Droit à la vie ou droit de disposer de soi ?
Aide au suicide: quelles sont les positions des différentes religions ?
Jacques Schouwey, Apic
Fribourg, 2 novembre 2008 (Apic) En Suisse, prêter assistance à une personne qui a l’intention de se suicider n’est pas un délit, pour autant que cette aide ne soit pas dispensée pour des motifs égoïstes. C’est ce que prévoit le Code pénal suisse dans son article 115. Sur cette base, la Suisse a développé une pratique libérale. Des organisations privées, Dignitas et Exit, aident les personnes qui veulent mettre fin à leurs jours. Qu’en pensent les religions présentes en Suisse ? L’Apic a voulu faire le point sur la question.
L’assistance au suicide étant interdite dans de nombre autres pays d’Europe, un nombre croissant de personnes – une centaine par année- viennent en Suisse pour bénéficier de cet accompagnement vers la mort. A noter que la Suisse, en matière d’euthanasie, se veut une championne par rapport aux autres pays européens. Plus libérale que la majorité des pays européens, à l’exception des Pays-Bas et de la Belgique qui autorisent à certaines conditions l’euthanasie active, la Suisse est accusée par les médias et le monde politique de favoriser le ’’tourisme de la mort’’.
De plus en plus d’étrangers viennent en Suisse pour y bénéficier de l’aide au suicide. Selon la Commission nationale d’éthique pour la médecine humaine, ils seraient au nombre d’une centaine par année. Un cinquième des suicides enregistrés en Suisse est un suicide assisté. Cette proportion serait même d’un tiers à Zurich.
Dignitas a accompagné 141 personnes dans la mort l’an passé. 85% d’entre elles ne résidaient pas en Suisse. Ludwig Minelli, Directeur et fondateur de Dignitas, a indiqué récemment au journal français ’’Le Mondé» que parmi les candidats au suicide assisté en 2007, plus de la moitié étaient des Allemands. Viennent ensuite les Anglais et les Français.
Depuis sa fondation il y a dix ans, Dignitas a pratiqué, selon swissinfo, 868 accompagnements. Sur 100 personnes qui reçoivent le feu vert de Dignitas pour un accompagnement, 12 réalisent leur souhait de mourir, 70 ne rappellent jamais et 18 disent vouloir encore attendre, précise Ludwig Minelli.
Exit Suisse alémanique et au Tessin a, de son côté, pratiqué 179 accompagnements en 2007 et 150 en 2006, a indiqué Heidi Vogt qui dirige l’équipe Exit Suisse. La Suisse romande a quant à elle effectué 66 assistances. Selon swissinfo, les chiffres prennent l’ascenseur: environ 350 personnes recourent aux services d’Exit ou de Dignitas chaque année.
L’Apic a voulu faire le point sur la question en demandant aux responsables des principales religions présentes en Suisse la position officielle de leur communauté sur le sujet de l’aide au suicide.
Responsabilité personnelle pour l’Eglise néo-apostolique
L’Eglise néo-apostolique n’encourage pas l’acharnement thérapeutique, mais ne préconise pas non plus l’aide au suicide, selon les propos donnés à l’Apic par Jean-Jacques Hildbrand. Il en va dans cette dernière situation de la responsabilité personnelle et de la sensibilité que chacun a avec son médecin. «Avec les fidèles, l’Eglise garde un accompagnement de proximité dans la situation de fin de vie.»
Pas de «droit à la mort» pour l’Eglise orthodoxe
Pour Noël Ruffieux, ancien responsable de la communauté orthodoxe de Fribourg, comme il n’y a pas de magistère central dans son Eglise, les positions sont celles des différents évêques, marquées par certains points communs. Dieu est le donateur de la vie, il en seul à pouvoir en disposer. L’Eglise orthodoxe refuse le suicide comme elle refuse l’avortement. Elle ne trouve pas souhaitable l’acharnement thérapeutique, mais voit positivement le fait d’atténuer les souffrances d’un malade incurable, par un «soutien psychologique, social, spirituel et ecclésial». Le rôle du corps médical, selon Noël Ruffieux, est de soutenir la vie, et non de la supprimer. L’Eglise orthodoxe considère que l’aide au suicide est souvent une manière pour les proches de se «dédouaner»: Le malade qui demande la mort le fait, selon elle souvent «sous la pression de son état physique et psychique». Le droit à la mort ne saurait, toujours selon Noël Ruffieux, être inscrit dans une législation, «à moins que l’on admette que la société est par nature mortifère».
