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apic/Bartholomée/ Jean Paul II

Zurich: Le patriarche de Constantinople refuse la primauté du pape

Bartholomée Ier rencontre les évêques suisses (141295)

Zurich, 14décembre(APIC) La patriarche Bartholomée Ier, chef spirituel

des 300 millions d’orthodoxes dans le monde, s’est livré jeudi à Zurich devant les évêques suisses à une remise en question fondamentale du rôle du

pape. «L’idée selon laquelle le Seigneur en choisissant les douze apôtres

confia à l’un deux la tâche de les gouverner n’a aucun fondement dans

l’Ecriture Sainte», a-t-il affirmé.

Mgr Henri Salina, président de la Conférence des évêques suisses, a salué le patriarche en soulignant la valeur des deux traditions orthodoxe et

catholique «expressions vivantes de notre foi commune».

Le patriarche Bartholomée de son côté a opposé la structure solidaire et

décentralisée de l’orthodoxie au centralisme doctrinal et administratif

romain.

La visite du patriarche oecuménique de Constantinople en Suisse depuis

le 8 décembre, s’est déroulée sous le signe d’un franchise toute particulière. Tant envers les protestants à qui il a vivement reproché leur prosélytisme en Europe de l’Est, qu’envers les catholiques à qui il rappelle que

les orthodoxes ne sauraient accepter la primauté de Pierre et le centralisme romain. Un discours que certains me manqueront pas de considérer comme

une réponse à l’encyclique «Ut unum sint» dans laquelle Jean Paul II invitait les autres chrétiens à s’exprimer sur la ’primauté de Pierre’.

Désireux de parler «sans détours et en toute sincérité» Bartholomée Ier

a souligné qu’à ses yeux, «l’ordre du Seigneur à Pierre d’être le berger de

ses brebis avait le sens de lui réitérer cet ordre, qu’il

avait donné à tous les apôtres, et que celui-ci avait trangressé» en le reniant à trois reprises. Cette parole n’avait pas le sens de confier à Pierre une tâche pastorale supérieure à celle des autres disciples. «Le Seigneur donna le nom d’apôtres à tous ses disciples, à titre égal et sans discrimination aucune», insiste le patriarche, considéré lui-même comme le

successeur de saint André.

Le Seigneur n’est pas avec «celui qui se place au-dessus des autres»

Après avoir rappelé la responsabilité personnelle et incessible de

l’évêque, Bartholomée Ier a souligné qu’il «serait inadmissible que le primat de l’Eglise soit chaque fois considéré comme le seul responsable de la

marche de l’Eglise dans l’histoire. Ni que la responsabilité des autres

membres de l’Eglise disparaisse du seul fait qu’ils agissent selon les indications du primat ou d’un corps d’évêques».

Dans la tradition orthodoxe – qui garde inaltérable le système conciliaire – les décisions majeures sont prises conciliairement, à savoir que

plusieurs évêques y participent et que nul ne dispose d’un droit de veto ni

d’un vote prépondérant, a expliqué Bartholomée Ier.

Le patriarche va plus loin encore lorsqu’il affirme que «le Seigneur

lui-même garantit l’assurance du jugement de deux réunis en son

nom, ayant déclaré qu’il est au milieu d’eux (…) Il n’y a pas de promesse

similaire du Seigneur qu’Il sera et collaborera avec un seul, celui qui se

sépare des autres et qui se place au-dessus des autres.»

Pour Bartholomée Ier, le système solidaire et décentralisé explique aussi le fait que les orthodoxes ont su préserver intacte l’ancienne tradition. «Car en l’absence d’administration et de responsabilité centralisées,

pour introduire une innovation dans l’enseignement ou la praxis, il faut

que celle-ci soit agréée par l’ensemble des évêques ou par un très grand

nombre, ce qui est difficile. (…) Dans un système centralisé où existe la

possibilité de la voix prépondérante, il suffit que celui qui dispose d’une

telle voix accepte l’innovation et l’impose aux autres pour que se modifie

l’enseignement ou l’ethos de l’Eglise sous sa juridiction. (…) Il est

plus facile à un seul plutôt qu’à plusieurs de se tromper.»

Selon l’expérience orthodoxe, le système conciliaire décentralisé a en

outre l’avantage d’empêcher quelqu’un de s’imposer à l’Eglise en s’arrogeant un pouvoir central qui, en l’occurence, n’existe pas. «L’inconvénient

apparent de l’Eglise orthodoxe, à savoir que ne disposant pas d’administration centrale, elle manque de pouvoir, s’avère être finalement un avantage.

L’Eglise orthodoxe ne s’appuye pas sur une puissance séculière inexistante,

mais sur celle de Dieu.»

Le patriarche Bartholomée a conclu en priant pour l’unité. «Une unité

qui sera plus facile à atteindre si nous revenons au passé pour redécouvrir

nos sources communes, et si nous abandonnons tout élément novateur qui a

provoqué et qui entretient notre séparation.» (apic/mp)

14 décembre 1995 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 3  min.
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