«Suicide» collectif en Suisse: un «médecin» nommé Jouret

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«Suicide» collectif en Suisse: un «médecin» nommé Jouret (051094)

De l’Université aux Templiers…

Fribourg, 5octobre(APIC) Un des chalets brûlés dans la commune valaisanne

des Granges sur Salvan avait bien été acheté ou loué par Luc Jouret, fondateur et guide spirituel de la secte du «Temple du soleil». Le docteur Jouret, un homéopathe de nationalité belge, est né le 18 octobre 1947 en Afrique. Il passe pour un orateur de talent «sachant captiver son auditoire».

Son message a une forte composante apocalyptique. La secte, qui semble à

l’origine de la tragédie qui a pour l’instant coûté la vie à 48 personnes

dans les cantons du Valais et Fribourg, se rattache à une mouvance ésotérique des néo-Templiers, qui attend pour bientôt la fin du monde.

Dans une étude consacrée aux «Templiers pour l’Ere du Verseau», aux

«Clubs Archédia», et à «l’Ordre international chevaleresque tradition solaire», le spécialiste des sectes, le Fribourgeois Jean-François Mayer analyse l’homme et sa trajectoire dans différents mouvements. L’homme, dit-il,

d’allure jeune et dynamique, bénéficie de l’aura du médecin. Ses études de

médecine à l’Université libre de Bruxelles furent en effet couronnées par

un doctorat en 1974. Il aurait ensuite pratiqué durant trois ans la médecine générale. Insatisfait de la médecine traditionnelle, Jouret entreprend

alors «une quête personnelle» à travers toutes les médecines et fait de

nombreux voyages dans le monde entier. Pour déboucher sur une synthèse, une

médecine «qui soigne l’homme dans sa globalité». Son séjour aux Philippines

en 1976/77 semble marquer pour lui une étape importante. Il y travaille

notamment avec deux ou trois guérisseurs qui agissent «au niveau des corps

énergétiques des patients».

Si le discours de Jouret part du domaine de compétence de l’homéopathe

qu’il est, il passe cependant rapidement à d’autres plans. Ses propos sont

animés de «la conviction que l’humanité s’apprête à entrer dans l’Ere du

Verseau», que les religions y existeront toujours, mais «appelées à se

transformer dans une vision unitaire».

Ses voyages ont été pour lui l’occasion «d’intégrer différentes composantes humaines», devait-il affirmer lors d’un séjour à Lausanne. Il expliquait alors que son expérience n’a pas été seulement d’ordre médical…

«Bien qu’ayant vécu une éducation non religieuse et une jeunesse pas facile

du tout», il aurait vécu à certains moments des expériences spirituelles.

Il lâchait enfin cet aveu: «Peut-être faut-il que le médecin ait une dimension – pourquoi pas? – sacerdotale».

Selon J.-F. Mayer, l’alliance des dimensions thérapeutique et sacerdotale constitue une clé pour comprendre l’écho rencontré par Luc Jouret. L’Ordre internationale chevaleresque Tradition solaire (OICTS) a vu le jour en

1984. Elle aurait été le fruit d’une impulsion en vue de la résurgence de

l’Ordre du Temple en France en 1952 et aurait entamé sa présente phase

d’activité lors d’une réunion tenue en Suisse le 21 mars 1981. La date de

1952 n’est pas sans intérêt si l’on sait que les Clubs Archédia – en activité de 1984 à 1991 – diffusaient volontiers des ouvrages et des cassettes

de Jacques Breyer, à l’oeuvre duquel il était fréquemment fait allusion. Or

Jacques Breyer appartenait au groupe à l’origine de la fondation de l’Ordre

souverain du Temple solaire, le 12 juin 1952.

Ce serait dans la lignée de l’Ordre souverain du Temple Solaire, mais

aussi dans la mouvance de l’AMORC (ancien et mystique Ordre de la Rose

Croix), que serait né en 1968 l’Ordre rénové du Temple (ORT), dirigé par un

certain Julien Origas, décédé depuis. Un mouvement avec lequel Jouret aurait par la suite rompu en 1984, à la suite d’une brouille.

Si Luc Jouret affirme être «un des représentants de la résurgence du

Temple dans le monde profane» et être «guidé par la hiérarchie templière»,

il ne se présente pas comme un initié mais comme une personne mandatée pour

s’occuper du travail dans un secteur précis. Reste que ces discours tendent

nettement à insuffler à ses auditeurs le sentiment qu’ils appartiennent à

un petit cercle choisi. Comme beaucoup d’autres, le message propagé par

Jouret est intimement lié à la conviction que nous entrons dans l’Ere du

Verseau et comporte une forte composante apocalyptique.

L’Ere du Verseau, qui suivra en 2160 celle du Poisson, sera l’ère de la

paix, affirme le Nouvelle Age. Celle du Poisson est marquée par le Christ

et de la violence.

Jouret explique ainsi la nature et la fonction du Temple: une manifestation parmi les hommes d’un archétype céleste, qui va rassembler en son sein

des hommes et des femmes marqués du sceau céleste et animés par la volonté

de servir.

Les Templiers réapparaissent dans chaque phase du développement de

l’humanité.

La référence au Christ est très présente dans le discours de Luc Jouret,

de même que la référence chrétienne: on le voit animer des séminaires sur

l’Apocalypse à Lausanne en 1987 et sur les «Paraboles à travers les Evangiles» à Genève en 1991. Mais on l’aura compris: l’interprétation donnée par

Jouret est plutôt éloignée de celle des Eglises, même si, à ses yeux, le

templier est foncièrement chrétien. (apic/pr)

En 1987, dans le cadre d’une vaste enquête sur les nouvelles voies spirituelles en Suisse, sous les auspices du Fonds national suisse de la recherche scientifique, Jean-François Mayer a abordé le thème des Clubs Archédia, alors actifs dans plusieurs villes de Suisse romande et de France.

5 octobre 1994 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 4  min.
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