Ne pas absolutiser le droit à la vie, selon les Eglises protestantes
La Fédération des Eglises protestantes de Suisse (FEPS) a, quant à elle, publié en 2007 un document important sur le sujet: «Vivre la mort. Un regard sur les décisions en fin de vie». Il repose sur trois principes fondamentaux, alliant les lois de l’Ancien et du Nouveau Testament à la compréhension moderne de l’autonomie de l’homme: protection de la vie, autonomie et assistance. Pour la FEPS, aucun de ces principes ne peut être absolu, mais ils doivent être respectés les trois. Dans le cas de l’aide au suicide, c’est la situation réelle de l’individu qui doit être au centre. La FEPS se distingue de l’Eglise catholique en ce qu’elle n’absolutise pas la protection de la vie. Comme le dit Franck Mathwig, chargé d’éthique à la FEPS, «le Dieu vivant et bienveillant n’est pas un Dieu à principes. Du point de vue protestant, Dieu nous justifie sans aucune référence à notre mort.» La FEPS se prononce pour un meilleur développement des soins palliatifs.
Responsabilité personnelle et liberté de choix pour l’Eglise catholique chrétienne
Maja Weyermann, porte-parole de l’Eglise catholique chrétienne de Suisse, affirme, de son côté, affirmé qu’il n’y avait pas de position officielle sur le sujet, mais que son Eglise accorde une grande importance à la responsabilité personnelle et à la liberté de choix, considérées comme des marques de la dignité humaine. Si, d’un point de vue théologique, il est clair que seul Dieu dispose de la vie humaine, du point de vue pastoral, il faut faire preuve de compréhension pour les personnes concernées par une maladie incurable. Le rôle de l’Eglise est de montrer à chacun sa responsabilité. Selon Maja Weyermann, la question de l’aide au suicide, soulevée par les problèmes de «Dignitas» n’est qu’une petite partie de la question de l’accompagnement en fin de vie. Si l’Eglise n’a pas à obliger ou interdire, elle doit accompagner ses fidèles jusqu’à la fin de leur vie.
L’Eglise catholique comprend, mais n’encourage pas le recours à de tels services
L’abbé Vienny, curé modérateur de Villars-sur-Glâne et Saint-Pierre, peut tout à fait comprendre que certaines personnes fassent appel à ce genre de service même si cela heurte ses propres convictions. Le prêtre se dit mal à l’aise quand une personne lui dit: «Ce sera mon fils, ma fille, mon mari, un ami qui me donnera la pilule de délivrance!» Même par amour, on ne peut pas faire porter sur les épaules un tel acte à un proche. Ce geste est trop grave pour une personne de l’entourage qui devra porter cela toute sa vie. La médecine d’aujourd’hui possède un arsenal de moyens pour apaiser la souffrance, pour la faire disparaître même sans avoir besoin de faire appel à ce genre de service, affirme le prêtre, pour qui la frontière entre l’euthanasie active et passive est ténue. Mais il défend le droit qu’a la personne en fin de vie de demander de ne pas s’acharner. Selon lui, tout l’arsenal médical devrait être utilisé davantage pour soulager la souffrance même si cela va raccourcir un peu la vie.
L’homme doit rendre compte de sa vie, selon l’islam
Pour Hani Ramadan, directeur du Centre Islamique de Genève, «l’islam interdit formellement le suicide. Notre vie ne nous appartient pas. Elle est un don de Dieu, et l’homme en est responsable comme d’un bien dont il aura à rendre compte. C’est pourquoi l’Islam interdit l’euthanasie. Cependant, l’euthanasie dite passive n’est envisageable que dans la mesure où la décision de maintenir en vie le patient relèverait d’une forme d’acharnement thérapeutique, selon les avis de médecins qualifiés.»
Encadré
Dispositions légales
En Suisse, l’euthanasie active directe est assimilée à l’homicide, et donc, punissable. L’euthanasie active indirecte (par exemple administrer de fortes doses de morphine) ne l’est pas. L’euthanasie passive (arrêter la thérapie) n’est pas punissable. L’euthanasie passive au suicide (le patient est accompagné mais effectue lui-même le geste final) est autorisée.
