Saint -Maurice: Année 2009, jubilé des 800 ans de la Famille franciscaine
Apic Interview
François d’Assise, un converti qui ne cesse d’interroger nos contemporains
Tharcisse Semana, pour Apic
Saint-Maurice, 10 avril 2009 (Apic) La Famille franciscaine fête cette année le jubilé des 800 ans de la fondation de l’Ordre des frères mineurs et de la naissance de la famille franciscaine. L’année 1209 marque l’approbation orale par le pape Innocent III de la Règle de vie (première rédaction) que François d’Assise se propose de vivre avec les premiers frères qui l’ont rejoint.
Frère Pierre Hostettler, gardien du couvent des capucins de Saint-Maurice, en Valais, résume pour l’agence Apic le parcours historique du «mouvement franciscain».
Apic: La Famille franciscaine entre dans le jubilé du 8ème centenaire de la naissance du «mouvement franciscain», fondé par saint François, le «poverello» d’Assise. Qui sont les franciscains ?
Frère Pierre Hostettler: La Famille franciscaine comprend le 1er Ordre (Frères Franciscains, Capucins et Conventuels), le 2ème Ordre (les soeurs clarisses), et le 3ème Ordre (les laïcs franciscains de la Fraternité Séculière, en Suisse le «Mouvement Franciscain Laïc». Le terme «Ordre» désigne au Moyen Age un état de vie que l’on choisit. Pour François et Claire, leur projet de vie est vivre l’Evangile à la suite de Jésus.
Apic : La spiritualité franciscaine peut-elle encore inspirer les hommes et les femmes d’aujourd’hui?
Frère Pierre: Née, il y a 800 ans, au Moyen Age, la spiritualité franciscaine reste encore toujours d’actualité. Le mode de vie de saint François d’Assise, sa manière de vivre l’Evangile dans sa radicalité à travers la pauvreté ne cessent d’étonner. Les gens d’aujourd’hui, comme ceux du Moyen Age, s’interrogent toujours sur saint François d’Assise, sur son comportement et sa vie spirituelle. François surprend par sa manière de lire et de mettre en pratique l’Evangile. Il lit: «Va, vends tout ce que tu as et donne-le aux pauvres», et il le fait. Aujourd’hui encore, sa vision du monde nous aide à répondre aux défis auxquels la société nous confronte.
Apic : La pauvreté vécue par saint François a donc un sens aujourd’hui encore ?
Frère Pierre: Une situation de crise, aujourd’hui comme au XIIIème siècle, atteint toute personne, transforme sa vie, la force à vivre plus sobrement, à renoncer au luxe et à l’inutile. Elle nous apprend à ne pas mesurer ni rattacher exclusivement le bonheur aux seuls biens matériels. Pour nous chrétiens, la pauvreté nous renvoie à Jésus-Christ, Dieu fait homme, en acceptant fragilité et pauvreté. François veut vivre cela parce que Jésus l’a fait. Et nous, à la suite de Jésus et de François, voulons accorder aux biens matériels, si utiles qu’ils puissent être, une valeur secondaire, voire éphémère.
Apic : Et si cette pauvreté matérielle peut être encore aujourd’hui évoquée, est-ce qu’elle inspire, voire interpelle les hommes et les femmes de notre temps ?
Frère Pierre: L’homme moderne court toujours après la dernière invention, la nouvelle voiture ou le futile gadget.
Cette soif du nouveau est d’ailleurs exploitée par l’industrie qui va toujours proposer des produits nouveaux. L’homme veut toujours plus, à l’image de celui qui construisait des greniers pour ses récoltes de blé. A quoi bon toutes ces réserves, dira Jésus, si Dieu vient reprendre ta vie demain ? Dans ce contexte, la pauvreté évangélique telle que François d’Assise l’a vécue peut inspirer l’homme d’aujourd’hui à modérer ses appétits, son âpreté au gain. François va donc lutter contre cette soif de l’argent et du pouvoir en proposant une pauvreté qu’il appelle «minorité» : «Je veux que mes frères soient appelés «Frères mineurs», «minores», les petits par leur situation sociale face aux «majores», détenteurs de l’argent et du pouvoir.
