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apic/Exhortation apostolique / Ecclesia in Africa

Yaoundé: le pape signe l’exhortation apostolique «Ecclesia in Africa»

Note de présentation synthétique (150995)

Yaoundé, 15septembre(APIC/Maurice Page) Le pape Jean Paul II a présenté

officiellement vendredi à Yaoundé, au Cameroun, l’exhortation apostolique

que lui avait demandé les membres de l’assemblée spéciale pour l’Afrique du

Synode des évêques, afin de porter à la connaissance de toute l’Eglise les

fruits de leur travail. En quatre semaines de débats, du 10 avril au 8 mai

1994, plus de 350 évêques et experts ont soumis à un examen attentif la situation de l’Eglise en Afrique. Le document long de 150 pages et divisé en

sept chapitres entend mettre en relief les ombres et les lumières de

l’évangélisation du continent sous un regard chargé d’espérance.

Le Synode et le pape ont voulu donner à cette exhortation apostolique un

aspect didactique et concret. Après une introduction historique, le texte

aborde les grands thèmes que sont l’inculturation, les défis actuels, les

agents de l’évangélisation, les structures et la construction du Royaume de

Dieu, avec une insistance constante sur l’engagement nécessaire des chrétiens pour la paix, la justice et le développement.

Jean Paul II adresse cette exhortation non seulement aux catholiques,

qui forment 14% de la populatin africaine, mais aussi aux autres chrétiens,

aux musulmans, aux adeptes des religions traditionnelles et finalement aux

hommes de bonne volonté interéssés au développement spirutel et matériel de

l’Afrique.  » Les Pères synodaux ont travaillé «dans une attitude totalement

dépourvue de pessimisme et de désespoir». «L’Eglise doit affirmer avec force qu’il est possible de surmonter les difficultés.» (n.14)

Genèse du Synode

L’introduction du document retrace la genèse du Synode pour l’Afrique.

Après le Concile Vatican II, les évêques africains ont fondé le Symposium

des Conférences épiscopales d’Afrique et de Madagascar (SCEAM). C’est dans

ce milieu qu’a germé l’idée d’un rassemblement continental, concile ou synode africain. Le 6 janvier 1989, le pape a annoncé la tenue d’une assemblée spéciale pour l’Afrique du Synode des évêques, «afin de favoriser une

solidarité pastorale organique dans tout le territoire africain» (n.5).

«Le moment historique de grâce» (n.7) que fut le synode a été préparé en

deux phases. Une commission spéciale, à partir du thème «L’Eglise en Afrique et sa mission évangélisatrice vers l’an 2000: Vous serez mes témoins» a

élaboré les «lineamenta». Ces grandes lignes de réflexion ont été soumises

à une large consultation qui a permis ensuite la rédaction de «l’Instrumentum laboris». C’est finalement sur ce document de travail que les évêques

réunis à Rome au printemps 1994 ont planché. Au passage, Jean Paul II justifie le choix du Vatican comme lieu de rencontre. «Quand j’ai décidé que

la première phase des travaux de l’Assemblée spéciale se déroulerait à Rome, je l’ai fait pour mieux manifester la communion de l’Eglise qui est en

Afrique avec l’Eglise universelle et pour souligner l’engagement de tous

les fidèles en faveur de l’Afrique.» (n.19)

L’exhortation du pape reprend de nombreux éléments des «propositions»

votées par les Pères ainsi que du «Message du Synode au peuple de Dieu» et

des exposés synthétiques du rapporteur spécial, le cardinal Thiandoum.

Offrir un message pertinent et crédible

Le chapitre premier revient sur l’aspect historique de ce synode. Mise

en oeuvre de la «collégialité affective et effective» des évêques, le Synode est particulièrement apte à promouvoir la communion ecclésiale. Il est

authentiquement africain et en pleine communion avec l’Eglise universelle.

La première tâche pour l’Eglise en Afrique est d’offrir un message «pertinent et crédible». C’est un réel défi qui passe par la prière fervente,

une réflexion approfondie, des projets adaptés et la mobilisation des ressources. La crédibilité du message passe d’abord par la crédibilité de ses

porteurs. «Tacitement ou à grands cris, toujours avec force l’on demande:

’Croyez-vous vraiment à ce que vous annoncer? Vivez-vous ce que vous croyez? Prêchez-vous vraiment ce que vous vivez?’»(n.21)

Le chapitre II résume l’histoire de l’évangélisation du continent, depuis les premiers siècles où l’Afrique a offert à l’Eglise un grand nombre

de figures de premier plan, jusqu’à la grande expansion missionnaire du

XIXe siècle en passant par la mission des Portuguais au XVe et XVIe siècles. Jean Paul II ne manque pas de mentionner la grande tradition des

Eglises copte et éthiopienne. Pour le pape, la croissance de l’Eglise en

Afrique est un «résultat remarquable à tous points de vue» (n.38).

