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apic/Mgr Gaillot/ interview
Mgr Jacques Gaillot à Bruxelles: «Je suis devenu un évêque du parvis»
Deux ans après sa révocation, il semble à l’aise dans son nouveau statut
Bruxelles, 9janvier (APIC) Révoqué du diocèse d’Evreux il y a deux ans,
Mgr Jacques Gaillot se définit aujourd’hui comme «un évêque du parvis». De
passage à Bruxelles, le 8 janvier, Mgr Gaillot a expliqué son évolution
personnelle et sa situation actuelle aux journalistes d’information
religieuse.
Le 13 janvier 1995, la nouvelle de l’éviction de Mgr Gaillot par le Vatican avait fait l’effet d’une bombe dans l’Eglise catholique, suscitant
une vague de protestations bien au-delà des frontières françaises. En deux
ans, beaucoup de choses ont changé pour Mgr Gaillot, dont l’avenir n’a pas
encore été concrètement décidé. «J’ai quitté la cathédrale pour venir sur
le parvis. C’est une expérience différente. Ni moins bonne, ni meilleure:
différente. Un fameux déplacement!» «A Evreux, rappelle-t-il, il m’arrivait
de quitter la cathédrale pour le parvis. Certains réagissaient: vous êtes
fait pour la cathédrale!»
Sa révocation du diocèse d’Evreux, bien qu’elle ne touche aucunement sa
qualité d’évêque catholique, a valu à Mgr Gaillot d’un côté une popularité
certaine mais aussi une mise à l’écart par certains milieux. Ce fut le cas
à Milan pour la fête de l’Epiphanie où il n’a pas pu trouver d’église pour
célébrer l’eucharistie avec le groupe qui l’avait invité. Ce fut également
le cas en Belgique quelque temps plus tôt. Des refus que Jacques Gaillot
raconte avec un sourire qu’on devine peiné.
Il poursuit: «Je suis donc sur le parvis. Mais un évêque reste un évêque. Il est fait pour la parole, pour l’Evangile. La parole doit continuer
sa course. Les lieux où est portée la parole ont simplement changé. De même
que je ne prêche plus dans les églises, je ne suis plus invité dans les médias catholiques. Ainsi, à Paris, Radio Notre-Dame, qui dépend de l’archevêché ne m’a jamais invité, mais je passe aujourd’hui à la Radio Protestante.»
«Le média du parvis»
Ses amis de l’association Parténia lui ont offert un autre moyen d’aller
à la rencontre de son «diocèse sans frontières». Sur le site internet «Parténia», les questions et réactions affluent de partout, de la Belgique à
l’Australie, de Novgorod à Pretoria. Mgr Gaillot les classe, à première
vue, en quatre catégories. D’abord, «les questions de sens et de spiritualité»: sur Dieu, sur l’avenir, la violence, le monde, l’injustice. «Ce
sont des questions où les jeunes révèlent à quel point la vie est devenue
difficile pour eux», constate l’évêque.
D’autres questions sont des interrogations critiques sur les religions,
sur les Eglises, «souvent avec une crainte que d’autres pensent à notre
place», note Jacques Gaillot. Une troisième catégorie de questions concerne
la sexualité: l’homosexualité, le mariage, la contraception, l’avortement.
Enfin, périodiquement, l’évêque propose aux internautes de s’exprimer sur
un sujet d’actualité. Ici encore, les réactions fusent, révélatrices d’un
immense désir de dialogue et de partage des questions de sens.
Au fil des mois, les interlocuteurs sont devenus si nombreux que les
responsables du site songent à une sorte de catéchisme des internautes,
«non pas pour fournir des réponses fermées aux questions, mais pour les
rencontrer de manière honnête et rigoureuse, à partir de la vie». «Jamais
je n’aurais pensé à un tel lieu de parole, de débat, de rencontre»,
reconnaît Jacques Gaillot. L’allemand va s’ajouter bientôt à l’anglais et
au français.»
«Ce que je crois»
La seconde expérience importante pour Mgr Gaillot, celle du squatt de la
rue du Dragon à Paris, est très présente dans le dernier livre de l’évêque
de Parténia. Les 150 pages de «Ce que je crois» sont en fait composées
d’une quinzaine de petits récits, qui racontent la vie quotidienne, les
rencontres, les difficultés comme les fleurs au parfum d’Evangile. «J’ai
essayé de dire ma foi à partie de la vie, des rencontres, sans imposer,» a
expliqué l’auteur à Bruxelles.»L’événement qui m’a le plus marqué l’an dernier fut la révolte des sans-papiers. Il m’a aidé à mieux comprendre
l’Evangile et à exprimer ma foi.»
Le contact est maintenu avec les évêques français et avec Rome
Où en est aujourd’hui Jacques Gaillot dans ses contacts avec les autres
évêques? «Le nouveau président de la Conférence des évêques de France, Mgr
Louis-Marie Billé, m’a écrit récemment en attendant, précisait-il, une rencontre fortuite ou prévue. Je rencontrerai à nouveau prochainement les deux
évêques qui sont chargés de garder le contact avec moi. Je constate deux
tendances dans l’épiscopat. Les uns sont plutôt pressés de me faire quitter
le parvis pour rentrer dans la cathédrale. D’autres, désirent plutôt que
j’y reste, mais en lien avec ce qui se vit dans la cathédrale. Toute la
question est donc: peut-on être évêque autrement? Qu’il est difficile d’innover!»
Et avec Rome? «A la Noël 95, rappelle Mgr Gaillot, j’ai eu une rencontre
fraternelle et sympathique avec Jean-Paul II. Je lui ai demandé: laissezmoi comme je suis! Le pape m’a dès lors confié au cardinal Gantin, préfet
de la Congrégation du Vatican pour les évêques, qui m’a remis en contact
avec le président de la Conférence épiscopale française. Rome attend donc
quelque chose de l’épiscopat… qui cependant reste très lié à Rome. En attendant, je vis. Rien ne presse!»
«La plupart des gens que je rencontre aujourd’hui, relève Jacques Gaillot, ou bien ne sont pas chrétiens, ou bien ne se sentent plus chez eux
dans l’Eglise. Mais pour eux, de toute évidence, je suis un homme d’Eglise.
Je ne crois pas qu’on soit moins évêque sur le parvis. C’est même une aventure passionnante. Avec un peuple immense. Si je devais accepter toutes les
invitations qu’on m’adresse de par le monde, je n’en finirais pas. Le parvis est large. Un évêque du parvis ne sent pas le renfermé.»
Jacques Gaillot a été invité et a accepté de participer à une assemblée
de préparation des Journées mondiales de la Jeunesse à Paris, qui se dérouleront du 19 au 24 août et se termineront par un rassemblement autour du
pape et de nombreux évêques de divers pays. Encore un signe auquel tient
«l’évêque du parvis» pour montrer son attachement à la grande Eglise.
(apic/cip/mp)