Lugano: Qui est le nouvel évêque Valerio Lazzeri ?
Approche d’un inconnu
Lugano, 5 décembre 2013 (Apic) Le nouvel évêque de Lugano, Mgr Valerio Lazzeri est encore un quasi inconnu au nord des Alpes, même s’il a fait son séminaire et une partie de ses études à Fribourg. Au Tessin, on se réjouit du choix de cet intellectuel sans lien avec une tendance ou un mouvement polarisant. Evêque à cinquante ans, Valerio Lazzeri a un quart de siècle devant lui pour embrasser cette vaste tâche.
Qui est le nouvel homme à la tête du diocèse de Lugano ? Qui est celui qui gouvernera les 230’000 catholiques du Tessin pour une période probablement assez longue ? Comment se situe-t-il sur les questions de politiques ecclésiales ? A-t-il des qualités de leader ? Il n’est pas aisé de trouver des réponses. D’autant moins que Mgr Lazzeri n’a pas souhaité rencontrer la presse avant son ordination le 7 décembre. Ses futurs collaborateurs sont peu diserts, à l’image de don Italo Molinaro directeur du Centre catholique de radio et télévision de Lugano et curé de Melide : « Il est trop tôt pour poser ce genre de questions. La plupart resteront très prudents dans leurs déclarations sur l’évêque avant son entrée en fonction. Les critiques vont pour l’instant se taire. »
Du côté des sources externes à l’institution, il est difficile aussi de trouver du négatif. Les catholiques dits progressistes se félicitent du choix de Mgr Lazzeri. Le professeur de théologie n’appartient à aucun des mouvements qui polarisent le clergé et les catholiques tessinois, explique le théologien et professeur d’éthique d’origine tessinoise Alberto Bondolfi : « ›Communion et Libération’ (CL) a tout entrepris pour faire élever un des siens à cette charge. L’évêque sortant Pier Giaconomo Grampa, tout comme son prédécesseur Giuseppe Torti, ont essayé pendant des années de contenir CL » Semble-t-il avec succès.
« Il sait rire aussi »
Le fait que Mgr Lazzeri a la bénédiction de son prédécesseur était visible lors de sa présentation à la presse le jour de sa nomination le 4 novembre dernier. Lorsque les deux hommes se sont embrassés, Mgr Grampa n’a pu retenir une larme. Pourtant ils ne peuvent guère être plus différents dans leur caractère. Don ›Mino’, c’est ainsi que les Tessinois appellent familièrement Mgr Grampa, est connu pour ses flambées de colère. L’évêque peut ainsi exploser au cours d’une prédication, raconte Enrico Morresi. Le rédacteur de la petite publication progressiste « Dialoghi » connaît aussi Mgr Lazzeri. Celui-ci est très différent de Mgr Grampa, il est très discret mais sait aller en profondeur. Le rédacteur dit apprécier aussi les prédications de Mgr Lazzeri tout comme son humilité. « Il sait rire aussi. C’est important. »
Carlo Silini, rédacteur du «Corrierre del Ticino» décrit Mgr Lazzeri comme quelqu’un d’ouvert au dialogue, une forte personnalité mais aussi méditatif et un peu timide. Difficile de dire si le nouvel évêque se révélera plus charismatique.
Discret, humble, un peu timide. Ces qualificatifs ne cadrent pas avec quelqu’un qui cherche les lumières de la rampe. « Non, il n’est pas un évêque pour les médias », estime Enrico Morresi. Dans les milieux ecclésiaux, certains disent même qu’il aurait peur des médias. Son apparition devant la presse le 4 novembre n’a cependant absolument pas donné cette impression.
Volonté et capacité d’écoute
Il se peut bien que Mgr Lazzeri préfère écouter les gens plutôt que de se planter devant une caméra pour défendre courageusement le point de vue de l’Eglise, comme son prédécesseur se plaisait à le faire en livrant ses émotions. Pour le quotidien diocésain « Giornale del Popolo », Valerio Lazzeri a relevé l’importance de l’écoute en pastorale. L’art de l’écoute est des plus difficiles, expliquait-il à partir de sa propre expérience. Le nouvel évêque n’a certes jamais dirigé de paroisse en tant que curé, mais il a une expérience pastorale de plus de dix ans comme prêtre auxiliaire à Locarno.
Le choix de sa devise « N’empêche pas le musique » tiré d’un verset biblique du livre de Ben Sirac le Sage, dit aussi quelque chose de sa personnalité. Cette sentence doit toujours lui rappeler qu’il n’a pas écrit la partition que nous devons jouer ensemble.
Un spirituel
Valerio Lazzeri est issu d’une famille simple du Val Blenio au nord du Tessin. Aîné de quatre frères, cet enfant de la vallée du soleil, comme on surnomme parfois le Val Blenio, est devenu un prêtre, un théologien, un enseignant et un intellectuel qui a développé un grand intérêt pour la spiritualité.
Il a étudié la théologie à Fribourg et à Rome. Il s’est spécialisé en théologie spirituelle à la faculté pontificale du Teresianum. Il a obtenu en 1991 un doctorat avec une thèse sur le mystique français du XIVe siècle Jean de Gerson.
Valerio Lazzeri enseigne depuis 1999 à la Faculté de théologie de Lugano comme professeur de patristique et de spiritualité. Entre 2009 et 2010, il a vécu un an au monastère œcuménique de Bose, à Magnano dans le Piémont, pour y approfondir sa propre spiritualité.
Lugano hérite donc d’un évêque spirituel qui n’a pas peur des expériences religieuses contemporaines. Il n’est vraisemblablement pas un meneur-né. Mais autant C. Silini que E. Morresi lui font confiance. « Je pense qu’il a les capacités humaines et chrétiennes pour accomplir sa tâche », relève C. Silini. Mais comme tous les évêques, il aura besoin d’une équipe solide à ses côtés. Beaucoup dépend aussi de ses collaborateurs, ajoute E. Morresi. Valerio Lazzeri disposera d’un certain temps pour cela. Un quart de siècle. (apic/bal/mp)
Le diocèse de Lugano
Jusqu’au XIXe siècle le Tessin était rattaché aux diocèses italiens de Côme et Milan. Après l’unité italienne et le Kulturkampf en Suisse, le territoire tessinois fut constitué en 1884 en administration apostolique dépendante du diocèse de Bâle. Bien que bénéficiant dès sa formation d’une large autonomie, l’administration apostolique de Lugano ne devint un diocèse indépendant qu’en 1971. Mgr Valerio Lazzeri en sera le 6e évêque.
Le diocèse regroupe 256 paroisses pour une population d’environ 230’000 catholiques. Le canton du Tessin ne connaît pas d’impôt ecclésiastique obligatoire. Seules une trentaine de paroisse en ont introduit un. Le diocèse est donc toujours dans une situation financière précaire. Ce qui explique aussi la quasi-absence d’agents pastoraux laïcs salariés. A la différence des autres diocèses suisses Lugano souffre moins de la pénurie de prêtres et ne connaît pas de crise des vocations aussi forte. (apic/bal/mp)