présenter, reformuler et mieux vivre la foi chrétienne.

L’archevêque de Bloemfontein estime que les chrétiens non africains qui réagissent à l’idée des libations «ne parlent pas à partir des mêmes expériences que les Africains blancs. Il y a un choc des cultures. Ce que je veux dire, c’est que même des chrétiens noirs des villes sacrifient des animaux car cela s’inscrit dans la tradition de communion avec les ancêtres dans des moments importants.

L’archevêque ne veut certes pas revenir aux temps de l’Ancien Testament, mais il estime que la coutume de verser le sang est vivante et ne peut être ignorée lorsqu’il y a inculturation.

«Les ancêtres sont proches de vivants»

«Le rituel et le langage des ancêtres sont profondément enracinés dans la culture africaine locale. Les ancêtres sont très proches de vivants», a déclaré Mgr Tlhagale en ajoutant qu’ils étaient «la porte vers le monde spirituel. A cause d’eux, le monde de l’esprit est réel. C’est pourquoi parler de la réalité de Dieu n’est pas totalement étranger aux traditionalistes africains».

La libation du sang d’un animal sacrifié pourrait être introduite dans les rites funéraires dans la maison du défunt, au début d’une veillée nocturne, ou le soir avant un mariage, a-t-il suggéré. «Ceci pourrait être lié à la parole de l’Evangile afin que la cérémonie porte une empreinte chrétienne».

Mgr Tlhagale se dit prêt à ouvrir le débat sur la façon d’incorporer la tradition de la libation dans la liturgie de la messe de manière symbolique. Il ne suggère pas qu’un animal soit sacrifié durant la messe. Le sang d’un animal tué avant, ou une bière traditionnelle africaine, par exemple, pourraient être utilisés pour la libation.

«Si cela a lieu durant la messe, le meilleur moment serait avant l’offertoire, parce que la libation est un don fait aux ancêtres, non à Dieu». L’archevêque Tlhagale a souligné que le clergé devrait veiller à ce que les fidèles ne fassent pas la confusion entre le sang du Christ – symbolisé par le vin consacré – et le sang d’une victime sacrificielle.

«Nous savons que le sang du Christ expie pour tous les péchéés de l’humanité, et nous ne pouvons attribuer son effet rédempteur au sang des animaux. Peut-être pouvons-nous surmonter cette difficulté en précisant que le sang de l’animal n’est pas un élément d’un vrai sacrifice?.

Dans sa déclaration écrite, l’archevêque Tlhagale a ajouté que «la vénération des ancêtres précède l’avènement du christianisme en Afrique. Cette croyance est profondément enracinée dans le psychisme africain et ne sera pas simplement effacée par l’eau du baptême. Cette croyance est si forte que la majorité des familles africaines – même parmi les chrétiens des villes – continue de sacrifier des animaux durant les rites de passage, lors des fêtes de mariage, les funérailles, les cérémonies de réconciliation».

Les vivants et les morts forment un tout

Selon le prélat sud-africain, cette coutume, si fondamentale dans la culture africaine, peut être pratiquée hors de l’Eglise, ou faire partie de notre croyance chrétienne et de la pratique rituelle. Dans l’esprit des Africains, les acêtres continuent de faire partie de la famille des vivants. Les vivants et les morts forment un tout dans la vie. L’esprit occidental a une certaine peine à comprendre le rôle des ancêtres. Si le christianisme doit être africain, ce que représentent les ancêtres ne peut être ignoré. Le danger du syncrétisme est toujours présent, mais c’est pourquoi l’inculturation doit rester un sujet ouvert. La vénération des ancêtres et la libation du sang ne sont pas un retour au paganisme. C’est la façon qu’ont les Africains de parler aux morts.»(apic/eni/mk)

14 avril 2000 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 3  min.
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