Depuis le 18 décembre 2005, l’hôpital universitaire de Lausanne autorise les suicides assistés. Cet acte médical est encadré par des conditions strictes pour permettre aux malades en phase terminale de mettre fin, eux-mêmes, à leur vie, tout en étant accompagnés par des médecins. Les personnes sont suivies un certain temps par un accompagnateur avant d’accomplir l’acte fatal en absorbant une boisson anesthésiante.
L’article 115 du Code pénal suisse punit l’acte de suicide uniquement pour mobile égoïste. Pour incitation et assistance au suicide : «Celui qui, poussé par un mobile égoïste, aura incité une personne au suicide, ou lui aura prêté assistance en vue du suicide, sera, si le suicide a été consommé ou tenté, puni de la réclusion pour cinq ans au plus ou de l’emprisonnement.», se formule ainsi la loi. ts/js
Encadré
Exit et Dignitas
Le mouvement EXIT pour le droit de mourir en dignité est né en Angleterre en 1935 et existe aujourd’hui en 21 pays du monde: Australie, Belgique, Canada, Colombie, Finlande, France, Allemagne, Inde, Israël, Italie, Japon, Luxembourg, Hollande, Nouvelle-Zélande, Suède, Espagne, Norvège, Suisse, Royaume-Uni, Etats-Unis d’Amérique, Zimbabwe. Ce mouvement mondial compte 34 associations regroupant près d’un million de membres sympathisants.
L’assistance au suicide étant autorisée en Suisse, deux associations EXIT indépendantes et autonomes ont été créées, en 1982, pour aider les personnes dont la vie est devenue un enfer de douleur. Ces deux associations EXIT comptent aujourd’hui plus de 68’000 adhérents dont 53’500 en Suisse alémanique et 14’600 en Suisse romande.
Exit revendique la volonté de lutter contre l’acharnement thérapeutique, de faire reconnaître les droits du patient en demandant le respect de sa volonté et de son choix face à sa mort.
«Directives anticipées»: de quoi s’agit-il ?
Depuis sa création en 1982, Exit distribue le «Testament biologique» ou la ’’Déclaration pour le droit de mourir dans la dignité’’ à tous les membres dès leur adhésion. On l’appelle plus couramment aujourd’hui ’’Directives anticipées’’. C’est un petit document en format carte d’identité que chaque membre d’Exit porte sur lui en permanence et qui est libellé comme suit : ’’Après mûre réflexion et en pleine possession de mes facultés, je, soussigné(e), demande que soient considérées comme l’expression de ma volonté les dispositions suivantes : Que l’on renonce à toute mesure de réanimation si mon cas est désespéré ou incurable ou si, à la suite d’une maladie ou d’un accident, je devais être gravement handicapé(e) physiquement ou mentalement. Qu’une médication antalgique à dose suffisante me soit administrée pour apaiser mes souffrances, même si celle-ci devait hâter ma mort». Le verso de ce document joue le rôle de carte de membre. Le timbre annuel que reçoit chaque adhérent représente un renouvellement tacite de sa volonté, au cas où il serait inconscient et dans l’impossibilité de s’exprimer.
Les membres reçoivent aussi une feuille à confier à leur médecin traitant et à un témoin. Ce document vivement recommandé par Exit fait partie du dossier médical que le patient doit présenter aux services hospitaliers lors de chaque hospitalisation.
Toujours révocable par la personne concernée, un tel document montrera au médecin, d’après Exit, si son malade est conscient, que ses demandes ont été réfléchies de longue date. S’il n’est plus conscient, ce document fera connaître au médecin, la volonté du patient. Par ailleurs, il est utile d’inclure dans les directives anticipées le nom d’une personne ou deux personnes que le signataire désigne comme ses ’’représentants thérapeutiques’’ au cas où il ne serait plus capable de s’exprimer.
De ce côté, l’association alémanique ’’Dignitas’’, basée à Zurich, propose à ses membres de mettre fin à leurs jours en s’étouffant avec un sac en plastique rempli d’hélium. C’est prétendument efficace et rapide et, contrairement au natrium pentobarbital (NAP) utilisé jusqu’ici, aucune prescription médicale n’est nécessaire. Et pour démontrer qu’il s’agit bien d’un acte libre, Dignitas filme le tout, puis transmet les images aux autorités judiciaires.
