Les incendies ravagent l'Amazonie également en Bolivie| © Daniel Beltra Greenpeace
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Amazonie: la situation inquiète toute l’Eglise latino-américaine

Avec la vague sans précédent d’incendies qui ravagent l’Amazonie, et pas seulement au Brésil, les réactions se multiplient. Notamment celles du Conseil épiscopal latino-américain, du monde universitaire, du Réseau ecclésial pan-amazonien et du Conseil indigéniste missionnaire.

Le 22 août, le Conseil épiscopal latino-américain (CELAM) publiait un communiqué intitulé «Elevons la voix pour l’Amazonie», rappelant que les incendies qui frappent actuellement le poumon du monde avaient «un impact planétaire». Le communiqué rappelait également que si «l’Amazonie souffre, le monde souffre». Le lendemain, c’est la Conférence nationale des évêques du Brésil (CNBB), qui dénonçait à son tour les «incendies absurdes» et les «déprédations criminelles» qui détruisent une région «cruciale pour l’équilibre écologique de la planète». Depuis, les réactions se multiplient, en commençant par celles du Réseau ecclésial pan-amazonien (Repam).

Dans une lettre ouverte publiée le 25 août, les cardinaux Claudio Humes, Pedro Barreto et Mauricio Lopez, respectivement président, vice-président et secrétaire exécutif du Repam, ont rappelé que, depuis sa création soutenue par le pape François, cette entité est préoccupée par «un territoire chaque fois plus dévasté et menacé, un constat qui se confirme une fois de plus avec les actuels incendies». Les signataires de la lettre soulignent à cet effet que l’instrumentum laboris, document de travail qui va nourrir le prochain Synode pour l’Amazonie, qui se tiendra à Rome du 6 au 27 octobre 2019, relate de très nombreux témoignages évoquant différentes situations vécues dans la région «qui mènent l’Amazonie vers un point de non retour».

Chercheurs unis contre Bolsonaro

Ce sentiment est d’ailleurs partagé par une centaine de chercheurs et universitaires latino-américain et européens qui travaillent au sein de 50 universités de différents pays. Réunis au sein du Groupe de travail politique du Conseil latino-américain de sciences sociales, ces derniers désignent en effet Jair Bolsonaro, le président brésilien, comme «responsable politique pour les crimes de lèse-humanité et de lèse-environnement commis à travers la déforestation et les incendies en Amazonie».

Les chercheurs soulignent également que le gouvernement de Jair Bolsonaro ne se contente pas d’encourager la pratique de crimes environnementaux, entraînant une augmentation de 287% de la déforestation et de 83% des incendies par rapport à la même période de 2018. «Il a également diminué de 30% les amendes dressées par l’Institut brésilien de l’environnement (Ibama) et a paralysé les actions sur le terrain menées par l’organisme pour surprendre en flagrant délit les forestiers illégaux, ce qui est particulièrement choquant».

«La forêt n’est pas un espace vide»

Les peuples indigènes sont les premières victimes humaines de cette vague d’incendies record en Amazonie. C’est ce qu’a rappelé Mr Roque Paloshi, archevêque de Porto Velho, capitale de l’Etat amazonien du Rondônia, et président du Conseil indigéniste missionnaire (Cimi). «La forêt n’est pas un espace vide. Il y a près d’un million d’indigènes au Brésil et bon nombre d’entre eux vivent en Amazonie. Les incendies ne constituent malheureusement pas une nouveauté.

C’est la base des appropriations illégales de terres, le «grilagem». Et l’archevêque de Porto Velho d’expliquer que «les ‘grileiros’, au service de grands propriétaires terriens, utilisent le feu pour expulser les habitats de la forêt. Après que la terre soit ‘libérée’, ils créent de faux documents pour que les grands propriétaires terriens puissent l’occuper». Mais cette fois-ci, assure Mgr Paloshi, le problème est devenu une urgence pour deux raisons.

D’abord, selon le président du Cimi, «le gouvernement de Jair Bolsonaro a coupé les budgets des organismes chargés de protéger l’Amazonie». Mais il y a encore plus grave: «Les grileiros se sentent encouragés par les déclarations irresponsables du gouvernement. Ce qui provoque une augmentation exponentielle des occupations illégale de terres». D’où la nécessité, aux yeux de Mgr Roque Paloshi, de «lever la voix en défense de l’Amazonie, cœur de notre Maison Commune».

Aide du G7 refusée

Côté gouvernement brésilien, les fins de recevoir de l’aide proposée par de nombreux pays succèdent aux déclarations particulièrement acerbes du président Jair Bolsonaro et de son gouvernement, notamment à l’égard du président français Emmanuel Macron. Ainsi l’aide de 20 millions d’euros proposée par les participants au sommet du G7 qui s’est tenu du 24 au 26 août 2019 à Biarritz a été tout simplement rejetée par le Brésil.

«Merci, mais peut-être que ces fonds seraient plus pertinents pour reboiser l’Europe, a répliqué lundi 26 août sur son blog Onyx Lorenzoni, Ministre de la Casa Civil, l’équivalent d’un premier ministre en France». Et de poursuivre: «Macron n’est pas capable d’éviter un incendie prévisible dans une église classée patrimoine de l’humanité et il veut nous apprendre quoi pour notre pays ? Il a beaucoup à faire chez lui et dans les colonies françaises». (cath.ch/jcg/gr)

Les incendies ravagent l'Amazonie également en Bolivie| © Daniel Beltra Greenpeace
27 août 2019 | 11:48
par Grégory Roth
Temps de lecture: env. 3 min.
Amérique latine (64), CELAM (22), CNBB (59), Repam (17)
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