Certes l’argent joue un rôle dans les échanges et dans les relations sociales, mais il ne répond pas aux interrogations fondamentales de l’homme. L’Evangile lui offre quelque chose de plus précieux que l’argent. Il montre le vrai chemin, rappelle les vraies valeurs de la vie, le partage, l’attention au pauvre et au petit, la visite au prisonnier, l’eau versée à celui qui a soif, le pain partagé avec celui qui a faim. La course à l’avoir, au pouvoir et au savoir va à l’encontre de ce chemin proposé par Jésus-Christ.
Apic: Face à la crise économique, quel est aujourd’hui votre message ?
Frère Pierre: Bonne question ! Héritiers d’une ’’spiritualité de pauvreté’’, notre message est simple: changer nos habitudes et vivre autrement, que ce soit dans les domaines de l’écologie, de la santé, du commerce, des transports, etc. Comme déjà dit, appel à la modération des biens, lutte contre le consumérisme, se déplacer autrement, manger autrement, dans le respect des producteurs et de la nature. Dans cette optique, on peut lire et relire la brochure de carême éditée par l’Action de Carême et Pain pour le Prochain intitulée cette année «Un climat sain pour assurer le pain quotidien».
Apic: Quels sont les événements qui vont permettre de célébrer ce 8ème Centenaire ?
Frère Pierre: Voici les principales manifestations prévues cette année :
? Assise, du 15 au 18 avril 2009, 2000 frères de toutes les branches de l’Ordre se rencontreront durant la semaine de Pâques pour un Chapitre des Nattes spécial et unique historiquement.
? St-Maurice, 24-25 avril, un «Chapitre des nattes» (*) de la famille franciscaine en Suisse romande, avec la participation du frère Thaddée Matura, OFM
? St-Maurice, le 6 juin, 17h-23h, animation autour du Saint François de Joseph Delteil et spectacle chorégraphique «Terres d’Ecritures» avec Luc Maubon (19h30).
? Pèlerinage à Assise, 18-25 juillet, animé par les frères Vincent et Pierre, capucins.
? St-Maurice, 3-4 octobre, «Chapitre des nattes» du Mouvement franciscain laïc de Suisse romande, avec frère Francesco Azzimonti, OFM
? Lourdes, 24-26 octobre 2009 Rassemblement pour les 3 Ordres de la famille franciscaine francophone.
? St-Maurice, 23 octobre- 29 novembre, mini exposition des fresques de Giotto, au cloître du couvent des capucins. Réalisation Ars Latina.
? St-Maurice, 14 novembre, François et les premiers frères, avec Fabienne Byrde et frère Vincent.
(*) Ce fut le nom du premier rassemblement des frères autour de François d’Assise, en 1219. Les «nattes» évoquent la simplicité du logement. Quant au «chapitre», c’est un terme usuel dans la vie religieuse pour désigner une réunion de frères ou de soeurs.
Encadré
La famille franciscaine comprend tous les hommes et toutes les femmes qui désirent suivre le Christ à la manière de François d’Assise: religieux et religieuses, hommes et femmes de toute condition se rencontrant pour prier, étudier la Parole de Dieu et les textes franciscains.
En Suisse romande, les différentes branches de cette famille franciscaine regroupent près de 850 membres, dont 48 Frères du 1er Ordre (franciscains, capucins et cordeliers), 20 soeurs contemplatives (clarisses et capucines), 170 soeurs apostoliques (Franciscaines Missionnaires de Marie, soeurs de la Sainte-Croix de Menzingen, soeurs de la Sainte-Croix d’Ingenbohl,) et 600 membres des Fraternités laïques.
Appel à vivre la pauvreté évangélique à la manière de François et à revoir la répartition des biens, source de pouvoir et de domination, origine de la haine et de la guerre dans le monde (apic/ts/be)