Soeur Marceline Ebia compte des dizaines de milliers de followers sur les réseaux sociaux | Capture-écran/TikTok
International

Afrique: Sœur Marceline évangélise plus de 250'000 followers

Après sa thèse en philosophie à l’Institut catholique de Paris, Sœur Marceline Ebia aurait voulu se passer de la célébrité. A 51 ans et avec ses 255’000 abonnés sur TikTok, la religieuse au style décomplexé et joyeux est devenue, malgré elle, l’égérie de l’évangélisation sur les réseaux sociaux, y compris Facebook et YouTube, en côte d’Ivoire et au-delà.

Max Savi Carmel, de retour de Côte d’Ivoire, pour cath.ch

8 Mai 2025, fin de journée. «La fumée blanche vient de sortir de la Chapelle Sixtine!» s’exclame Sœur Marceline Ebia, de l’Institut Religieux Féminin Mère du Divin Amour (IRFMDA – Voir encadré). La religieuse, qui profite des courts répits que lui laisse sa vie communautaire pour céder à quelques escapades sur TikTok, vient d’annoncer la bonne nouvelle. «Dans quelques instants, le nom du pape», promet-elle, demandant à ses followers de «rester connectés». Dans la foulée, sa page est inondée de commentaires de milliers de personnes qu’elle tient en haleine depuis le décès de François.

Depuis le conclave, celle qu’on connaît pour ses conseils précieux et ses courtes séances d’évangélisation s’est vite muée en «spécialiste de la papauté». Sœur Marceline analyse, presqu’au quotidien, les premiers gestes de Léon XIV, jurant qu’il «nous fera oublier rapidement François». Une prophétie largement partagée par les églises africaines.

Si le conclave et explications les minutieuses et pédagogiques de cette enseignante-chercheure de l’Université catholique de l’Afrique de l’Ouest (Ucao) ont permis à beaucoup de jeunes de découvrir sa page TikTok, Sœur Marceline a sa chaîne YouTube et est également présente sur Facebook depuis 2009. Elle y compte 5800 followers. Déjà en 2020, elle s’est fait connaître par ses conseils sur la pandémie du Covid-19, une initiative personnelle et spontanée pour celle qui n’a de cesse de multiplier des activités humanitaires. Aujourd’hui, la religieuse aborde tous les thèmes, de l’éducation à l’évangélisation, de la sensibilisation à la prière. Et bénéficie d’une grande audience auprès des jeunes, d’autant qu’elle privilégie TikTok, leur canal de prédilection.

Thèmes variés

Ses vidéos, jamais trop longues, sont devenues, pour beaucoup de jeunes, une vraie ›thérapie’. «Elle m’a appris à ne pas être rancunière», indique Blandine. La jeune étudiante ivoirienne en sociologie se sent «beaucoup plus épanouie» depuis qu’elle a suivi cet appel de la religieuse à «ignorer son ennemi plutôt qu’à lui garder rancune». Amitié, vie, angoisse, richesse, amour, travail, foi, évangile, actualités de l’Église, vie religieuse, Sœur Marceline Ebia touche à tous les thèmes. «Sans sa robe, on n’aurait pas su qu’elle était bonne sœur», concède Paulin. Enseignant de l’école primaire, ce jeune catholique béninois passe ses heures libres «sous casque, à écouter sœur Marceline», révèle-t-il, saluant une présence «de plus en plus active» de l’Église catholique africaine sur les réseaux sociaux. «Une opportunité», insiste la religieuse, évoquant l’appel du pape François en 2023 à aller «vers les périphéries, non seulement géographiques, mais aussi numériques».

Joie et humour

La religieuse sait varier les décors de ses vidéos. Tantôt un paysage bien vert, signe d’un attachement à l’écologie. Parfois un bureau neutre au mur blanc ou beige, souvent devant sa bibliothèque et quelques fois dans une voiture. En tout cas avec régulièrement un fond musical, elle esquisse des pas de danses. Marceline Ebia y tient, elle ne se passe jamais de son habit de religieuse. Bure violette et large scapulaire blanc auxquels ne manque pas la croix en bois. Souriante derrière ses lunettes, sa joie de vivre est contagieuse. «Elle vous égaie tout de suite», s’enthousiasme Constante Dossa. Cette fidèle de la paroisse Saint-Esprit de Lomé, au Togo, ne manque aucune des vidéos de celle qu’elle appelle affectueusement sa «virtuelle directrice spirituelle». Comme elle, des dizaines de milliers de jeunes suivent Sœur Marceline, dans toutes les régions du continent, notamment dans les pays francophones.