Tournant son regard vers le présent, Jean Paul II s’attarde sur le destin du continent. Rappelant la parabole du Bon Samaritain, le pape constate

avec les Pères synodaux que «l’Afrique est un continent où d’innombrables

êtres humains, hommes, femmes et enfants sont étendus en quelque sorte sur

le bord de la route, malades, impotents, marginalisés, abandonnés. Ils ont

extrêmement besoin de bons Samaritains qui leur viennent en aide». (n.41)

Les richesses de la culture africaine

Malgré les difficultés actuelles, la culture africaine est dotée de nombreuses valeurs positives. Le pape cite en particulier le sens religieux,

le sens de la famille, l’amour des enfants et de la vie, la vénération des

ancêtres, la place des anciens, la solidarité communautaire.

Centré sur les thèmes majeurs de l’évangélisation et de l’inculturation

le chapitre III part de l’injonction reçue du Christ «Vous serez mes

témoins». «L’Eglise existe pour évangéliser» rappelle Jean Paul II (n.55).

Elle le fait par la proclamation de la parole et le témoignage de sa vie.

«Il est nécessaire que la nouvelle évangélisation soit centrée sur la

rencontre avec la personne vivante du Christ», insiste le texte (n.57).

L’inculturation se fonde théologiquement dans les mystères de l’Incarnation, de la Rédemption et de la Pentecôte, explique le pape. Elle est un

des enjeux majeurs pour le continent. Le pape, à la suite des Pères synodaux, la définit comme un double mouvement: «une intime transformation des

authentiques valeurs culturelles par leur intégration dans le christianisme» et d’autre part «l’enracinement du christianisme dans les diverses cultures.» (n.60) Les critères pour l’inculturation seront donc la compatibilité avec le mesage chrétien et la communion avec l’Eglise universelle.

«Dans tous les cas on doit prendre soin d’éviter tout syncrétisme», précise

le texte (n. 62). L’inculturation enveloppe tous les domaines: la théologie, la liturgie, la vie et la structure de l’Eglise. Il s’agit en premier

lieu d’exploiter au mieux les possibilités qu’offre déjà la dispcipline de

l’Eglise, souligne le pape.

Le synode a lié l’inculturation à l’idée de «l’Eglise famille de Dieu».

Il s’agit en particulier d’exclure tout ethnocentrisme et tout particularisme excessif en favorisant la solidarité et le partage entre Eglises particulières (n.63). Les Conférences épiscopales sont invitées à se doter de

commissions pour l’étude de l’inculturation.

Le dialogue oecuménique et interreligieux constitue le prolongement naturel de l’inculturation. L’exhortation invite à renoncer à un «irénisme de

mauvais aloi ou à un fondamentalisme militant» (n.66), mais aussi à s’élever contre «tout manque de réciprocité en matière religieuse». Face au

adeptes de la religion traditionnelle, il convient d’éviter «tout langage

inadéquat et irrespectueux» (n.67).

Le développement humain intégral

Le développement humain intégral est au centre de l’évangélisation.

L’Eglise ne peut donc négliger les questions de justice, de dignité humaine, de paix et de développement, rappelle le pape. L’Eglise a un rôle prophétique pour se faire la voix des sans-voix. Au passage, le texte insiste

sur l’importance des médias et la nécessité pour les agents de l’Eglise de

se former à ce domaine.

Le chapitre IV consacré aux défis actuels pour l’Eglise souligne d’abord

la nécessité de l’approfondissement de la foi et de la formation pour la

communauté entière. Trop souvent, elle se limite à un stade élémentaire

(n.76).

