Liban: après la proposition melkite de réunifier le patriarcat d’Antioche =
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Beyrouth, 12 novembre 1996 (CIP)
Les réactions n’ont pas manqué après la prise de position unanime des
évêques melkites grecs-catholiques en faveur de la réunification de
l’Eglise d’Antioche, lors de leur synode annuel tenu à Raboué (Liban) en
juillet dernier. Du côté orthodoxe, on reste circonspect: «Cela ne changera
pas la position du pape de Rome qui doit lui-même clarifier
l’interprétation qu’il donne à son autorité», a réagi le métropolite
Georges
(Khodr), évêque du diocèse orthodoxe du Mont-Liban.
Selon le quotidien libanais «Al Nahar», le primat de l’Eglise orthodoxe
d’Antioche, le patriarche Ignace IV, s’est rendu fin août au Phanar, siège
du patriarcat oecuménique à Istanbul, pour une visite de travail de deux
jours avec le patriarche Bartholomée Ier. Les deux patriarches auraient
évoqué, entre autres, les déclarations de l’épiscopat melkite et suggéré
qu’une initiative soit prise pour concrétiser le rétablissement de
l’unité
de l’Eglise d’Antioche à l’occasion de la commémoration des 2000 ans du
christianisme.
Des ambiguïtés à dissiper
Pour sa part, le patriarche Maximos V, primat de l’Eglise melkite
grecque-catholique, a révélé, toujours dans les colonnes d’»Al Nahar»,
qu’une délégation conduite par l’évêque de Baalbek, Mgr Cyrille
Boutros,
s’était récemment rendue à Rome et que l’une des réponses informelles
reçues au Vatican consistait à dire que tout ce qui ferait l’objet d’un
accord entre les évêques grecs-catholiques et les évêques orthodoxes
réunies sous la présidence des deux patriarches pourrait être approuvé par
Rome.
Toujours dans «Al Nahar», le métropolite Georges, évêque du diocèse
orthodoxe du Mont-Liban, a consacré son récent billet hebdomadaire à une
lecture orthodoxe du communiqué de l’assemblée des évêques grecscatholiques. Après un rappel historique et théologique de la situation, il
y fait part des interrogations que suscite la démarche des évêques
melkites, car «il est indispensable, écrit-il, de lever les ambiguïtés sur
une question aussi vitale que l’unité des deux Eglises antiochiennes».
Constatant que ces derniers proposent de revenir aux modes de relations
ecclésiales du premier millénaire, notamment en ce qui concerne la question
de la primauté romaine, le métropolite Georges souligne qu’une
telle
déclaration d’intention ne serait dispenser d’une discussion approfondie de
la question dans la mesure où déjà au cours du premier millénaire le rôle
de Rome s’était trouvé controversé.
Si l’on applique la proposition des évêques grec-catholiques, un fidèle
melkite, tout en se déclaration en communion avec les orthodoxes, «pourrait
dire qu’il est uni au pape de Rome selon les fondements du
premier
millénaire», constate encore le métropolite Georges. «Mais cela ne changera
pas la position du pape de Rome qui doit lui-même clarifier
l’interprétation qu’il donne à son autorité. Le pape de Rome n’est pas
comme
le voit le fidèle melkite. Il se considère comme le chef suprême de toute
la chrétienté», poursuit le métropolite, avant de s’interroger: «Comment
alors le melkite serait-il en relation complète avec l’orthodoxie ?»
Pour l’évêque orthodoxe du Mont-Liban, la confession de foi publiée en 1994
par Mgr Elias Zogbhy, ancien évêque du diocèse grec-catholique de Baalbek,
qui est à l’origine du processus en faveur du rétablissement de l’unité du
patriarcat d’Antioche, était plus complète et plus claire que le communiqué
de l’assemblée épiscopale. Mgr Zogbhy affirmait en effet qu’il croit en
tout
ce que croit l’Eglise orthodoxe.
Une petite clef
Interrogé par le SOP, Mgr Elias Zogbhy a déclaré: «Si je me souviens bien,
la porte de l’Eglise du Saint-Sépulcre à Jérusalem (ou d’une quelque autre
Eglise) est colossale. On ne peut l’ouvrir et la refermer continuellement.
Une petite porte, à la mesure d’une être humain, est pratiquée dans l’un
des deux battants, pour laisser passer les visiteurs. Le rétablissement de
l’unité du patriarcat d’Antioche peut passer par cette petite porte. La
petite clef, qui sert aujourd’hui à l’ouvrir, pourrait servir, avec l’aide
de Dieu, à ouvrir la grande porte, la lourde, qui sépare Rome de
l’orthodoxie orientale.»
Mgr Zogbhy a encore tenu à préciser que le dossier constitué par les
évêques melkites en faveur du rétablissement de l’unité avec les orthodoxes
antiochiens avait été transmis à la nonciature à Beyrouth en août dernier
et que jusqu’à présent aucun réaction officielle du Vatican n’avait été
signalée. «Peut-être que Rome y voit une affaire intérieure au patriarcat
d’Antioche», a-t-il suggéré, avant d’ajouter: «Ou peut-être que le pape,
qui semble vouloir réaliser quelque chose de sérieux sur le plan de l’unité
chrétienne, veut y voir une expérience locale d’unité qui ouvrirait ensuite
la porte à l’unité de l’Eglise romaine avec l’Eglise orthodoxe.»
C’est d’ailleurs, a rappelé Mgr Zogbhy, ce que propose le document du synode quand il dit que «la recherche de la communion, au sein de l’Eglise
d’Antioche, doit contribuer à la réalisation de la communion parfaite tant
souhaitée entre l’Eglise catholique romaine et les Eglises orthodoxes au
plan universel». (apic/cip/