Chaque matin, Nathacha Nguijo lit sur la page de la religieuse plusieurs posts dans le taxi qui l’amène de son quartier en périphérie de Yaoundé, à son lointain lieu de travail du centre-ville. «Parfois Sœur Marceline utilise de la musique populaire et sait baisser mon stress», reconnaît l’infirmière de 32 ans. En quelques années, Marceline Ebia est devenue la religieuse francophone la plus suivie sur TikTok en Afrique et, même si elle relativise sa célébrité et s’en moque, elle ne perd pas de vue son objectif: «Passer le message du Christ.» Elle ne l’a pas cherché bien loin son modèle: «Le pape François est très présent sur Internet qu’il définit comme un don de Dieu», constate la religieuse de l’IRFMDA.

Évangéliser

C’est sa première mission sur TikTok. «Évangéliser et témoigner que la joie se trouve en Jésus», rappelle Sœur Marceline. C’est d’ailleurs cette joie qui fait «qu’il m’arrive parfois de danser!» explique-t-elle pour justifier ses danses qui amusent ses followers qui y trouvent leur consolation. Des followers de tout horizon, «catholiques, évangéliques, musulmans, et d’autres encore», précise celle qui, en coulisse, accomplit un suivi de tous les instants. «En message privé, j’écoute, j’encourage et je conseille tous ceux qui m’écrivent. Dans la mesure de mes possibilités. J’essaie toujours de répondre personnellement», ajoute la docteure en philosophie.

Son objectif: «davantage de jeunes missionnaires catholiques pour contrebalancer la multitude d’influenceurs qui foisonnent sur Internet». Elle sait, pour cette pastorale qu’elle s’est choisie, compter sur sa communauté religieuse qui est très présente sur les réseaux sociaux. Une posture qu’elle justifie par le charisme de sa congrégation qui est l’évangélisation. D’ailleurs, «nos Constitutions considèrent les réseaux sociaux comme un moyen efficace de diffusion de la foi».

Pour le moment, elle mobilise autant de jeunes avec du matériel «assez rudimentaire en raison de moyens financiers limités». Mais Marceline Ebia rêve d’un «vrai arsenal de l’évangélisation numérique», au-delà de son «téléphone et d’un trépied» dont elle se contente en attendant. (cath.ch/msc/bh)

Bio express
-10 Décembre 1973: naissance à Bonoua, en Côte d’Ivoire
-21 Décembre 1997: première profession religieuse
-19 Mai 2012: profession perpétuelle
-2017: thèse de Doctorat en philosophie politique à l’Institut catholique de Paris
-2019: elle fonde l’Association pour la recherche de l’unité, la solidarité et l’identité africaine (Arusia)
-Depuis 2023-2024: enseignante-chercheure à l’Université catholique de l’Afrique de l’Ouest à Abidjan (Côte d’Ivoire). MSC

Institut Religieux Féminin Mère du Divin Amour
L’histoire de l’Institut Religieux Féminin Mère du Divin Amour (IRFMDA) a commencé en mars 1994. Il a été reconnu le 10 juillet 2012 avec l’élection de la Supérieure Générale lors du premier Chapitre Général qui s’est tenu du 08 au 15 juillet 2012 à Abidjan (Côte Ivoire). Cet Institut fait partie de la Communauté Catholique Mère du Divin Amour qui a été reconnue définitivement par Mgr Jean Pierre KUTWA, archevêque d’Abidjan, comme une association privée des fidèles depuis le 19 mai 2012.

Soeur Marceline Ebia compte des dizaines de milliers de followers sur les réseaux sociaux | Capture-écran/TikTok
18 juin 2025 | 17:00
par Rédaction
Temps de lecture : env. 5  min.
Partagez!