Dignitas, depuis septembre dernier, a été chassée de deux appartements zurichois suite aux enchaînements des épisodes de mort programmée et aux mécontentements des voisins qui se plaignaient de voir des cercueils chaque jour. Elle a dû se replier dans un hôtel, dans la villa du fondateur et directeur, Ludwig Minelli, et même opérer dans des véhicules. Ts/js
Encadré
Positions des médecins suisses face à Exit
Plusieurs commissions d’éthique se sont prononcées pour que la personne hospitalisée ou en EMS puisse exercer ses droits dans ces établissements. En particulier, elles reconnaissent que les EMS étant le domicile légal de la personne âgée, elle a le droit d’y pratiquer une autodélivrance. Certains médecins et établissements demeurent cependant opposés à toute assistance au suicide.
Pour sa part, l’ASSM (Académie Suisse des Sciences Médicales) demeure d’une extrême prudence. Elle a récemment affirmé qu’aider un patient à mourir n’était pas un ’’acte médical’’. Depuis 1999, elle reconnaît que les directives anticipées du patient sont déterminantes. Cependant, elle n’a pas pour autant modifié ses directives.
Le 1er octobre 2001, l’ASSM a fini par admettre, dans un communiqué de presse, que ’’dans certains cas, l’assistance au suicide peut-être considérée comme faisant partie de l’activité du médecin. Un soutien compétent et compréhensif sur la voie vers le dernier grand pas de la vie à la mort. Ce pas, le mourant ne le délègue pas au médecin, mais l’effectue lui-même selon son libre choix.» ts/js
Rome: A la Toussaint, les fidèles se sentent attirés vers le Ciel, confie le pape
En union avec les saints
Rome, 2 novembre 2008 (Apic) Récitant la prière de l’Angélus lors de la Toussaint, le 1er novembre 2008, Benoît XVI a confié aux fidèles que cette fête semblait les attirer vers le Ciel. Depuis la fenêtre de ses appartements, place Saint-Pierre, le pape a évoqué «le désir» des chrétiens de s’unir «pour toujours» à «la famille des saints».
«Aujourd’hui, a confié Benoît XVI, nous sentons se raviver en nous l’attraction vers le Ciel qui nous pousse à presser le pas dans notre pèlerinage terrestre». «Nous sentons s’allumer dans nos coeurs, a-t-il poursuivi, le désir de nous unir pour toujours à la famille des saints».
Benoît XVI a également comparé «la multitude des saints et des saintes, de tout âge et condition sociale, de toute langue, peuple et culture», à «la variété des plantes et des fleurs» d’un «jardin botanique». «Les saints nous invitent à vivre la joie profonde qui naît de la foi, de l’espérance et de la charité», a encore affirmé le pape.
Saluant les fidèles francophones, Benoît XVI a particulièrement nommé les membres de la famille de sainte Philippine Duchesne (1769-1852), en pèlerinage à Rome. Cette religieuse française de la Société du Sacré-Coeur fut missionnaire auprès des populations indiennes du sud des Etats-Unis.
Le pape a également salué les participants à la première «course des saints» organisée par la congrégation salésienne et dont l’arrivée était matérialisée devant la place Saint-Pierre. Parmi les personnalités présentes pour cette course organisée dans le quartier du Vatican, Benoît XVI a salué le maire de Rome, Gianni Alemanno.
Avec Noël, Pâques, l’Ascension, la Pentecôte et l’Assomption, la Toussaint fait partie des principales fêtes du calendrier liturgique chrétien. Comme son nom l’indique, elle est la fête de tous les saints. Chaque 1er novembre, l’Eglise honore ainsi «la foule innombrable de ceux et celles qui ont été de vivants et lumineux témoins du Christ». Si un certain nombre d’entre eux ont été officiellement reconnus et sont donnés en modèles, l’Eglise estime que beaucoup d’autres ont également vécu dans la fidélité à l’Evangile et au service de tous. C’est pourquoi, en ce jour de la Toussaint, les chrétiens célèbrent tous les saints, connus ou inconnus.
Le 2 novembre, jour où l’Eglise prie plus particulièrement pour les fidèles défunts, Benoît XVI récitera de nouveau l’Angélus depuis la fenêtre de ses appartements. En fin de journée, il se rendra ensuite dans la crypte de la basilique vaticane pour un moment de prière sur la tombe des papes défunts. Enfin, le 3 novembre, Benoît XVI présidera en fin de matinée, dans la basilique Saint-Pierre, une messe en mémoire des cardinaux et des évêques décédés depuis un an. (apic/imedia/ami/js)