Catholiques et protestants dans la tourmente
Algérie : L’Eglise catholique ne cache plus son inquiétude, après l’ordonnance sur les cultes
Alger/Paris, 2 mars 2008 Depuis l’ordonnance de février 2006 sur l’exercice des cultes autres que musulman, l’Eglise catholique d’Algérie est confrontée à des difficultés. Elle ne cache plus son inquiétude. Et la condamnation d’un prêtre, pour avoir prié le lendemain de Noël avec un petit groupe de migrants camerounais chrétiens en dehors d’un lieu connu et autorisé comme lieu de culte ravive cette inquiétude.
Dans un dossier consacré aux problèmes que rencontre l’Eglise dans ce pays, le quotidien français « La Croix » énumère les entraves : fermeture du Centre social du Corso où travaillait Jan Heuft, Père Blanc : expulsion – actuellement reportée au 30 juin – de quatre volontaires brésiliens de la communauté Salam ; refus de la moitié des visas demandés pour le renouvellement des communautés religieuses – au risque d’aboutir à la disparition du petit groupe que constitue l’Église catholique d’Algérie – ou pour les visites des responsables des congrégations.
La pression s’est encore accrue le 30 janvier dernier avec la sentence du tribunal de Maghnia : le P. Pierre Wallez, prêtre du diocèse d’Oran, rappelle « La Croix ». Le prêtre a été condamné à un an de prison avec sursis et 200’000 dinars d’amende, et le médecin algérien musulman qui l’accompagnait, à deux ans de prison ferme et 200’000 dinars d’amende.
« Lorsque l’ordonnance présidentielle du 28 février 2006 réglementant la pratique des cultes autres que musulman avait été publiée, l’Église catholique avait redouté que cette décision puisse se prêter à des interprétations tendancieuses visant à lui faire du tort ». Les derniers événements sont venus confirmer les craintes.
Certes, le prêtre et le médecin ont fait appel de ces condamnations. Le quotidien catholique rappelle le communiqué du 31 janvier de Mgr Alphonse Georger, évêque d’Oran, dans lequel le prélat exprime son incompréhension. « Depuis, l’Église d’Algérie espère que la vérité des faits sera rétablie et les accusés innocentés. Mais elle ne cache plus son inquiétude ».
L’Eglise a sa place dans le pays
Réunis à Alger, les quatre évêques d’Algérie – Mgr Henri Teissier (archevêque d’Alger), Mgr Gabriel Piroird (Constantine), Mgr Claude Rault (Laghouat) et Mgr Alphonse Georger – ont rencontré lundi 25 février le ministre des affaires religieuses Bouabdellah Ghlamallah, révèle « La Croix ». Celui-ci, tout en précisant que le règlement des difficultés ne relevait pas de sa responsabilité, leur a réaffirmé que l’Église catholique avait bien sa place en Algérie.
« Nous savons que ces problèmes sont en lien avec le développement, dans le pays, des nouvelles communautés chrétiennes dites évangéliques, explique Mgr Teissier. Mais nous ne pensons pas juste que, trop souvent, ce soit notre Église catholique, qui n’a pas d’influence sur ces nouveaux groupes, qui fasse l’objet de mesures les visant. Certes, ces nouveaux chrétiens sont nos frères, en tant que disciples de Jésus, mais nous comprenons autrement qu’eux le témoignage à rendre à l’Évangile. »
Selon « La Croix », la presse algérienne ne contribue guère à clarifier la situation. Depuis plusieurs années, des journaux dénoncent le prosélytisme évangélique, notamment en Kabylie, en illustrant les textes par des photos de la basilique Notre-Dame d’Afrique ou de Mgr Teissier, sans rapport avec le sujet. Ces dernières semaines, les articles et les émissions de radio consacrés à la question se sont multipliés, attisant encore la polémique et entretenant les amalgames. Le pasteur Mustapha Krim, président du Conseil de l’Église protestante d’Algérie ne partage pas cet avis. Selon lui, « le prosélytisme en Algérie est surtout islamiste ». « Je ne comprends pas comment 32 petites communautés chrétiennes peuvent faire trembler 32’000 mosquées », note-t-il.
Bouamrane Cheikh, président du Haut-Conseil islamique, cité par « La Croix, dénonce ce prosélytisme qui, dit-il, repose « sur le dénigrement de l’autre ». « L’islam, explique-t-il, ne peut accepter que des gens viennent et insultent le Prophète en usant du dénigrement et de la diffamation, profitant de la détresse de certains pour les convertir, promettant en contrepartie visas et avantages matériels. »
Conséquence : les chrétiens de mouvance évangélique sont actuellement soumis à une pression accrue. À Oran, trois pasteurs ont été accusés de blasphème et jugés le 27 janvier par le tribunal d’Aïn Turk. Le procureur a réclamé trois ans de prison ferme et 500 000 dinars d’amende (5’000 euros, soit plus de trois ans de salaire) pour « atteinte à la religion et à la personne du Prophète ». En Kabylie enfin, plusieurs communautés évangéliques ont été interdites, et deux directeurs d’école et un enseignant ont été radiés. Le pasteur méthodiste Hugh Johnson, président de l’Église protestante jusqu’en 2006, vient pour sa part de se voir retirer la carte de résident dont il bénéficiait depuis quarante-cinq ans, note la journaliste Martine de Sauto, auteure de cette enquête. (apic/cx/mds/pr)