Ce chapitre revient ensuite sur la dignité de la famille décrite comme

«premier pilier de l’édifice social» (n. 80) et sujet actif de l’évangélisation. Le pape défend l’égale dignité de l’homme et de la femme et déplore

avec le Synode «les coutumes et les pratiques africaines qui privent les

femmes de leurs droits et du respect qui leur est dû» (n. 82) La famille,

Eglise domestique, a un rôle primordial. «C’est au sein de la famille que

naissent les citoyens et dans la famille qu’ils font le premier apprentissage des vertus sociales qui sont pour la société l’âme de sa vie et de son

développement. … La famille s’ouvre aux autres familles et à la société

et remplit son rôle social». (n.85)

Des agents de l’évangélisation crédibles

Le chapitre V sous le titre «vous serez mes témoins» passe en revue le

rôle de chacun des agents de l’évangélisation. Le texte insiste notamment

sur la formation des catéchistes et des laïcs. Une pastorale de la jeunesse

spécifique devra être mise en place dans les paroisses et les diocèses. La

vocation des religieux et les religieuses devra être éprouvée avec le plus

grand discernement. Les futurs prêtres devront apprendre à mener une vie

simple dans le respect du célibat et de la chasteté. L’instauration de

diacres permanents sera encouragée. Les prêtres et les évêques sont invités

à soigner leur formation continue.

Parmi les structures d’évangélisation, l’exhortation évoque le rôle de

base assuré par les paroisses, les mouvements et les associations ainsi que

les écoles catholiques, qui «sont à la fois lieux d’évangélisation, d’éducation intégrale, et d’apprentissage du dialogue de vie entre jeunes de religions et de milieux sociaux différents» (n.102). Quant à l’enseignement

supérieur catholique, il est non seulement un signe de croissance de

l’Eglise, mais assume une fonction de recherche indispensable. Le pape évoque enfin les besoins matériels pour rappeler que l’objectif est l’autosuffisance, mais que le soutien des Eglises soeurs et des Oeuvres pontificales

missionnaires reste nécessaire.

Assimiler la doctrine sociale de l’Eglise

Sous le titre «Construire le royaume de Dieu», le chapitre VI s’étend

sur la nécessaire promotion de la justice et de la paix en Afrique aujourd’hui. Pour être le «sel de la terre», les chrétiens doivent avoir assimilé la doctrine sociale de l’Eglise. Il s’agit en particulier de promouvoir la voie du droit et de la démocratie pluraliste devant les régimes qui

restreignent les libertés, d’assurer une gestion plus équitable des ressources nationales en s’opposant à la corruption.

Le sida fait l’objet d’un paragraphe où le pape invite à «apporter aux

malades tout le réconfort possible du point de vue matériel comme du point

de vue moral et spirituel», tout en rappelant les exigences de la fidélité

et de la chasteté comme principal moyen de prévention. (n.116)

Il faut mettre fin à la tragédie des guerres en particulier en faisant

cesser le commerce des armes et en trouvant des solutions aux terribles

problèmes des réfugiés.

Autre problème très urgent pour l’Afrique, le poids de la dette

internationale. Le pape demande aux instances internationales l’allègement

de cette dette. L’amélioration de la condition de la femme reste aussi une

priorité.

Devant ces tâches, il importe à la suite du Christ, «communicateur par

excellence» (n.122) de recourir à tous les moyens disponibles pour une

communication efficace de la Bonne Nouvelle, depuis les formes traditionelles comme les chants, la musique, les contes, le mime ou le théatre, jusqu’aux médias internationaux. Cela passe par l’évangélisation de ce monde

des médias et par la revendication d’un accès moins limité aux médias publics.

Une Eglise missionnaire

Le chapitre VII, sous le titre «Vous serez mes témoins jusqu’aux extrémités de la terre», élargit les perspectives et rappelle que les Africains

doivent être aussi leurs propres missionnaires. La solidarité pastorale organique s’impose à l’échelle du continent, donc au delà des limites des

diocèses ou des pays, avec même déjà une ouverture vers d’autres continents. Cela se réalise notamment par les prêtres africains «Fidei donum»,

par les instituts missionnaires qui reçoivent des membres africains et par

les Oeuvres pontificales missionnaires.

Dans sa conclusion, Jean Paul II invite le peuple de Dieu en Afrique à

s’engager résolument pour la réalisation des objectifs présentés dans l’exhortation apostolique. Comme à son habitude, le pape termine ce document

par une prière à Marie dans laquelle il implore une nouvelle Pentecôte pour

l’Afrique pour que les habitants du continent «deviennent des fils généreux

de l’Eglise, famille du Père… germe et commencement sur la terre du royaume éternel». (apic/com/mp)

L’exhortation apostolique du pape Jean Paul II «Ecclesia in Africa» est

disponible auprès de l’administration de l’APIC, case postale 510, 1700

Fribourg, fax 037/ 86 48 30 au prix unitaire de 12.– francs (port et TVA

compris) (photocopies).

15 septembre 1995 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 8  min.
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